Le photographe nantais Alban Lécuyer remonte le temps d’une histoire déjà écrite. Son projet Ici précédemment aborde l’évolution cyclique de la ville à travers la disparition d’un lieu, sa transformation et la résurgence de traces plus anciennes à la faveur d’une campagne de fouilles archéologiques à Tours (Indre-et-Loire).
Construite selon le principe du palindrome, cette série déroule le récit cyclique d’un morceau de territoire en cours de renouvellement où se succèdent les ruines de l’abbaye de Beaumont, construite en 1002, les sépultures creusées pour les besoins de l’hôpital Bretonneau lors des épidémies du XIXe siècle, des casernes militaires devenues un centre d’entraînement pour le GIGN, avant l’édification d’un futur écoquartier.
Vue projective du futur écoquartier qui sera construit sur l’emprise des anciennes casernes Beaumont et Chauveau (architecte : Bruno Fortier)
Homme et femmes blancs, position debout, accessoires (échelle 1:87)
Bâtiments alloués aux logements, en cours de désamiantage
Bâtiment alloué aux logements, après désamiantage
Déblais issus du décapage archéologique
La photographie préfigure ici l’obsolescence des formes nouvelles et leur disparition annoncée, leur enfouissement et leur exhumation quand, de nouveau, viendra le temps de superposer une strate supplémentaire à la surface d’une ville en perpétuelle sédimentation.
Déblais issus du décapage archéologique
Dalle en béton marquée par un coffrage recouvert de papier journal
Décapage d’un secteur de fouilles
Le chantier – de fouilles ou de construction – devient ainsi le théâtre d’un inachèvement, d’un morcellement des matières et de la mémoire des lieux, où se joue la rencontre de l’archéologie et de l’aménagement urbain, du vestige et de la projection architecturale.
Vue stratigraphique au niveau de l’ancienne place d’armes
Protection des structures archéologiques contre les intempéries
Corps daté de la seconde moitié du XIXe siècle
Station de tamisage pour la récupération du petit mobilier
Fragment de béton provenant d’un hangar de stockage. Surimpression d’un stéréotype provenant de la vue projective du futur écoquartier
Vue du cimetière du IXe ou Xe siècle après fouilles
Femme blanche, cheveux blonds, robe bleue, position debout, accessoires (échelle 1:87)
« La photographie a souvent été convoquée lors des opérations de modification pour constituer l’archive d’une séquence durant laquelle une configuration matérielle succède à une autre. Alban Lécuyer prend à rebours cette progression linéaire, refusant le récit visuel du progrès au profit de la mise en forme d’une réflexion sur la dimension cyclique d’une histoire urbaine où passé et futur se côtoient. Les squelettes du Xe siècle, le coffrage d’une dalle de béton et les balles du GIGN apparaissent comme autant de fragments d’un récit urbain qui entremêle en permanence les usages et les temporalités. Du panneau annonçant l’écoquartier laissé au sol aux ossements emballés, Alban Lécuyer exhibe le passé et dévoile un futur intrinsèquement incertain, comme pour nous rappeler, à la manière d’une vanité, que chaque projet porte en soi un devenir-ruine en puissance ». Raphaële Bertho, historienne de la photographie, spécialiste de la représentation du territoire contemporain, IUT de Tours.
Alban Lécuyer
(Re)découvrir les Chroniques d’Alban Lécuyer
Pour découvrir plus avant le travail d’Alban Lécuyer
Lire /découvrir : Ici prochainement, Sarajevo, par Alban Lécuyer Editions Intervalles
Ici précédemment paraîtra le 2 mai 2024 dans l’ouvrage collectif Creuser l’image, archéologie et photographie à Tours (Presses universitaires François-Rabelais, Tours).