Sous la pression de la presse, Thiago et Aïda, policiers brésilien et français, ont convoqué les journalistes dans la salle de conférences du Brasilia Palace Hôtel. L’affaire Dubois l’architecte sera-t-elle pour autant éclaircie ?
Psychanalyse de l’architecte : les personnages à l’œuvre
Relire le prologue de la saison 7 (et le résumé des saisons précédentes)
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« L’architecture est un instrument de résistance à la banalisation du moderne ».
Mario Botta
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Mercredi 14h50 (heure de Brasilia), dans un petit salon attenant à la salle de conférences du Brasilia Palace hôtel.
Thiago, le flic brésilien, Aïda, la policière française et l’avocat brésilien des architectes Gloria da Silva et Dubois se tiennent ensemble nerveusement. Leurs chefs respectifs ont eu l’idée de les envoyer devant la presse pour éclaircir l’affaire Dubois, « dégonfler la baudruche », comme a dit Dr. Nut à Aïda. L’avocat, un homme bedonnant d’une cinquantaine d’année discute avec Thiago avec animation. Aïda ne comprend rien et s’en fiche. Elle pense aux recommandations du patron. Ne parler que si elle y est invitée : « on est au Brésil, personne ne parle le français donc tu devrais avoir peu de questions directes », dit-il. Puis « ne pas mentir ». « Facile à dire », pense Aïda, « ça dépend des questions ». Mais bon, elle a compris qu’il lui faut en dire le moins possible mais que le but du jeu est de disculper Dubois, au moins des meurtres au Brésil, puisqu’il n’y est pour rien. « Ne pas mentir »… Thiago lui touche le bras : « Allons-y », lui dit-il en français avec un grand sourire.
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Mercredi 18h50 (heure de Paris), dans le bureau du chef
Il y a là le chef, Dr. Nut et un fonctionnaire, Pedro Miguel Carreiro Resendes mais que tout le monde appelle Pauleta, qui saura traduire le portugais en simultané durant la conférence. Pour l’instant, ils ne voient que la salle de presse vide, sinon des gardes en uniforme aux deux entrées qui mènent vers l’estrade, trois micros posés sur un bureau. La plupart des sièges pour la presse sont déjà occupés. Les policiers français, installés sur des fauteuils en cercle autour du grand écran ont un ‘feed’ spécial que leur a procuré le consulat. Différent de celui qui sera diffusé dans dix minutes en direct par la chaîne O Globo.
– Aïda est prête ? Demande le chef.
– Oui, autant que faire se peut, répond Dr. Nut. Et puis elle connaît désormais le dossier autant que moi.
– Donc on part bien sur l’idée que Dubois l’architecte n’est pour rien dans toute cette histoire et qu’il n’y a pas de tueur en série qui vaille. Le ministre a insisté, il ne veut pas que la presse française, qui va finir par être au courant de ce qui se passe en ce moment au Brésil, en vienne à penser qu’un tueur en série se promène dans Paris depuis des décennies et que la police se montre incapable de l’arrêter, l’image pour le pays, pour la police, et pour le ministre serait une catastrophe. Donc, il n’existe pas.
– Mais si la presse…
– La presse, la presse… Si elle est aussi sérieuse qu’au Brésil, nous sommes tranquilles…
– Il y a surtout ce journaliste italien de La Stampa qui a identifié des disparues de Dubois, au moins Gina Rossi et Anna Rizzo – il a même trouvé Marie-France Desnoyaux –…
– Certes, mais cette info-là nous l’avons depuis des années. Une fois qu’il sait cela votre journaliste, comment fera-t-il de Turin pour trouver des preuves qui vous échappent, à vous et votre équipe, depuis des années ? Il va se retrouver devant les mêmes impasses que vous. Vous et moi, et Aïda et tout le 22, savons que Dubois est coupable mais nous ne disposons à ce jour que d’un faisceau de présomptions…
– Large le faisceau…
– Certes mais comment pour un journaliste aller au-delà ? Il ne connaît pas un centième de l’histoire de Gina et tout ce que nous avons découvert sur elle. Sans preuve, il va finir par s’épuiser et alors un aimable coup de fil du ministre à La Stampa devrait finir par faire cesser le harcèlement.
