
À Djilor-Djidiack, au Sénégal, pour un maître d’ouvrage privé, Gilles Perraudin (Atelier Architecture Perraudin) a livré en 2024 une maison de pierre, de terre, de bois et de paille. Surface : 260 m². Coût : n.c. Communiqué.
C’est sur une plage de sable au bord d’un bolong (bras de fleuve formant estuaire) à quelques encablures de la maison d’enfance du poète Léopold Sédar Senghor qui fut un temps président du Sénégal, dans le petit village de Djilor-Djidiack dans le Sine Saloum, qu’est plantée la maison.
La maison emprunte son organisation à celle des maisons tropicales d’Afrique ou d’autres continents ; comme une maison à varangue de Louisiane qui l’enserre dans une ceinture d’ombre pour limiter les effets cuisants du soleil vertical.



Il faut construire écologique. Cette maison déploie toutes les ressources des matériaux naturels. Le soubassement est en pierre, les murs en terre, la charpente en bois et la toiture en paille. « Nous expérimentons en prenant des risques. Nous construisons en pisé de terre comme nous l’avions fait il y a quarante ans en France. Les jeunes du village sont venus nous aider à battre la terre dans les coffrages », souligne Gilles Perraudin.
Les murs sont alignés pour former quatre travées, perpendiculaires deux à deux. Elles sont couvertes d’une voûte de briques de terre ciment (BTC) d’une grande finesse, 5 cm, pour limiter l’utilisation du ciment.
L’usage se déduit facilement : une travée pour le séjour, une autre pour la cuisine/repas et deux travées pour les chambres. Le vent venu du fleuve traverse la maison. La fraîcheur des nuits s’accumule dans les murs en rendant la maison agréable la journée. Les grandes baies fixes vitrées sur la varangue possèdent des ouïes de ventilation latérale.



Les voûtes sont couvertes d’un plancher de bois sur lequel est montée une charpente faite de poteaux électriques récupérés. Charpentes simples à ciseaux taillées à la tronçonneuse puis boulonnées. Les tiges de bambou portent la couverture de paille d’une forte épaisseur pour protéger du soleil les grandes chambres au-dessous. La bande vitrée de l’étage court sur trois façades et offre un spectacle unique sur le bolong.
Les murs en terre, simples blocs de 2 m x 2 m et 35 cm d’épaisseur, s’alignent en rythme singulier lié aux exigences des franchissements utiles et économiques. Les cadres des baies contreventent l’édifice. Les piliers de la varangue, triangulaires et massifs sont autostables, et évitent le recours à des renforts bétonnés onéreux. Ils délimitent ainsi des alcôves qui sont autant de lieux pour s’asseoir, lire, se restaurer, se reposer. Et, comme une baie monumentale taillée dans l’épaisseur d’un mur, elles cadrent le jardin qui pousse.



La construction est simple, sans assemblages sophistiqués. Les éléments bâtis découlent strictement de l’application des règles constructives propres à chaque matériau. Ainsi l’arythmie des piliers massifs s’affronte aux poutres régulières de la varangue. La symétrie constructive de la charpente est contredite par la dissymétrie du plan.
L’ensemble fourmille de décalages et de tensions. Mais c’est par la respiration douce des matières naturelles que l’harmonie s’impose. Ainsi la maison n’est plus un simple abri sans faste ni grandeur : elle devient un univers, capable d’offrir des lieux pacifiés par la science de l’architecture.
