À Beauvais (Oise), l’Atelier Joulin & Chochon (François Chochon, David Joulin – AJC) a achevé en 2024, pour la Communauté d’agglomération du Beauvaisis maître d’ouvrage, la reconstruction du Théâtre du Beauvaisis. Surfaces : 2 800 m². Coût travaux HT : 15,70 M€ dont 2,80 M€ en équipements scéniques. Communiqué.
C’est le projet des architectes François Chochon et David Joulin qui a été retenu pour rebâtir le Théâtre du Beauvaisis, scène nationale. Leur vision du nouvel édifice s’appuie sur un parti pris fort : en faire un symbole architectural remarquable aux portes du centre-ville, ayant vocation à apporter une véritable plus-value au quartier, non seulement du point de vue de l’urbanisme mais également en termes de rayonnement culturel.
« Beauvais est une ville complexe, avec une histoire forte, où l’ancien cohabite avec une architecture de la reconstruction. Nous avons découvert cette ville en même temps que son ancien théâtre, tellement imposant et si proche des habitations. Son emplacement, nous l’avons appelé le « clos beauvaisien », car c’est un espace clôt par les routes et les bâtiments résidentiels tout autour. Cet espace, nous l’avons réévalué, compris et investi. Nous avons voulu articuler le nouvel édifice pour qu’il reflète l’histoire de la ville tout entière, qu’il s’identifie à elle », explique David Joulin, architecte.
Le choix de l’orientation et de l’implantation du nouveau théâtre est à la fois urbain et humain. Il répond à la volonté de faire une architecture respectueuse de son environnement. Le projet architectural est pensé pour s’intégrer aux volumes des bâtiments environnants, mais aussi aux vues du ciel : dans la skyline de Beauvais, percée par l’église de Saint-Étienne et la cathédrale Saint-Pierre, la cage de la grande salle du Théâtre s’érige désormais en rappel aux deux nefs.
« Généralement, l’architecture des théâtres est très marquée, très typique. Il s’agit d’un lieu aveugle, grand et haut, ayant peu d’interactions avec l’extérieur. Notre objectif a été de prendre le contre-pied d’une structure traditionnelle, en ouvrant les espaces autour du Théâtre et en faisant en sorte que toutes les faces du bâtiment soient perçues comme un « devant ». Nous avons osé tourner la salle de 90 degrés : cette modification spatiale a considérablement réduit l’ombre projetée sur les bâtiments adjacents. Et par un jeu de coursives et de terrasses, les formes du Théâtre ont été adoucies, permettant une porosité nouvelle entre intérieur et extérieur », poursuit David Joulin.
Autre point crucial d’intégration à l’existant, la matière. Les façades du théâtre sont traitées en béton, et leur couleur a été travaillée pour être en harmonie avec la pierre de Saint-Maximin (un blanc qui se teint de jaune au soleil couchant). Le béton lisse s’alterne au béton matricé, travaillé en reliefs vibrants évoquant l’art de la tapisserie beauvaisienne. Les motifs s’amincissent lorsque l’on gagne de la hauteur, ce qui permet de donner un effet vaporeux aux façades autrement imposantes. Le volume du hall est, quant à lui, totalement vitré sur l’espace public.
« Nous avons fait le choix d’ouvrir le Théâtre sur l’extérieur à travers de grandes vitres et fenêtres. On amène de la lumière à l’intérieur, tout en montrant ce qui s’y passe. Des regards neufs se croisent, de la ville vers le Théâtre et du Théâtre vers la ville. Et parce que le théâtre est avant tout un lieu d’échanges, nous avons créé un patio pour provoquer des rencontres entre les artistes, le personnel et le public. Les coursives, les terrasses et les passages qui sillonnent le bâtiment sont des points de rencontre ; les loges des artistes sont tournées vers l’extérieur et vers le public, afin de gagner en confort, en luminosité et en interaction », souligne David Joulin.