– Alea jacta est…
– On peut le dire. D’ailleurs les voilà qui entrent dans la pièce. Ça va commencer. Regardez comme Aïda est bronzée, les vacances au Brésil semblent lui réussir…
Ils voient Thiago entrer en premier, suivi d’Aïda qui jette un coup d’œil rapide à la salle désormais pleine de journalistes, de caméras et de micros et qui tente de se cacher derrière Thiago, et d’un autre homme bedonnant d’une cinquantaine d’années, l’avocat de Gloria da Silva et de Dubois sans doute. Le chef appuie sur le bouton du son et le brouhaha des journalistes envahit la pièce.
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Mercredi 18h50 (heure de Paris), dans le bureau d’Ethel Hazel
Depuis le matin, ayant épluché la presse brésilienne, la psychanalyste sait qu’il y aura une conférence de presse retransmise en direct sur la chaîne O Globo à propos de l’affaire Dubois l’architecte !!!! Elle n’en peut plus d’attendre depuis que son dernier patient est parti à 17h. Elle a branché son écran sur O Globo, la chaîne qui retransmet la conférence et pour l’instant, elle regarde des pubs brésiliennes qui ressemblent presque toutes à des pubs françaises. Ethel est particulièrement excitée sans trop savoir pourquoi. Est-ce le fait de voir à la télé l’un de ses patients, comme si elle était liée à sa soudaine célébrité, se sentant du coup un peu célèbre elle-même ? La pensée lui traverse l’esprit que, de toute façon, tout ce ramdam ne peut pas faire de mal à son article quand il sortira, des rebondissements pareils, Hollywood va adorer.
Fin des pubs. Le show est lancé à grand renfort de voix sensationnelle à laquelle elle ne comprend rien. Mais soudain elle découvre, vue d’une caméra du fond de la salle, les dos d’un grand nombre de journalistes assis et, sur une estrade, deux hommes et une femme chacun devant un micro. « Le premier, avec les gros biscotos, ce doit être un flic, la jeune femme, ce doit cette policière française dont parle la presse et le troisième, on dirait un avocat », se dit-elle.
Mais le silence se fait.
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Mercredi 15h02 (heure de Brasilia), 19h02 (heure de Paris), dans la salle de conférences du Brasilia Palace hôtel.
Un premier journaliste se lève.
– José Altafini, journaliste à O Globo. « Nous avons été convoqués ici, dans l’urgence, pour des éclaircissements à propos de l’affaire Dubois, qui serait un tueur en série présumé innocent si je comprends bien. Pour commencer, pouvez-vous nous présenter qui vous êtes et à quel titre vous répondrez à nos questions ? Merci ».
C’est Thiago qui prend la parole : « Je suis Thiago da Silva, commandant divisionnaire attaché au ministère de l’intérieur, je dirige le département des services criminels dédiés aux non-citoyens, aux étrangers en d’autres mots, qu’ils soient victimes ou coupables. À ma gauche Aïda Ash… »
– Comment vous l’épelez ? crie une voix.
– A Ï D A A S H
– À ma gauche donc, Aïda Ash, policière à Paris au service des disparitions inquiétantes, et à sa gauche, Maître Gerson, qui représente ici Gloria da Silva et Dubois l’architecte, que je ne vous présente plus ».
Aïda entend le traducteur dans son oreillette. Elle note alors, derrière le mur des caméras de télé et des photographes, deux cabines avec deux traducteurs à l’œuvre. Le français de son traducteur est très bon, avec un petit accent, « comme celui de Thiago », se dit-elle.
– Dino Sani, reporter pour la Folha de São Paulo. « Pourquoi une policière française est-elle présente depuis le début de cette affaire ? Et comment vous-mêmes êtes reliés à Dubois et Gloria ? Merci ».
