L’agence niçoise Atelier Combas Architectes (Sophie Delage, Pierre Le Quer, Mathieu Grenier, Éric Grenier) a livré en février 2024 à Charleval (Bouches-du-Rhône), pour la mairie maître d’ouvrage, une maison de santé pluridisciplinaire (onze cabinets médicaux et paramédicaux, salle polyvalente, deux logements). Surface : 725 m². Coût de construction : 1,93 M€. Communiqué.
L’une des volontés premières du maître d’ouvrage était d’équiper ce territoire rural d’une maison de santé pluridisciplinaire tout en préservant et en rappelant à sa population ce qui compose son identité charlevaloise et provençale : son patrimoine.
Nichée dans la vallée de la Durance, Charleval est une commune qui se démarque par l’efficacité mécanique de son tissu urbain. Cette grille qui dessine de longs îlots rectangulaires se déployant d’ouest en est offre à l’illustration évidente d’une attention environnementale. Le bâti s’aligne au nord le long des rues et dégage à l’occasion un jardin au sud, en point haut. Chaque bâtisse puise dans son propre sol pour aménager une future cave devenue carrière, et ériger les murs qui la composent, selon la technique constructive du Tapis (pisé en provençal). Les planchers et charpentes en cyprès ou en pin d’Alep complètent et s’accordent avec ces ouvrages en terre pour marquer le centre ancien de la commune d’une homogénéité de ses ressources.
C’est au sein de ce maillage, ceinturé par la rue des Aires au sud, par la rue Sainte-Thérèse au nord, et par la rue Mistral sur son flanc ouest, que le projet prend place. Sur un terrain en pente précédemment occupé par une maison et son hangar. À deux pas de la place centrale, de l’Hôtel de ville et du Château de Charleval, la maison de santé prolonge ainsi le système en place et s’implante en continuité de la maison mitoyenne à étage. À l’instar de ses voisines, le projet marque ainsi la rue au nord, basse, d’une façade alignée et dégage un agréable espace extérieur aménagé en son sud, à distance de la rue des Aires.
Implanté de la sorte, le projet dépasse l’idée de reproduction du contexte bâti. Il étudie et réinterprète les archétypes de l’architecture locale. Certes, il soigne son rapport à la rue et organise les intimités par l’intermédiaire de la dualité de ses façades.
Réinventer un modèle vernaculaire
Au nord, les arches s’alignent le long du rez-de-chaussée et dialoguent avec les portes cochères en anse de panier qui jalonnent les rues charlevaloise. À l’étage, des baies rectangulaires suggèrent un vocabulaire architectural plus domestique, ainsi qu’un léger soubassement en pierre du site maçonné fabrique un socle discret qui surélève le rez-de-chaussée de la rue.
Au sud, le même dessin ovoïde est repris, mais son élancement en double hauteur confère une dimension publique à l’édifice. Un jardin paysagé est aménagé et sert d’espace tampon entre le bâtiment et la rue, renforcé par un discret enchâssement dans le sol. Mais au-delà des rapports d’intimité avec l’emprise publique, le projet décide ainsi de perpétuer un système vernaculaire, courant sur les contreforts du Luberon, reflétant une logique qui tire parti de son environnement direct et de son contexte climatique : protection contre la surchauffe d’été par les arbres du jardin sud, apport de lumière et de chauffage naturel en hiver par l’échelle des fenêtres, préservation face aux déperditions de chaleur par l’échelle des baies en façade nord, protection contre le Mistral…
Le patrimoine bâti et les manières d’aménager le territoire génèrent une source d’inspiration en faveur d’une posture ancestrale résolument engagée face aux enjeux environnementaux. La linéarité bâtie permet l’aménagement d’un édifice traversant, ventilé naturellement tout en se protégeant des risques de surchauffe par des systèmes complémentaires au jardin : un dépassé de toiture d’1,50 mètres génère l’ombre suffisant à protéger l’étage alors que des stores d’occultation intègrent l’allège en bois pour les baies du rez-de-chaussée.
