Aphorismes sur l’architecture, le dernier ouvrage de Tom Benoit, le philosophe de Chroniques, est paru au début du mois de juin 2022 chez NBE-éditions.* La préface est signée Rudy Ricciotti. Quelques bonnes feuilles en quelques énoncés.
Dans sa préface, Rudy Ricciotti explique avoir perçu cet ouvrage « comme un fait d’armes littéraire, un manifeste glorifiant le digne combat de l’attachement à la matière et au réel, également comme l’engagement républicain d’un philosophe qui décline les mortifères suggestions d’une époque à laquelle il ne semble pas parvenir totalement à échapper ».
« Il s’agit d’un témoignage de l’arrogance existentielle comme instinct de survie, d’un refus de l’humilité version sans panache de la vanité, et de la paranoïa comme lecture exacte de la fourberie de notre temps », écrit-il encore.
Quelques extraits choisis par l’auteur et la rédaction.
« L’architecture représente en quelque sorte toute édification ayant pour vocation de créer un espace.
Une construction dont les caractéristiques se limiteraient à borner un environnement ne peut pas être entièrement considérée comme étant une architecture si, en délimitant un espace, parallèlement, elle n’a pas matière à faire naître un nouvel espace.
Il y a ici l’un des points éloignant le plus l’architecture de la sculpture – cette dernière ne montrant aucune aptitude, par sa seule présence, à faire éclore un espace nouveau. Aussi, l’on pourrait justement imager l’architecture par la représentation d’une sculpture creuse, dont la tridimensionnalité ne serait pas en mesure d’être modifiée, sa structure étant ancrée au sol, rendant déjà par ce fait son rapport à l’espace autrement chargé de puissance ».
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« La couleur est à l’architecture ce que les mots d’amour sont aux histoires sentimentales ; apparaissant prétendument pour magnifier ce qui a été construit, pour apporter du relief à ce qui doit représenter un horizon définitif, le pastel des mots tendres revêt toujours une intensité chromatique qui, par son aptitude à retenir l’attention, représente un tremplin vers la tromperie et la désillusion ».
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« En architecture, l’essor de la conception paramétrique conduira, les années se succédant, vers un regain d’engouement pour la matérialité ! Comme dans chaque démarche entreprise, le subterfuge ayant besoin d’être nourri de sens, pour ce qui est de la conception architecturale assistée par logiciels paramétriques, l’aspect ludique de la création de formes plus rapidement étudiées que lorsque celles-ci sont dessinées sur le papier, constituera l’élément initiateur d’une mode dans laquelle les aspérités seront à nouveau magnifiées ».
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« Au-delà de sa nature à être regardée, l’architecture dispose de la capacité à contenir, et par conséquent à oppresser.
C’est là ce qui conduit fréquemment à la difficile compréhension d’une critique architecturale que l’on lit généralement, soit sur un papier, soit sur un écran, mais dans ces deux cas, nécessairement en deux dimensions et non en trois.
L’essence de l’architecture est semblable à ce qu’est la beauté durant l’acte sexuel ; elle n’a pas nature à être contemplée, mais plutôt à être perçue, à être détenue, à être possédée ».
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« Etrangement, l’architecture, qu’il convient pourtant de qualifier principalement d’art visuel, partage pour ce qui concerne sa perception plus de caractères avec la musique qu’avec des arts plus visuels comme la peinture ou la sculpture.
Ceci provient de ce que l’architecture s’expose semblablement à la musique, de façon omniprésente mais indirecte – c’est-à-dire, en s’imposant au spectateur, mais paradoxalement, en ne cessant jamais d’incarner un aspect de sa représentation qui demeure partiellement chimérique.
Bien qu’il faille admettre que la musique dispose d’un caractère encore plus impalpable que l’architecture, l’on peut tout de même conclure que celle-ci est beaucoup plus difficilement définissable que l’art pictural ».
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« À l’instar de l’architecture, la médecine – discipline elle aussi partiellement scientifique – requiert de nombreuses capacités émotionnelles pouvant être, comme dans l’architecture, qualifiées au premier abord d’irrationnelles.
En effet, la médecine, si justement considérée semblablement au premier de ceux-ci comme un art, rencontre la plupart de ses avancées en réservant une place disponible au champ passionnel qui, dans l’architecture, représente également le point de départ de toutes les découvertes.
Je ne constate aucun exploit médical ou architectural qui ne soit pas un instant passé par une étape que l’on pourrait qualifier de déraisonnable ».
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« Le patron d’une agence d’architecture au succès financier remarquable endosse avec une réussite sociale provenant généralement de l’addition de son talent artistique et de son sens des affaires, le costume d’un businessman devant désormais être à la tête de gros chantiers afin de générer le chiffre nécessaire pour assurer la pérennité d’une entreprise engageant plusieurs dizaines de salariés à l’année.
L’architecte qui s’est fait un nom, devient également un représentant de l’architecture, à qui l’on demande habituellement plus de parler de sa profession que de l’exercer sous toutes ses formes ».
Tom Benoit
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*Le site de l’éditeur :
Aphorismes sur l’architecture – Pour une incitation à construire | NBE éditions (nbe-editions.net)