Après un bref regard à Aïda, Thiago reprend : « Comment expliquer le hasard ? Mme Ash avait de longue date prévu des vacances au Brésil. À peine arrivée, ses services l’ont informée de la mort mystérieuse de Léonie Meunier, cette Française de 45 ans dont le corps a été retrouvé sur une plage de Florianopolis, et lui ont demandé d’aller y faire un tour, au cas où, puisqu’elle n’était pas loin. J’étais sur place pour la même raison, une Française apparemment assassinée de façon mystérieuse et dont, trois jours plus tard, nous ne savions toujours pas qui elle était exactement, était plus qu’intrigant, d’où mon déplacement sur place, où nous nous sommes évidemment rencontrés. Il s’est avéré que Léonie Meunier s’était échouée à une centaine de mètres de la maison de Gloria da Silva, également architecte, qui recevait alors Dubois. Pour notre part, nous n’avons trouvé aucun lien entre Dubois et Léonie Meunier, sinon qu’ils sont tous les deux Français. Et rien de tout cela ne serait arrivé si le courant avait porté Léonie Meunier dix kilomètres plus loin ».
– Valdir Pereira, pour Radio Mundo Independente. « Dix jours plus tard, c’est le corps d’Augustinha Dos Santos qui est retrouvé dans les sous-sols de l’Arpoador, célèbre hôtel 5* de São Paulo, au moment même où s’y trouvent Dubois et Gloria. Certes, tout montre désormais que cet homicide est celui d’un collègue harceleur d’Augustinha. Cette fois pourtant, il ne s’agit pas d’une victime étrangère et Dubois n’y est pour rien. Que faisiez-vous, avec Mme. Ash, à cet hôtel, le soir même du meurtre ? Merci »
Thiago demeure d’un grand calme, Aïda sérieuse comme une bonne élève à côté de lui, Maître Gerson regardant les journalistes avec l’ombre d’un sourire en coin. C’est Thiago qui répond : « Même si nous étions convaincus que Dubois n’était pour rien dans le meurtre de Léonie, tant que nous n’avions pas de certitude, nous avons décidé de le garder à l’œil, au cas où les sottises de la presse auraient un fond de vérité. Mon service est basé à São Paulo, donc nous en avons aussi profité pour faire remonter nos non résultats liant Léonie Meunier et Dubois. Puis il y a eu la mort malheureuse d’Augustinha à l’hôtel, où nous n’étions pas au moment des faits si je peux me permettre de préciser. Je ne sais lequel ou laquelle d’entre vous a fait le lien entre les deux affaires sans saisir qu’il ne s’agissait que d’un concours de circonstances. À partir de là les réseaux sociaux et nombre d’entre-vous se sont précipités sur la belle histoire d’un tueur en série au Brésil. C’est l’objet de la conférence d’aujourd’hui : dégonfler la baudruche en somme, pour utiliser une expression française, et que tout le monde retrouve son calme ».
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Mercredi 15h10 (heure de Brasilia), 19h10 (heure de Paris), dans le bureau d’Ethel
Ethel tente de gérer sa frustration. Tout est en portugais. Elle le savait et avait prévu de mettre son téléphone en traduction automatique devant son ordi mais ça ne marche pas bien et le temps qu’elle comprenne ce qu’elle lit, elle a perdu le fil. Alors elle préfère se concentrer sur les visages. Sur ce Thiago d’abord, puis sur cette Aïda, jolie, bronzée, brune – elle ne craint rien de Dubois, se dit Ethel quand soudain, elle a un choc ! « Mais je la reconnais, c’est celle qui est venue avec des fleurs, soi-disant en se trompant de porte, le soir où j’accueillais Dubois pour sa deuxième nuit avec moi. Tard, ça avait sonné et la livreuse s’était excusée. C’était elle, j’en suis sûre », pense Ethel, abasourdie, en tentant de la dévisager de loin, attendant un gros plan si jamais elle prend la parole. « Pourvu qu’un journaliste lui pose une question à elle »
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Mercredi 15h12 (heure de Brasilia), 19h12 (heure de Paris), dans la salle de conférences
– Bonjour, Mario Zagallo, de Ulbra TV. « Une question pour Mme. Ash. Quel genre de voyage d’agrément au Brésil quand on vous retrouve partout là où est Dubois, notamment à nouveau à Paraty, où la présence de Dubois a créé beaucoup d’émoi autour du suicide d’une malheureuse vieille dame ? Merci ».
