Peu d’éléments dans la vie des hommes suscitent autant l’imagination que la forme de la ville qu’ils habitent. D’abord invoqués dans les livres, les architectes se sont progressivement appropriés les codes de l’utopie urbaine, transcendant la vision de Jules Vernes pour mieux l’adapter au XXe siècle. Quelle soit sur terre ou au large des océans, ces nouvelles villes écologiques et durables produisent une imagerie aussi foisonnante que la nature qu’elles convoitent. Florilège.
Arcosanti : L’écologie d’avant-garde
Arcosanti est un écovillage et une communauté fondée en 1970 aux Etats-Unis en Arizona par l’architecte Paolo Soleri. Son édification suivait les principes de l’Arcologie (architecture + écologie) qui voulait démontrer qu’un développement urbain harmonieux avec la nature était possible. Cet écovillage était destiné à symboliser l’exact opposé de l’extension anarchique qui avait lieu alors dans les grandes villes nord-américaines.
Sur seulement 10 ha des 1 643 ha de nature que présente le site, Arcosanti conservait la nature près des habitants. Paolo Soleri résumait ainsi l’Arcologie : «Les bâtiments et le vivant interagissent ici comme des organes le feraient chez un être vivant hautement évolué. De nombreux systèmes fonctionnent de concert avec la circulation efficace des personnes et des ressources, les bâtiments multiusages et l’orientation solaire qui fournit l’éclairage, le chauffage et le refroidissement des habitations». Conçue pour plusieurs milliers d’habitants, la ville n’héberge qu’une petite centaine d’étudiants chaque année.
Lilypad, l’arche de Noé pour sauver le monde du déluge, Vincent Caillebaut
Depuis la première imaginée par Jules Verne en 1871, de nombreux projets sont consacrés à l’idée des villes flottantes écologiques, autonomes en énergie et autarciques du point de vue alimentaire.
Lilypad, par exemple, est un projet innovant et futuriste. Selon son inventeur, cette architecture nomade et écologique «est une nouvelle façon d’urbaniser en mer en respectant l’écosystème marin et qui rompt avec la ville occidentale type, très énergivore et consommatrice d’espace».
Capable d’abriter 50 000 habitants, cette installation flottante mesure 500 mètres de diamètre et est constituée de trois montagnes de quarante étages. Les logements sont végétalisés et comportent des jardins suspendus. La coque, constituée de fibres de polyester et d’une couche de titane, absorbe la pollution. Lilypad est une ville autosuffisante en énergie, grâce à des murs éoliens, des hydroliennes et des panneaux photovoltaïques, et en nourriture grâce à une coque végétalisée dont le but est de favoriser l’aquaculture.
Green Float, Quand l’industrie s’en mêle…
Green Float, un ensemble de trois îlots végétalisés, agricoles supportant une tour d’habitation géante, est étudié par le constructeur japonais Shimizu Corp. Une occasion de développer des technologies «vertes» et de créer des villes à émission zéro en carbone.
Le projet implique un nombre important de cellules d’un kilomètre carré qui hébergeraient entre 10.000 et 50.000 individus. Chaque cellule pourrait dériver à sa guise sur le Pacifique mais pourrait former avec d’autres cellules des ensembles plus larges équivalant à des villes.
Les tours principales seraient entourées de terres cultivables et de forêts qui permettraient une autosuffisance en termes de nourriture. L’agriculture pourrait se développer aux alentours. Les tours seraient construites dans un métal léger dérivé du magnésium présent dans les eaux salées.
Sea tree, l’architecture Bleue
Un autre projet conçu pour un bassin portuaire est le Sea Tree, l’arbre de mer. Conçu par les Hollandais de Waterstudio, il s’agit d’une haute structure en terrasses, entièrement végétalisée, construite selon les principes de la technologie offshore. Chaque grande ville côtière pourrait en installer.
Ces arbres maritimes géants pourraient aider à lutter contre l’épuisement environnemental des grandes cités : ils comporteraient des potagers verticaux et des terrasses plantées pour nourrir les citadins, ils capteraient le CO2 et abriteraient quantité d’animaux utiles – oiseaux, abeilles, chauves-souris insectivores – qui rayonneraient sur la côte et la ville proche.
La construction «bleue» cherche à récupérer et consolider les principes de la construction «verte», à s’appuyer sur les énergies durables, à végétaliser les terrasses et les toits, à intégrer les immeubles à l’écosystème local.
Wetropolis, la ville sur l’eau pour sauver Bangkok
Construite sur des terrains marécageux, la ville de Bangkok est une des villes les plus menacées par les inondations et la montée des eaux. L’agence d’architecture thaïlandaise S+PB Architectes a imaginé un projet de ville flottante, baptisée «Wetropolis» pour pallier à l’enlisement progressif de la capitale thaïlandaise.
«Wetropolis» est basée sur l’utilisation des mangroves indigènes capables de filtrer l’eau naturellement et fournissant de l’oxygène pour l’ensemble de la structure. Les différentes maisons reliées par des passerelles sont intégrées à l’environnement et construites au-dessus de l’eau.
Léa Muller