En septembre 2021, Elizabeth de Portzamparc a livré à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) le Grand équipement documentaire (GED). Ce Learning Center de 23 060 m², construit pour la Région Ile-de-France maître d’ouvrage dans un budget de 110 M€, est désormais la plus grande bibliothèque de Sciences Humaines d’Europe. Communiqué.
Le projet
La création du Grand équipement documentaire à Aubervilliers s’inscrit dans le vaste plan de décentralisation des universités engagé à l’échelle nationale, dont fait partie la décision de la création du Campus Condorcet.
Il est installé à Aubervilliers, dans le territoire de La Plaine Saint-Denis, aux portes de Paris, un ancien quartier industriel et ouvrier. Les enjeux de la construction d’un campus dans ce territoire sont colossaux – urbains, économiques, sociaux, sociologiques, culturels – et majeur est le défi de faire cohabiter les nouveaux arrivants de ce pôle d’excellence avec les populations locales. À ce titre, le symbole est fort de voir s’y croiser les rues de la Métallurgie et de l’Encyclopédie.
Le Grand équipement documentaire – premier bâtiment mis au concours pour le nouveau campus à Aubervilliers – est la pierre angulaire de tous les équipements construits ultérieurement sur l’axe de la rue traversante : le cours des Humanités voulu par Elizabeth de Portzamparc, lauréate du concours en 2014. La maîtrise d’ouvrage et le financement sont assurés par la Région Île-de-France.
Porte et cœur du nouveau quartier universitaire d’Aubervilliers, le bâtiment, largement ouvert sur la ville, prolonge l’espace urbain à l’intérieur et le rend ainsi accessible à diverses populations, son architecture répondant à la volonté de la transmission et partage des savoirs avec le plus grand nombre.
Destiné à la recherche universitaire, le bâtiment est conçu pour être ainsi un levier d’insertion sociale pour la jeunesse du quartier, qui à son tour enrichira les chercheurs en sciences sociales par ses propres apports.
Parti architectural
Le parti architectural a été développé afin de répondre aux enjeux de la politique de décentralisation de l’enseignement et son intégration dans les territoires. La création du Campus Condorcet vise en effet à une meilleure répartition géographique des universités et, par voie de conséquence, à l’accès au savoir pour tous.
L’architecture est en totale cohérence avec ces ambitions et a été pensée en tant que futur Learning Center, pour concrétiser des intentions pédagogiques pionnières grâce à une diversification des programmes, une ouverture sur la ville et une adaptation aux nouveaux modes de travail collaboratif des enseignants et étudiants. Finalement, l’architecture est mise au service d’un nouveau paradigme d’enseignement.
L’édifice se compose de deux grands volumes asymétriques, reliés par deux bâtiments ponts, à l’image de la multitude de ponts qu’établit le GED entre les savoirs, les êtres, l’environnement, le lieu.
Les façades métalliques opaques non porteuses sont animées par la danse des différentes dalles claires obliques et des balcons en métal gris qui tantôt pénètrent, tantôt jaillissent des bâtiments, allégeant le poids et la masse. Ces façades ont des propriétés thermiques performantes et assurent une maintenance aisée.
Les volumes sont pensés comme un écho de ces châteaux de l’industrie qui peuplaient autrefois le territoire d’Aubervilliers. Le système de façades de verre avec stores vénitiens filtrants a été choisi pour apporter la lumière naturelle. Il est rythmé par des modules verticaux habillés de métal dont la structure même évoque le passé industriel du site.
Pensé de manière rationnelle, le projet privilégie les économies de moyens, notamment par la mise en œuvre de formes simples, tout en offrant des espaces généreux et fonctionnels, propices à l’étude et à la recherche.
Les espaces lumineux sont hiérarchisés par le biais de transitions très travaillées entre les sphères publiques et plus intimes, et tous sont en relation avec l’extérieur.
Le forum, cœur de l’équipement
Les deux ailes et leurs ponts délimitent l’espace d’un vaste forum intérieur central, non prévu au programme du concours. Orienté nord-sud et traversant grâce à ses rues intérieures, il devient ainsi un point de convergence naturel, de passage et de rencontres, à l’instar d’une place publique couverte. Cœur de l’équipement, le forum constitue le principal contact entre le public et le bâtiment, mais aussi entre les espaces intérieurs et extérieurs.
Le forum est couvert par une verrière de type « sheds », qui apporte de la lumière et de la chaleur en hiver et participe à la ventilation naturelle en été, en assurant l’évacuation de l’air chaud. Cette verrière illustre le caractère low-tech à l’oeuvre dans la conception du projet. Il faut noter, à ce propos, que même le système électronique central d’ouverture des façades a été enrichi par des commandes manuelles afin que les utilisateurs en gardent la maîtrise et le contrôle.
Une architecture ouverte, en relation physique et symbolique avec l’extérieur
En ce qui concerne la relation avec le quartier, le GED marque une différence fondamentale avec les ateliers industriels historiques. Quand ces derniers faisaient preuve d’une relative opacité et d’un caractère introverti, le nouvel équipement a pour caractéristique principale d’être totalement ouvert sur son environnement, et ce à tous les niveaux.
La transparence du rez-de-chaussée est manifeste. Elle est pensée comme une invitation à découvrir et à pratiquer les espaces de coworking, les espaces libres, la librairie, la cafétéria, ou encore le forum. Transparence et porosités ont été conçues pour attirer la jeunesse du quartier vers la connaissance, tel que le concept de Learning Center le préconise.
Au-delà de la transparence, un système de rues traversantes, notamment l’axe diagonal central, renforce cet appel à pénétrer dans le bâtiment, qui se veut un espace public. Cet axe est devenu, au fil de la conception, la colonne vertébrale du Campus et en même temps un lien spatial entre l’ensemble des étudiants et des chercheurs.
L’ouverture à l’environnement est présente dans l’ensemble de la bibliothèque, au rez-de-chaussée comme dans les espaces du premier niveau et des salles de lecture. Toutes bénéficient d’une terrasse, induisant une relation totale avec l’environnement physique et visuel, à la fois Paris et le Grand Paris.
Les deux volumes principaux sont dotés de toitures terrasses plantées, qui augmentent l’inertie thermique du bâtiment et favorisent les vues sur les bâtiments environnants. Majoritairement accessibles au public, ces terrasses en toiture contribuent elles aussi à prolonger à l’extérieur les espaces de travail, et forment un belvédère sur le Campus Condorcet et le lointain.