Aïda, tente son plus beau sourire. « J’étais venue en vacances pour l’architecture du Brésil, ma sœur est d’ailleurs architecte…
Mario Zagallo : « Vous voyagez seule en vacances ? »
Aïda, un peu prise au dépourvu, dévisage son interlocuteur, un type d’une cinquantaine d’années, aux cheveux poivre et sel, au visage avenant qui ne semble montrer aucune hostilité mais beaucoup de curiosité : « Si je peux me permettre, vous seriez vous permis de poser la même question si j’étais un policier homme ? »
Le temps de la traduction et quelques applaudissements se font entendre de l’assemblée
Mario Zagallo : « Ce n’est pas ce que j’insinuais mais vous savez comme moi qu’il n’est pas si fréquent de voyager seul ».
« Je ne sais pas si vous connaissez notre travail, je suis sûre que comme pour les services de Thiago, nous sommes constamment sur le pont, nous travaillons énormément, toujours entourés d’une équipe, alors oui, de temps en temps, il est bon de prendre du temps juste pour soi. C’est, c’était, mon cas en l’occurrence. Et puis…
Mario Zagallo, avec le sourire : « Alors le voyage à Paraty avec l’un des grands chefs des services brésiliens, ce n’étaient plus des vacances. Donc vous filiez bien Dubois. Pourquoi ? ».
Aïda écoute la traduction tout en regardant son interlocuteur dans les yeux : « Comme mon confrère Thiago l’a expliqué, une fois que la presse a fait toute une histoire rocambolesque à propos de ce Dubois et de Gloria, nous nous devions de tirer cette affaire au clair. C’est ce que nous avons fait et ce pour quoi nous sommes là aujourd’hui. Maintenant pour répondre à votre question, non ce ne sont pas les vacances que j’avais imaginées et la prochaine fois que j’ai besoin de souffler loin des hommes, dont quelques ours avec lesquels je travaille, je ne viens pas au brésil, je vais escalader l’Everest ».
Son plus beau sourire et les journalistes s’esclaffent, avec le délai dû à la traduction.
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Mercredi 15h14 (heure de Brasilia), 19h14 (heure de Paris), dans le bureau du chef
Le chef esquisse un sourire, Dr. Nut ne peut cacher sa crispation. Il a hâte d’en finir et ressent un fond d’inquiétude.
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Mercredi 15h14 (heure de Brasilia), 19h14 (heure de Paris), dans le bureau d’Ethel
Ethel est fascinée. D’abord par l’aplomb de cette Aïda. Elle était chez elle à faire semblant de livrer des fleurs et la voilà au Brésil. C’est qui, une espionne ? La psychanalyste ressent une pointe de jalousie : si ça se trouve, c’est elle que voudront les pontes d’Hollywood ! Surtout, la thérapeute en elle est intriguée : voilà ces deux policiers et ces journalistes qui tous parlent de Dubois l’architecte et Dubois, comme d’habitude, est invisible, comme si cela ne le concernait pas et, à écouter Aïda, cela semble être le cas.
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Mercredi 15h16 (heure de Brasilia), 19h16 (heure de Paris), dans la salle de conférences
– Aline Villares Reis, pour Rede Gazeta. « Thiago, vous nous confirmez donc que Dubois l’architecte, et encore moins sa compagne Gloria da Silva, n’est pas un tueur en série et qu’il n’est pour rien dans les meurtres qui lui sont imputés ? Merci. »
Thiago : « Je vous l’ai déjà expliqué, rien ne montre que Dubois ait commis un crime quelconque depuis son arrivée au Brésil ».
– « Même question pour vous, Mme. Ash : Dubois n’est donc pas un tueur en série ? Tout cela ne serait qu’une invention de la presse, c’est votre théorie ? »
Tandis qu’elle comprend la question traduite dans son oreille, Aïda a un battement de cœur. « Je ne peux que confirmer ce que vient de dire mon confrère, nous n’avons aucune preuve que Dubois serait le tueur décrit par vos confrères et consœurs », dit-elle enfin.
– « Même question pour vous Maître Gerson : Si Dubois n’a rien à se reprocher, comment expliquez-vous toute cette histoire ».
