
En déclarant le 7 novembre 2025 depuis le Mexique que « les bijoux volés au Louvre seront retrouvés » et que la sécurité du musée sera « totalement repensée », Emmanuel Macron a une fois de plus choisi la posture de la parole performative : celle qui ne constate pas le réel mais qui prétend le transformer par sa seule force d’énonciation.
Le président ne se contente pas d’exprimer un vœu, il proclame un futur, comme si affirmer suffisait à faire advenir. En cela, il perpétue une tradition bien française du pouvoir thaumaturgique, celle du roi qui guérit les écrouelles d’un simple toucher – mais dans une version laïque et communicationnelle, où la bénédiction s’appelle désormais « plan Renaissance ».
Pourtant, les faits résistent à la magie des mots. Le rapport sévère de la Cour des comptes publié le 6 novembre 2025 décrit un Louvre vulnérable, aux dispositifs de sécurité vieillissants, sous-dotés et mal coordonnés. Rien, dans le « plan Renaissance du Louvre » présenté en janvier 2025, ne laissait entendre que la sécurité figurait parmi les priorités présidentielles : ce plan concernait avant tout la modernisation des espaces, la démocratisation culturelle et la transition écologique du musée.
En prétendant aujourd’hui que cette refonte de la sécurité faisait partie du projet initial, Emmanuel Macron réécrit le passé pour sauver la cohérence du récit présidentiel. il s’inscrit dans une dramaturgie du rebond — la même logique que lors des incendies de Notre-Dame ou de Lubrizol : l’événement devient catalyseur d’un grand récit de transformation.
Il faut sans doute lire dans cette posture plus qu’un simple réflexe de communication : une fascination ancienne pour le Louvre comme mythe du pouvoir central. Là où Louis XIV, dès 1664, s’éloigne de la Colonnade – conçue par Le Vau, Perrault et Le Brun sous l’œil vigilant de Colbert – pour faire de Versailles le théâtre du Roi-Soleil, Macron rêve d’un mouvement inverse : réinstaller au cœur de Paris le centre de gravité symbolique de la France. Le Louvre devient, sous sa plume, un Versailles républicain : temple du savoir, miroir de la nation, lieu d’une réconciliation entre l’État et le peuple.
Toutefois la geste présidentielle se heurte à une évidence : le verbe ne suffit pas à garantir la sécurité, pas plus qu’il ne remplace la gestion quotidienne, la maintenance des systèmes ou la vigilance des agents. Le vol des bijoux – aussi spectaculaire qu’humiliant – révèle la tension entre la verticalité du discours et la fragilité du réel.
À force de transformer chaque crise en opportunité narrative, Emmanuel Macron risque de figer sa présidence dans une dramaturgie de la réparation permanente. La parole, si brillante soit-elle, ne peut tout. Même au Louvre, la République n’a pas de pouvoir thaumaturgique.
Jean-Claude Ribaut