Un théâtre en béton matricé
Dans un souci esthétique et économique, le choix du matériau de construction s’est porté sur un béton blanc fabriqué de façon traditionnelle. Son aspect se rapproche beaucoup de la pierre calcaire utilisée couramment à Beauvais et aux alentours du théâtre, et sa teinte (un mélange de ciment blanc et d’agrégats de couleur sableuse) a été d’ailleurs travaillée pour résonner avec les habitations alentour.
« Notre objectif premier était de créer une façade mouvante, qui présente le Théâtre sous des aspects différents suivant les moments de la journée et la météorologie. Le béton est intéressant du fait de sa plasticité, le rendant performant au plan sculptural : cela nous a permis de faire vivre la peau des volumes par un travail de haut-relief, dont la structuration tramée n’est pas sans rapport avec celle des tapisseries. Les motifs sont organisés selon une progression ascensionnelle, ce qui contribue à adoucir la puissance de la cage de scène dans le ciel de Beauvais », déclare l’architecte François Chochon.
Les façades du nouveau théâtre sont donc le fruit d’une création alchimique, à l’intersection d’un geste architectural, en lien avec l’environnement du site, et d’un geste quasi artisanal, celui du travail manuel qui donne corps aux murs en relief. La trame de motifs fait écho au remplage des baies du choeur de l’église de Saint-Etienne et aux édifices datant de la période de la reconstruction. Le plus haut voile de béton du chantier est celui du dôme, de 26,86 mètres de haut. À l’intérieur, la grande salle est constituée de gradins courbes en béton coulés sur place.
La grande salle
D’une capacité de 673 places, la grande salle du nouveau Théâtre du Beauvaisis est dotée d’un ensemble scénique complet et d’un plateau de jeu de 390 m² (26 m en largeur x 15 m en profondeur) ; la hauteur de la cage de scène est de 27 m. Les architectes ont choisi de ne pas créer d’escalier central au milieu des gradins mais de s’en tenir aux deux escaliers latéraux, afin de gagner le maximum de visibilité pour les spectateurs, qui ne seront ainsi jamais collés au mur en bout de salle. La scène est avancée au-delà du cadre, jusqu’au pied du gradin, permettant un jeu de proximité.
La petite salle
Entièrement modulable, elle se prête à l’accueil de toute forme de spectacle et est également destinée à accueillir des répétitions, des artistes en résidence de création. Elle peut accueillir 180 personnes assises ou 300 debout et dispose de gradins amovibles. Multifonctionnelle et ultra-performante techniquement et acoustiquement, elle a été conçue pour être exploitée intégralement d’un point de vue scénographique, grâce à une coursive périphérique et une trame structurelle au plafond.
Le foyer
Le foyer accueille le public depuis le parvis et permet d’organiser, selon les besoins, une entrée indépendante depuis la rue du 51ème Régiment d’Infanterie (notamment pour les accès rapides ou l’accueil de groupes scolaires, par exemple). Dans cet espace se trouvent l’accueil/billetterie ainsi qu’un point librairie pour le public, et une zone de convivialité autour d’un bar ouvert sur le jardin. Son volume important offre même la possibilité d’y organiser des expositions.
Le parvis végétalisé
Positionné en cœur d’îlot, le Théâtre s’insère dans un nouveau décor urbain végétalisé, composé d’espaces successifs : parvis, grande allée, jardins… Le parking adjacent au Théâtre (118 places) est recomposé autour de la charpente arborée actuelle, renforcée par la plantation de nouveaux arbres.
Les bureaux et les espaces techniques
L’équipe du Théâtre du Beauvaisis dispose désormais de bureaux, situés au 1er étage. Les espaces techniques, quant à eux, sont désormais parfaitement adaptés aux besoins de la régie et sont accessibles de plain-pied afin de faciliter le travail des techniciens, les déplacements et les manœuvres, depuis l’aire de livraison aux plateaux scéniques.