Maître Gerson, ravi d’avoir enfin la parole. « Ecoutez, je suis l’avocat de Gloria da Silva, plus exactement celui de son agence d’architecture. Gloria da Silva est une architecte reconnue, avec une agence qui travaille dans tout le pays. Ce n’est pas une surprise, pour qui connaît les architectes, qu’elle propose une visite architecturale de son pays à un ami français, Dubois, architecte également. Qui sait ce que cela peut donner dans le futur ? Je sais que Gloria ne serait pas malheureuse d’une aventure européenne et, pour l’avoir rencontré récemment, je sais que Dubois ne serait pas malheureux d’une opportunité de travailler au Brésil, associé à Gloria par exemple. Le seul mystère qui demeure dans cette histoire est d’où proviennent toutes ces voix malveillantes qui se sont abattues sur ma cliente, sur mes clients ? Dans ce pays, il est encore à craindre que le succès d’une jolie femme ne soit sujet à jalousie et suspicions de toutes sortes et une certaine presse n’est pas étrangère à ces ragots ».
Letícia Santos de Oliveira, pour Notícias Sensacionais: « Mme Ash, selon mes recherches, le fils de Dubois l’architecte réside à Rio depuis plusieurs années. Pouvez-vous nous en dire plus sur la nature de leur relation actuelle et s’il est conscient du tumulte médiatique entourant son père ? Merci ».
Aïda regarde Thiago, se demandant comment les journalistes ont eu vent de cette information : « Nous ne sommes pas ici pour commenter la vie privée des proches de Dubois. J’imagine que toute personne ayant un lien familial avec quelqu’un au centre d’une telle agitation médiatique en est probablement consciente mais nous sommes ici pour discuter des éléments factuels de cette affaire, pas pour spéculer sur la vie privée de ceux qui, bien qu’ayant un lien avec Dubois, n’ont rien à voir avec les événements en question. Merci de respecter la vie privée de chacun ».
– Bianca Bertoldi, journaliste au Diário Catarinense. « Une question pour Mme. Ash. Vous soutenez que Dubois l’architecte n’est pas un tueur en série, que vous le filez donc par hasard pendant vos vacances en compagnie de Thiago da Silva qui n’est rien moins que commandant divisionnaire attaché au ministère de l’intérieur. Cela nous l’avons compris. Pour autant, connaissez-vous les noms de Gina Rossi et Anna Rizzo ? Merci de votre réponse ».
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Mercredi 15h23 (heure de Brasilia), 19h23 (heure de Paris), dans le bureau du chef
Le chef et Dr. Nut se figent. Ils voient Aïda et Thiago se regarder, Maître Gerson levant les yeux au ciel, tandis qu’un grand brouhaha agite la salle de presse.
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Mercredi 15h23 (heure de Brasilia), 19h23 (heure de Paris), dans le bureau d’Ethel
Ethel a senti son corps se figer d’effroi. Sans comprendre la question en portugais, elle a bien compris qu’une journaliste venait d’évoquer les noms de Gina et d’Anna, deux des victimes de Dubois, mais ici à Paris, pas à Brasilia. Ethel est penchée sur son écran, tendue, tentant de déchiffrer ce qui se lit sur les visages des trois personnes sur l’estrade.
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Mercredi 15h24 (heure de Brasilia), 19h24 (heure de Paris), dans la salle de conférences, tous les regards tournés vers Bianca.
Thiago, visiblement surpris : « Je ne sais absolument pas de quoi vous parlez… »
– Bianca. « Gina Rossi et Anna Rizzo sont deux architectes italiennes ayant travaillé avec l’architecte Dubois et ayant, selon mes informations, disparu à Paris en 2018 et 2020 respectivement. Mme Ash, connaissez-vous ces noms ? Merci. »
Aïda s’apprête à répondre quand Maître Gerson s’emporte : « Mais enfin, qu’est-ce que c’est que ces questions qui n’ont rien à voir avec le sujet de la conférence d’aujourd’hui ? Que voulez-vous dire Madame…
– Bertoldi, Bianca Bertoldi, pour le Diário Catarinense.