En tête d’îlot, le long de la rue Mistral, le projet linéaire se retourne et absorbe en l’intégrant le mur en pierre de l’angle Sud-Ouest, vestige de l’ancien hangar démoli. En respectant ainsi la demande du programme de l’opération et les prescriptions du CAUE, ce mur d’enceinte fait de moellons profite à l’atmosphère du patio de la salle polyvalente et devient simultanément le support des locaux servants de cette pièce mutualisée de l’opération. Sa couverture, une généreuse toiture-terrasse, surgit d’une attention anecdotique mais participe soudainement à la richesse narrative d’une scénographie d’entrée de qualité pour la maison de santé et ses usagers. Tantôt généreux espace extérieur à l’étage pour l’orthophoniste et son chien ou pour les professionnels de santé entre deux consultations, tantôt auvent bienvenu protégeant les patients du soleil ou de la pluie, le long de la pente séparant la rue des Aires de l’accueil…
Structure élémentaire
À l’instant où le patient pénètre dans la maison de santé, le projet et son programme se révèlent dans une évidence immédiate. Le bâtiment, linéaire, se retrouve scandé par une structure qui dicte le cloisonnement des intérieurs et oriente la répartition programmatique.
Paradoxalement à sa rigidité supposée, une trame régulière et répétitive nord-sud de murs de refends met en place et encourage la modularité des pièces, et rend flexible l’appropriation des espaces et leur spécialisation en fonction des disciplines des professionnels de santé.
Ainsi, au rez-de-chaussée s’organisent deux cabinets de médecine générale, un de médecine interne et un de cabinet de psychologue ainsi que deux salles d’attente. À l’étage, se côtoient un orthophoniste, un ostéopathe, deux cabinets infirmiers, un kinésithérapeute et deux cabinets dentaires qui partagent trois salles d’attente.
Cette trame porteuse appelle à l’appropriation du projet par les usagers, à l’évolution des aménagements intérieurs. Elle autorise les subdivisions au gré des besoins changeants et évolutifs de la commune et signe ainsi la durabilité du projet.
En s’enfonçant plus loin dans le bâtiment, après le passage de l’accueil, le patient déambule dans l’arcade de la circulation longeant la façade nord et la rue qu’il aperçoit à travers les baies vitrées en bois. Il avance en suivant l’enfilade – les mêmes qu’en façade sud, mais plus modestes – et franchit ainsi chaque refend jusqu’à la salle d’attente, centrale. Tandis qu’au sud s’organisent l’ensemble des cabinets médicaux qui profitent de la vue sur jardin et de la lumière offerte par les grandes baies, des banquettes qui doublent les menuiseries en bois et un soubassement continu le long du mur de façade, longitudinale d’ouest en est. À l’instar de l’épine dorsale du bâtiment, elles conduisent de manière élégante la gaine technique et tous ses réseaux à travers chaque refend du projet et distribuent l’intégralité des travées, sur leurs deux niveaux.
À l’extérieur, ce soubassement de 90 cm de hauteur en profite pour traiter discrètement la différence de niveau entre les deux façades longitudinales du bâtiment. En centrant le calage du niveau de référence du sol du projet, un équilibre économique se crée et permet une maîtrise totale des excavations au regard des besoins matériels de la structure. En effet 95 % des terrassements ont été réemployés dans la structure du projet, le reste étant employé pour la terre végétale.
L’architecture de la Maison de Santé est un contraste entre un dialogue inspiré de l’architecture vernaculaire et des éléments plus contemporains qui dialoguent avec le contexte pour fabriquer un élément signal marqueur de l’entrée.
Entre tradition et modernité, le projet emprunte des règles de composition à l’histoire de l’architecture pour fabriquer une réponse contextuelle qui semble évidente.