Pour le Syndicat mixte de la Cité internationale de la tapisserie, maître d’ouvrage, Terreneuve architectes (mandataire – Nelly Breton & Olivier Fraisse) a livré en 2016 à Aubusson (Creuse) la transformation de l’ENAD en musée contemporain. Au programme : exposition & réserves, plateforme de création contemporaine, ateliers professionnels, atelier de restauration de tapisseries du Mobilier National, centre de ressources, salles de formation, auditorium.* Communiqué.
« Nous imaginons la Cité de la Tapisserie et de l’Art Tissé comme une cathédrale aux lignes élancées et multicolores, reflet d’un monde de l’art du grandiose et de la mise en scène né de la tension des fils de la chaîne et de la vibration chromatique. (…) Tout laisse à penser que la Cité est appelée à devenir l’un des principaux symboles de la ville d’Aubusson. Sa visibilité participe au repérage du visiteur, mais la situe également dans la mosaïque des lieux de la tapisserie, et lui confère un rôle de pôle urbain structurant dans la ville ». TERRENEUVE architectes
Le projet consistait en la création de la Cité internationale de la tapisserie dans l’ancienne Ecole Nationale des Arts Décoratifs, ENAD, construite par l’Etat en 1969 à Aubusson par les architectes B.Danis et G.Caradec.
La Cité Internationale de la Tapisserie, au-delà des missions d’un musée, assure la préservation et la diffusion d’un savoir-faire vivant reconnu par l’Unesco en 2009 comme patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Elle ambitionne de replacer Aubusson dans le champ de la création contemporaine et de redynamiser un territoire rural.
Bien plus qu’un lieu d’exposition et de conservation de collections, elle regroupe des activités de création, de diffusion et de formation, ainsi qu’un atelier de restauration de tapisseries du Mobilier National. Après l’abandon d’un projet d’extension du musée départemental, le choix du Syndicat Mixte, maître d’ouvrage du projet, s’est porté sur le site de l’Ecole Nationale d’Arts Décoratifs d’Aubusson, fermée en 2012.
Construit à la fin des années 60, l’ENAD comprenait deux bâtiments :
– un externat de plan cruciforme en mémoire de l’ancien couvent des Récollets dont la structure intérieure en béton est quadrillée de poteaux tous les quatre mètres ;
– une tour de forme carrée, l’internat, regroupant les chambres et le restaurant.
Le concours de maîtrise d’œuvre lancé en 2012 prévoyait la démolition de l’internat pour laisser place à une construction neuve dédiée à la présentation de tapisseries nécessitant un grand volume libre. TERRENEUVE proposa plutôt de réhabiliter l’externat, dont l’architecture moderne et la structure poteaux-poutres offraient une liberté de transformation. Surtout, sa situation en léger surplomb dans la ville, affirmant son caractère ostentatoire, lui donnait une visibilité exceptionnelle.
Un bâtiment emblématique
L’architecture imposante de l’ENAD, et son histoire institutionnelle lui donnent un statut de “monument”, donc de lieu de mémoire. Caractéristique des équipements publics construits par l’Etat dans les années 1960-70, sa structure poteaux-poutres en béton et sa trame cubique de quatre mètres de côté offrent en outre une relative flexibilité de transformation intérieure.
Forte de ce constat, et compte tenu du budget restreint de l’opération, TERRENEUVE choisit, à contre-courant du cahier des charges du concours, de réhabiliter l’ENAD plutôt que d’ajouter une extension neuve.
S’appuyant sur des recherches historiques et un diagnostic technique et architectural, le projet opère ainsi une transformation à la fois douce et radicale de l’ENAD :
– douce, parce qu’il s’agit de révéler l’esprit des lieux de ce bâtiment emblématique d’Aubusson dont l’histoire est liée à celle de la tapisserie ;
– radicale, parce que ses accès, sa distribution intérieure, ses façades, sa structure ont été profondément modifiés pour répondre à de nouveaux besoins.