– Oui, Mme. Bertoldi, quel est le sens de votre question ? La presse est prise en défaut et traque depuis des jours mes clients sans aucun égard pour leur vie privée et quand il vous est démontré que mes clients ne sont absolument pour rien des horreurs dont on les accuse, vous sortez de nouveaux noms de votre chapeau. Ce n’est rien moins que de la diffamation et c’est inqualifiable, surtout venant de la part d’un journal sérieux ».
– « Mais… (Bianca a du mal à soutenir le regard de ses confrères et consœurs qui tous ont compris que l’histoire est finalement pourrie, qu’il n’y a là rien de bien excitant et que cela fera une brève demain, peut-être, pour dire que Dubois n’y est pour rien et ils sont maintenant pressés d’en finir. Avec courage, Bianca insiste). Mais, ces disparitions autour de Dubois à Paris… »
Cette fois, c’est Thiago qui intervient. « Écoutez, je vous fais le pari que je choisis n’importe lequel d’entre-vous, vous par exemple, et je n’aurais aucun mal, si je les cherche, à trouver des dizaines de corps dans votre environnement immédiat, à cinq kilomètres à la ronde. Les gens disparaissent par milliers, tous les jours et souvent pour de mauvaises raisons. Notre travail à Mme Ash et moi-même est de retrouver les personnes disparues pour des raisons inquiétantes. C’est ce que nous faisons. Vous nous en voudriez donc d’avoir, par conscience professionnelle, pris de temps de tirer au clair cette affaire qui n’en est pas une ? Ce qui signifie, comme nous en avons fait la démonstration, qu’il suffit d’une suspicion malveillante pour enclencher des phénomènes inattendus. Dit autrement, si tout le monde, comme c’est le cas depuis des semaines maintenant, se met à chercher des cadavres autour de Dubois, tout le monde va en trouver, c’est mathématique. Alors je ne sais pas qui sont les deux personnes que vous avez mentionnées mais comme Maître Gerson, j’estime qu’elles n’ont rien à voir avec l’affaire qui nous occupe aujourd’hui ».
Sans le regarder, Aïda le remercie très fort en pensée.
Bianca s’apprête à reprendre la parole mais elle s’aperçoit qu’elle n’a plus le micro, aussi personne n’entend sa question : « Et Julie Durantin, ça vous dit quelque chose ? ».
– Letícia Santos de Oliveira, journaliste à Arquitetura semanal, un hebdomadaire d’architecture. « Mme. Ash. Vous avez expliqué être venue au Brésil pour un voyage architectural. Que pensez-vous de l’architecture du Brésil en général et de celle de Gloria da Silva en particulier ? Pouvez-vous nous expliquer la différence entre l’architecture au Brésil et en France ? Dubois l’architecte est-il un architecte connu en France ? Avez-vous vous-même étudié l’architecture ? Et si oui, pensez-vous que l’architecture doit être durable parce qu’il est vrai que l’architecture moderne détruit nos villes et qu’il faut désormais privilégier les circuits courts ? Merci de votre réponse ».
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Mercredi 15h36 (heure de Brasilia), 19h36 (heure de Paris), dans le bureau du chef
Le chef et Dr. Nut, un peu éberlués, regardent Pauleta, qui hausse les épaules.
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Mercredi 15h36 (heure de Brasilia), 19h36 (heure de Paris), dans le bureau d’Ethel
Ethel avait bien compris la question mais elle n’a rien compris aux réponses de l’avocat et du flic body buildé. Et puis cette journaliste qui s’embarque dans une longue question à laquelle elle ne comprend rien, elle reconnaît juste le mot Arquitetura. Est-ce qu’elle parle de Dubois ? Ne rien comprendre la rend folle, et anxieuse.
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Mercredi 15h38 (heure de Brasilia), 19h38 (heure de Paris), dans la salle de conférences
Aïda, surprise de la question quand elle est enfin au bout de la traduction, regarde Thiago qui hausse les épaules, puis se tourne vers Maître Gerson, qui hausse les épaules. « Heu… Je comprends l’intérêt de votre question mais, en tant que policière française et simple touriste, il m’est difficile de me prononcer sur des aspects aussi techniques et spécifiques du milieu architectural, que ce soit au Brésil ou en France et je ne peux pas vous donner une analyse des carrières et des perspectives professionnelles des architectes Dubois et Gloria da Silva. Je laisserai ces réflexions aux experts du domaine voire même aux principaux intéressés ».
