Après 36 mois de travaux, l’agence parisienne SOA architectes (Augustin Rosenstiehl) a livré en janvier 2021 à Beyrouth (Liban) la Tour Aya, un immeuble de 7 254 m² SDP. L’ouvrage, édifié pour HAR Properties maître d’ouvrage pour 25 M€ HT compte 45 logements, bureaux et commerces. Dans le quartier historique de Mar Mikhael, une tour au concept original. Communiqué.
Beyrouth, Mar Mikhael
La parcelle se situe dans le quartier historique de Mar Mikhael, non loin du centre et de la grande mosquée. Elle s’implante le long de la rue d’Armenie, véritable fil conducteur d’un nouveau quartier en pleine ébullition. Le terrain fait face à la rue Ibrahim Bacha qui menait à l’ancienne gare ferroviaire. Il est occupé par un ancien cinéma et un immeuble d’habitation et de deux petits volumes qui s’adossent à l’un des célèbres escaliers monumentaux du quartier.
Tout semble à la fois délabré et précieux, imprégné d’une énergie et d’un charme puissants. Malgré l’apparent chaos et l’irruption spontanée de tours ici et là, le quartier est composé d’immeubles de rapport très raffinés dont les plus anciens datent de la fin du XIXe siècle.
Une généalogie patrimoniale sous-tend cette architecture domestique qui forme une typologie extraordinaire : maisons et immeubles à kiosque, à véranda, à arcade, etc. On retrouve majoritairement la Wikalat, ou immeuble de rapport, comme la Harat qui y décline des kiosques. Ces architectures sont empruntes ou directement issues des évolutions survenues lors du mandat français (1920) dont notamment l’influence art déco.
Ces maisons et immeubles traditionnels, tous différents, partagent un air authentique et malheureusement un état de délabrement avancé pour certains.
Tour Aya
Aya est une tour au concept original, fruit d’une recherche approfondie sur l’habitat arabe, croisant les archétypes de l’architecture traditionnelle du Mashreq et les nouvelles technologies de l’habitat dans une écriture contextuelle et contemporaine.
Le relief très accidenté du quartier qui amalgame le sol rocheux, les escaliers en pierre et les différents immeubles ont inspiré pour la tour une construction animée qui prolonge dans le ciel ce qui se passe à hauteur d’homme. Il a été choisi de conserver une partie de l’immeuble ancien sur la rue et d’aménager une placette qui mène à la tour située en second plan.
Le long de l’escalier, se dessinent deux volumes qui accompagnent la pente et les hauteurs des immeubles qui leur font face. De cette manière, la tour modifie peu la configuration de la rue qui trouve simplement un élargissement sur la placette avec de nouveaux commerces.
Ce nouveau lieu n’apparaît pas comme le parvis de la tour mais comme une cour à l’échelle des immeubles de rapport. Étrangement, la tour implantée en arrière-plan semble appartenir à un système d’implantation plus ancien.
Les recherches de l’agence SOA sur les notions de mur et de rapport au ciel ainsi que la demande de logements « spéciaux » ont poussé à dessiner des appartements comme des maisons toutes différentes, chacune bénéficiant d’une terrasse à ciel ouvert. La structure de la tour est faite de retraits successifs, donnant à chacun des appartements une ouverture totale de sa terrasse vers le ciel. Selon la position des logements dans l’édifice, la terrasse est orientée soit face à la mer au nord, vers les montagnes à l’est ou face à la ville au sud.
Les retraits sculptent le volume selon les orientations variées des appartements. En s’interdisant de superposer les terrasses, les façades se dessinent par décalages horizontaux (les orientations) et verticaux (les retraits). Chaque appartement trouve ainsi sa place sans se voir répliquer de façon immédiate et les grandes baies des séjours associées aux retraits marquent chaque habitation par une composition propre. Plus tard, quand la programmation évoluera vers des dimensions et des clients plus modestes, ce principe de composition de séquences indépendantes s’avérera salutaire.
Le principe des retraits induit un principe structurel par refends plombants qui permettent de reprendre les efforts sismiques. Les murs de l’enveloppe auront un rôle thermique. En effet, pour réduire au maximum l’emploi de climatiseurs, sont prévus des doubles murs ventilés au niveau des baies.
La partie structurelle est en béton classique et la double-peau est en béton blanc. Pour les plans, SOA est parti de différents plans de maisons traditionnelles du Machreq pour opérer une métamorphose moderne qui met « au carré » l’agencement des pièces et notamment les principes progressifs d’entrée. Cette démarche, qui ne prétend pas actualiser rigoureusement le plan arabe, cherche à faire bouger les lignes entre le système de plan traditionnel qui organise essentiellement l’espace pour se réunir, et le système moderne qui se concentre bien davantage sur l’espace dédié à l’individu.
Dans un même jeu d’opposition, on trouvera l’association d’une architecture de mur (qui contraste avec le « règne » du tout vitré habituel) qui peut sembler très low-tech avec un ensemble de dispositifs techniques de pointe comme la domotique.