Sur les pentes de la Vallée de la Creuse, le site accuse un dénivelé de plus de huit mètres. L’ENAD avait donc été construite sur un socle en terrasses avec deux entrées opposées : à l’avant et en bas pour les élèves et à l’arrière et en haut pour le personnel.
Remodeler pour s’ouvrir vers la ville
Pour mettre en communication l’avant et l’arrière du bâtiment, via un unique hall d’entrée, le profil du socle est redessiné. Côté est, un parvis ouvert remplace l’ancienne cour fermée de l’Ecole. Côté ouest, le creusement d’un jardin clos en pente relie en douceur le hall d’entrée et le parking créé dans le haut du terrain.
La Cité s’ouvre ainsi sur la ville en bénéficiant d’un double accès traversant avec un accueil unique et central. La démolition partielle du plancher haut dégage une double hauteur libre pour la présentation de tapisseries.
Le nouvel espace d’exposition, la nef des tentures, accueille les collections selon une présentation chronologique, dans une scénographie originale imaginée par les architectes-scénographes Frédérique Paoletti et Catherine Rouland.
Inspirée des techniques théâtrales, avec des décors peints, des équipes et des porteuses pour l’accrochage des tapisseries, la scénographie permet le renouvellement aisé et régulier des collections, nécessaire pour limiter leur exposition à la lumière et assurer leur conservation.
Un éclairage artificiel à base de projecteurs sur rails et de caissons lumineux mobiles conçu par les scénographes complète les apports en lumière du jour, filtrés par les ouvertures sur le jardin.
Démultiplier les volumes
Creusé sous l’aile ouest du bâtiment, à l’emplacement de l’ancien préau de l’école, le volume libre de la nef des tentures, de sept mètres de haut et plus de douze mètres de large, a constitué le principal enjeu constructif.
Des portiques en béton armé remplacent le quadrillage de la trame de poteaux tous les quatre mètres pour supporter les étages supérieurs. Au lieu d’ajouter une extension neuve contemporaine démonstrative, l’inscription de l’ensemble des espaces de la Cité à l’intérieur de l’épure emblématique de l’ENAD préserve les emprises libres des espaces extérieurs et l’économie du projet.
L’enveloppe
Le choix de réhabiliter le bâtiment de l’ENAD induisait la métamorphose de ses façades afin d’atteindre les performances thermiques exigées et impliquait de redessiner son image. L’ajout d’une isolation thermique et d’une protection solaire extérieure généralisée permettra ainsi de conserver les menuiseries PVC à double vitrage en bon état installées lors d’une précédente rénovation.
Après un chantier préalable de désamiantage des allèges en Glasal, posées lors d’une première rénovation thermique dans les années 80, une nouvelle peau constituée de plusieurs épaisseurs se décline devant les différentes parties des façades : châssis, allèges, meneaux, corniches et panneaux préfabriqués en béton.
L’utilisation du pin Douglas de provenance régionale s’est imposée pour ses qualités de résistance sans traitement chimique et sa texture vivante. Il rappelle aussi les pièces de bois des métiers à tisser. Le motif coloré, créé par Margaret Gray pour ce projet, est imprimé sur une toile en grille polyester enduite à 30% de transparence.
Pendant les études, la tenue dans le temps de l’impression par la résistance des encres à l’ensoleillement a été testée en laboratoire sur un équivalent de huit années par le Centre National d’Évaluation de la Photoprotection (CNEP) de Clermont-Ferrand.
*En chiffres :
– 4 088 m² SDO / 4 600 m² de planchers dont 680 m² neufs créés ;
– 1 200 m² d’exposition et 530 m² de réserves ;
– 2 800 m² de façades enveloppées dont 1 214 m² de toile imprimée ;
– 53 places de parking ;
– 6,8 M€ HT de coût de travaux total (5,4 M€ bâtiment, soit 1 200 €/m2 + 1,1 M€ scénographie + 0,3 M€ extérieur)