La presse ne cache plus son ennui désormais et commence à plier bagage quand une dernière question se fait entendre.
– Pierre Bourdet, correspondant français au Brésil pour Media APart : « Madame Ash, savez-vous quand le retour de Dubois aura lieu en France ? Au vu des accusations dont il a fait l’objet ici, pensez-vous que la police française pourrait être amenée à poursuivre des recherches à Paris ?
La question posée en français attise la curiosité de l’assemblée. Aïda est autant surprise que peu rassurée d’entendre dans cet endroit sa langue maternelle.
Un silence s’installe le temps de traduire la question, puis Aïda enchaîne : « Concernant le retour de Dubois en France, nous n’avons pas d’information à ce sujet. Je ne peux que supposer qu’il décidera de rentrer lorsqu’il estimera le moment opportun. En ce qui concerne une éventuelle enquête à Paris, je tiens à rappeler que, comme l’a souligné cette conférence de presse, il n’existe à ce jour aucune preuve tangible permettant d’incriminer Dubois dans des affaires de meurtres ici ou similaires en France. La police française reste toutefois attentive et rigoureuse dans le suivi de tout élément nouveau et pertinent. Si des faits probants devaient émerger, il est évident que les autorités françaises se donneraient les moyens nécessaires pour approfondir l’enquête. Mais ce n’est pas d’actualité pour l’heure ».
– Pierre Bourdet : « Et vous ? Avez-vous prévu de poursuivre votre voyage ?»
Aïda sait que cela ne dépend pas vraiment d’elle. Et combien de temps Dubois a-t-il prévu de rester ? Surtout, pour la première fois, elle appréhende la séparation avec Thiago… « Je pense que nous avons couvert l’essentiel aujourd’hui. Quant à mes futurs déplacements, je les garde pour moi », conclut-elle.
En cinq minutes, il n’y a plus personne et Thiago, Aïda et Maître Gerson quittent la salle.
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Mercredi 19h48 (heure de Paris), dans le bureau du chef
– Nous avons innocenté Dubois pour les siècles et les siècles, soupire Dr. Nut, une fois la télé éteinte et Pauleta parti.
– Non, répond le chef. Il nous reste à le coincer, on continue la traque. Et si on le coince, on pourra toujours dire que c’est grâce à notre stratégie de n’avoir rien dévoilé. Si on l’arrête enfin, la presse volera alors au secours de la victoire et nous encensera.
– Oui, mais pour ça il faut le coincer.
– Qui sait, après tout ce ramdam, peut-être va-t-il se sentir au-dessus de tout et commettre des erreurs.
– Oui, peut-être. Merci chef pour l’accueil.
Le temps que Dr. Nut récupère son pardessus, le chef regardait au loin les lumières de la ville et au-dessus, la nuit noire.
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Mercredi 20h (heure de Paris), dans le bureau d’Ethel
Ethel est impatiente de rentrer chez elle – elle a d’ailleurs prévu de s’arrêter chez le traiteur chinois pour ne pas avoir à cuisiner. Elle veut se plonger au plus vite dans les comptes rendus de la presse brésilienne de cette conférence surréaliste. Dubois dont on parle et qu’on ne voit pas. Et la police française qui affirme devant le monde entier que Dubois n’est pas un tueur en série ???? Elle n’a pas tout compris de ce qui vient de se passer mais elle sait que cela lui sera utile pour son article. Et Dubois, quand revient-il ? Elle a bien compris la question. S’il revient, souhaitera-t-il poursuivre sa thérapie ? Le reverrai-je ? « Et cette Aïda, une rivale ? », pense-t-elle nerveusement en éteignant la lumière du bureau.
Dr. Nut (avec les notes d’Ethel Hazel)
Aïda Ash (avec les notes de Dr. Nut)
* En librairie L’architecte en garde à vue
* En librairie, Le fantôme de Gina
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