
À Avignon (Vaucluse), pour le Rectorat Aix-Marseille maître d’ouvrage, Atelier(s) Alfonso Femia, avec DLAA Architectes pour le bâtiment historique, a livré en 2025 la Villa Créative, premier incubateur universitaire dédié à la culture. Surface : 3 700 m² SDP. Coût : n.c. Communiqué.
« La genèse du projet de la Villa Créative s’inscrit dans une volonté de pérenniser durablement les “Ateliers de la Pensée” ayant germé lors du Festival d’Avignon », explique Alfonso Femia. Au programme de cette restructuration d’un bâtiment historique : espaces de travail, salles de formation, studios de création, auditorium, cafétéria, jardin, espaces d’exposition et bureaux partagés

Un peu d’histoire
Le site de la Villa Créative, situé au coeur d’Avignon, témoigne de près d’un siècle et demi d’évolutions architecturales, paysagères et fonctionnelles. D’abord voué à la culture potagère et fruitière jusqu’au XIXe siècle, il entame sa mue en 1881, lorsque l’architecte André Louis Valentin conçoit les premiers plans d’une École normale supérieure. Le projet s’étend alors sur toute la largeur de l’îlot, conciliant rigoureusement bâti et espaces paysagers.
Dès 1884, son successeur Florent Olagnier poursuit les travaux, notamment influencé par les risques de crues du Rhône : les bâtiments sont alors surélevés. En 1885, le bâtiment principal en forme de « U » se profile, avec une façade sud donnant sur un jardin structuré. Des aménagements complémentaires suivent : logement du concierge, grille en fer forgé, portail d’honneur et parterre de rosiers, où sera installée en 1935 la statue de Jean-Henri Fabre.
Au fil des décennies, l’ensemble subit de nombreuses transformations, tout en conservant une logique fonctionnelle forte : modifications intérieures dès 1888 pour loger les maîtresses de l’École normale des institutrices, redistribution des espaces dans les années 1930, construction de pavillons complémentaires, puis ajouts plus techniques dans les années 1970-1980 (préfabriqués, garage, locaux de chimie). En 2014, la Faculté des Sciences quitte les lieux, marquant la fin d’un cycle d’occupation institutionnelle.


La Villa Créative : genèse d’un projet inédit
C’est au cœur d’Avignon, dans un bâtiment chargé d’histoire, que prend forme la Villa Créative. Ancienne École normale au XIXe siècle, elle devient la Faculté des Sciences jusqu’en 2014, puis, brièvement, un lieu d’accueil du Festival d’Avignon. Ce lieu patrimonial a connu une métamorphose radicale pour devenir un espace unique en France, où formation, recherche, entrepreneuriat, culture et innovation se croisent désormais au quotidien.
En 2015, la dynamique est enclenchée, grâce au contrat de plan État-Région, dans un contexte particulièrement favorable : Avignon Université devient l’unique lauréate nationale de l’appel à manifestation d’intérêt « Société Universitaire et de Recherche » (SUR), dans le cadre du Programme Investissements d’Avenir 3. Cette reconnaissance donne naissance à un projet à la fois rare et ambitieux : réhabiliter un patrimoine universitaire emblématique tout en inventant un modèle inédit de gouvernance.
La Villa Créative incarne cette vision pionnière : elle devient la première SUR créée en France, un statut juridique et économique novateur dans l’enseignement supérieur, pensé pour sortir de la logique des subventions traditionnelles. Fondé sur un autofinancement sur vingt ans, ce modèle hybride associe l’État, l’université, les collectivités territoriales et des acteurs privés. Il permet à Avignon Université de valoriser son patrimoine immobilier tout en consolidant ses liens avec le territoire et les réseaux de l’innovation.
Lauréat de l’appel d’offres lancé en 2018 par le rectorat Aix-Marseille, la réhabilitation de la Villa Créative a été confiée à l’Atelier(s) Alfonso Femia, en collaboration avec DLAA Architectes pour l’approche patrimoniale. Le projet architectural, résolument contemporain tout en respectant la mémoire du lieu, relève un double défi : redonner vie à un ensemble patrimonial imposant et celui d’inscrire la Villa dans une nouvelle temporalité – celle de la recherche, de la transmission et de la création partagée. Lancé en 2022, le chantier a mobilisé une trentaine d’entreprises.


Un écosystème créatif et flexible
La Villa Créative se structure autour de plusieurs pôles interconnectés. Elle accueille à la fois des espaces conçus pour l’expérimentation, la collaboration et l’innovation, tout en étant un lieu de diffusion et de convivialité.
Le pôle « Accueil et Diffusion », avec son hall foisonnant, son workcafé et son auditorium, est conçu pour les événements publics. Le pôle « Développement », quant à lui, propose des espaces modulables, équipés de mobilier nomade, permettant une flexibilité maximale. Le pôle « Multimédia » intègre un studio de captation haute technologie avec des équipements scéniques réversibles et le pôle « Formation » regroupe des salles de cours, des laboratoires et des bureaux dédiés aux projets interdisciplinaires.
Les circulations dans la Villa sont fluidifiées grâce à des coursives vitrées et un atrium central, favorisant ainsi les rencontres imprévues et renforçant les interactions. La modularité des espaces est un autre atout majeur du projet, avec des cloisons amovibles, des sols techniques et des réseaux apparents permettant une adaptation permanente aux besoins des usagers.


Une architecture pour connecter
La réhabilitation menée par l’Atelier(s) Alfonso Femia repose sur une double exigence : restaurer l’authenticité du bâti historique tout en insufflant une écriture contemporaine répondant aux usages actuels.
Une des interventions majeures a été la restitution de l’escalier monumental, disparu en 1931. Réinterprété comme une sculpture fonctionnelle, l’escalier central du bâtiment principal mêle acier mat, verre et céramique, dans une structure légère qui épouse la volumétrie originelle. Les parois sont habillées de céramique dorée, matière signature de l’Atelier(s) Alfonso Femia.
Ce nouvel escalier, à la fois ascenseur panoramique et hélicoïdal, symbolise la connexion entre passé et futur. La grille d’entrée, dessinée spécifiquement pour le site, marque l’accès principal tout en dialoguant avec les murs d’enceinte en pierre. Son motif géométrique, inspiré à la fois des rosiers historiques du parvis et des réseaux numériques, reflète la dualité du projet.
Les volumes originaux du bâtiment ont été révélés par la reconfiguration des combles du bâtiment A. Autrefois inaccessibles, ces espaces ont été transformés en zones modulables éclairées par des lucarnes contemporaines. La charpente en bois partiellement conservée dialogue harmonieusement avec des portiques métalliques, offrant ainsi des plateaux ouverts de 724 mètres carrés, dédiés aux résidences artistiques et aux ateliers collaboratifs.

L’auditorium, installé dans l’ancien gymnase, est un autre exemple frappant de ce dialogue entre passé et présent. Les trois arcades cintrées originelles ont été réinterprétées par des menuiseries en acier et verre. La façade, avec ses lignes obliques, crée un rythme dynamique, tandis que l’acoustique a été optimisée grâce à des panneaux de liège et des rideaux absorbants.