
Pour Oh4s maître d’ouvrage, AR Studio (Adrien Raoul) a livré en 2023 à Paris (XVIIe) NOC42, soit le programme suivant : lits étudiants, jardins partagés, laboratoires d’agriculture numérique, fitness connecté, espaces partagés mutables, salle de spectacle, épicerie solidaire. Surface : 5 157 m² SDP. Coût : n.c. Communiqué.
Le projet lauréat de l’appel à projets « Réinventer Paris I » lancé par la mairie de la ville en 2014 et désigné en 2016, a ouvert ses portes en 2023 dans le XVIIe arrondissement, matérialisé par deux bâtiments dotés de caractéristiques qui interpellent. Comme son sigle l’indique, NOC42 n’est pas que le campus de la célèbre école du numérique 42 mais une passerelle entre cette dernière et le quartier dans lequel elle s’insère. Cette proposition complexe fait la part belle aux élèves comme aux résidents des alentours.
Ils sont deux édifices érigés à quelques dizaines de mètres l’un de l’autre, proche du boulevard périphérique au nord de Paris. Enracinés dans leur territoire, si bien que chacun est désigné par le nom de la rue où ils se trouve. Un vocabulaire architectural similaire unit les deux parcelles et l’École 42 : même déconstruction des volumétries, même pixellisation des façades, même travail avec les trames. Seuls changent les matériaux, qui donnent une identité propre à chaque lieu.


Le bâtiment Brousse – rue du Docteur Paul-Brousse – est recouvert de bois naturel, tandis que le bâtiment Bessières possède un revêtement en enduit blanc. Mais si la couleur est distincte, le fonctionnement va de pair. C’est un trio que ces deux éléments forment avec l’école 42, située de l’autre côté du boulevard.
« L’idée est de questionner le rapport établi que l’on a aux choses », explique Adrien Raoul, fondateur d’AR Studio d’Architectures, à propos de la conception visuelle de NOC42. Dans le bâtiment Brousse, la fenêtre est agrandie à l’échelle d’un étage entier. Elle n’est ni verticale ni horizontale, c’est un carré de trois mètres sur trois mètres, ce qui induit « un rapport de l’intérieur à l’extérieur qui est loin d’être courant ».
Autre caractéristique architecturale notable, les transparents sont fixes quand les pleins sont ouvrants, ce qui inverse le rapport classique dans un bâtiment. Par ce biais, « on oblige les usagers à se poser des questions », souligne Adrien Raoul.
Au-delà de son aspect, dire que NOC42 occupe la fonction de campus affilié à l’école du numérique serait mentir. En effet, le projet vise bien plus large que ce simple objectif.

Un campus intégré dans la ville
Un des partenaires de conception de NOC42 n’est autre que la régie de quartier « Passerelles 17 », qui connaît parfaitement le tissu associatif local et œuvre au quotidien pour l’insertion de personnes en difficultés dans la vie de cette partie du XVIIe arrondissement de Paris.
Ainsi, l’idée du projet est de prendre en compte son environnement et créer un ensemble pleinement intégré dans la ville, loin du sens souvent admis du mot campus qui rassemble et isole un groupement de population en dehors des autres. « L’idée était d’ancrer le projet au quartier, et que cela bénéficie à la fois à NOC42 et à la ville ; créer une symbiose avec le territoire sur lequel le bâtiment est implanté », affirme Adrien Raoul.
Le cheminement d’AR Studio d’Architectures a donc été de trouver les besoins communs entre des étudiants potentiellement peu aisés et les habitants d’une zone qui reste encore à ce jour l’une des plus pauvres de la capitale. Autrement dit, concevoir une programmation qui améliore à la fois la qualité de vie des étudiants et celle des riverains.


La traduction de ce travail est multiple dans le rendu final de NOC42, au rez-de-chaussée du bâtiment Brousse se trouve une épicerie participative, accessible aux étudiants mais aussi aux riverains. Au sous-sol du bâtiment Bessières, une salle de spectacle et d’expositions de plus de 200 places entièrement reconfigurables, dont la programmation sera assurée par Nicolas Laugero Lasserre, Directeur de l’école ICART et fondateur du Club Artistik Rezo. Un espace est également disponible au rez-de-chaussée pour les associations de quartier.
Sur les toits-terrasses des deux édifices, une végétalisation toute particulière, que l’agence a orchestrée avec l’aide des Jardins de Gally. En effet, les essences plantées sont partagées entre les étudiants et les habitants du quartier : 21 bacs potagers d’un mètre carré serviront à des expérimentations sur l’agriculture de demain, et 21 autres feront office de jardins partagés gérés par une association locale.


Le dortoir revisité
L’école 42 est une école privée, mais gratuite. L’un des enjeux de l’établissement est d’opérer une sélection drastique sur la motivation des élèves, mais pas sur leurs revenus, leurs compétences ou leur statut. Par ailleurs, les étudiants sont originaires de toute la France, et nombreux sont ceux qui découvrent la réalité des loyers à Paris – et ses déconvenues – en arrivant à 42.
Aussi, le projet NOC42 porte une mission sociale en proposant des lits à des prix défiant toute concurrence.
L’un des parti pris forts d’AR Studio d’Architectures pour les dortoirs de son « not only a campus » réside également dans l’emploi de lits-cabines : « nous avons densifié l’usage de l’espace disponible en utilisant le modèle du lit capsule comme cela se fait dans certains hôtels au Japon », poursuit Adrien Raoul. Un type de mobilier qui peut soulever des inquiétudes de prime abord mais se révèle être convaincant à l’usage. Avec ses 1,20 m de hauteur sur 1,20 m de large, le lit-cabine offre la sensation d’une cabane confortable aussi bien visuellement que phoniquement.
Une autre particularité, le choix de rassembler toutes les douches du bâtiment Brousse dans un même zone dédiée, plutôt que de les disperser dans chaque espace nuit, ce qui permet de réelles économies en énergie primaire.


Un bâtiment densifié et réversible
Lits cabines, regroupement des cabines de douche… Pour NOC42, l’une des idées directrices a été d’utiliser au maximum les mètres carrés disponibles plutôt que d’étendre et construire davantage, quitte à une modification des usages. Le pari est réussi : dans le schéma d’une studette classique, on trouve généralement un étudiant pour 22,5 m² tandis que dans le campus de l’école 42, il y a cinq mètres carrés seulement par étudiant. Décision qu’AR Studio d’Architectures défend notamment sous le prisme environnemental : car oui, densifier les usages, cela économise du CO².
L’autre cheval de bataille a été de faire de NOC42 un bâtiment support et réversible au maximum dans son utilisation. Une nécessité requise par le fonctionnement même le l’école 42, ouverte 24h/24, et qui n’est pas utilisée de la même façon et au même moment par tous les élèves, de sorte qu’elle ne connaît aucun pic de consommation au cours de la journée ou de la nuit.
Notons enfin que 42 fait l’objet d’un projet pour augmenter sa capacité d’accueil. Des salles de classes sont donc installées dans les bâtiments Brousse et Bessières pour la durée des travaux. Ce campus pas comme les autres est donc infiniment reconfigurable pour des paysages toujours différents au gré des besoins. C’est cet ensemble de caractéristiques qui fait de NOC42, un « lieu réseau générateur d’innovation, qui éveille la créativité », conclut Adrien Raoul.