Les églises en bois étaient les ‘icônes fragiles de la vieille Russie’*. Pillées, brûlées, souvent oubliées sauf dans quelque mémoire locale, elles connaissent depuis la fin de l’URSS un vigoureux revival autant architectural que spirituel, l’un et l’autre ne laissant d’ailleurs désormais que peu de place à l’innovation. Cela étant, un incroyable savoir-faire a perduré au-delà d’un siècle féroce de communisme athée. Chronique-photos signée Alex Markovich.
Contexte:
Le monastère de la Nouvelle Jérusalem est situé dans le village de Sukharevo, à 170 kilomètres de Belgorod, pas très loin de la frontière avec l’Ukraine. J’allais à Sukharevo avec des amis du Département d’économie de l’université de Belgorod que j’accompagne, souvent dans des endroits inattendus, pour faire le reportage photo. Là, le but de la visite était un nouveau centre hippique et hippodrome puis un festival rural. C’est ainsi que j’ai entendu parler de cette Nouvelle Jérusalem.
Je ne suis pas religieux mais j’aime beaucoup l’architecture en bois. Je me suis donc échappé du village quelques heures pour m’enfoncer pour les collines environnantes. Soudain, au sortir de la forêt, au centre d’une clairière, le toit de l’église est apparu au travers le feuillage.
Le monastère Nouvelle Jerusalem de Sukharevo
Selon la légende, vers le XVIe siècle sans doute, il y avait là une église et un village construits par un prêtre, ses disciples et ses étudiants, en rupture de ban avec l’orthodoxie. D’où pour l’église le nom de Nouvelle Jérusalem qui devait être le premier ouvrage d’un monastère. Le village portait lui le nom de Sichar, là où, dans le nouveau testament, Jésus a rencontré la Samaritaine. De ce nom d’origine est issu Sukharevo le nom du village actuel.
Le temple était devenu un lieu de pèlerinage mais nul ne se souvient quand et pourquoi l’ensemble a totalement brûlé puis disparu. Une invasion sans doute. Seule la mémoire du lieu demeurait.
En 1983, à l’initiative d’un prêtre local, Alexandre, la reconstruction de l’église a commencé à l’endroit même des anciennes fondations. A l’époque, Iouri Andropov était au pouvoir et construire une église était un acte audacieux. Il faudra attendre en effet la fin des années 90 pour voir les premières reconstructions ou restaurations d’églises et monastères en bois, aujourd’hui si prisées.
Bientôt se sont ajoutés un calvaire et autres éléments du monastère. Des nonnes entretiennent le lieu qui paraît comme neuf. Elles ont planté un jardin et un verger (pommiers, pruniers, cerisiers et pêchers). La croix votive a été installée au sommet du dôme en 2001 et le projet est aujourd’hui d’y construire des logements fraternels.
La palissade était d’usage pour les monastères en bois construits entre le XVIe et le XIXe, surtout dans le nord de la Russie. Il est beaucoup plus rare de trouver de tels édifices si loin dans le sud, Belgorod étant à 580 km de Moscou. Un autre monastère nommé Nouvelle Jérusalem existe à Istra, au nord de Moscou, mais il est beaucoup plus imposant et construit en dur.
Le dôme et sa croix votive. Le dôme est couvert de bardeaux de tremble qui, en fonction de l’angle des rayons du soleil, offre des reflets argent ou or.
L’endroit semble redevenu un lieu de pèlerinage car il y avait une vingtaine de pèlerins lors de ma visite. La plupart venait de Belgorod et des villes voisines mais certains venaient de Moscou. L’aigle bicéphale et les multiples croix orthodoxes sont les symboles de la réinscription du monastère dans l’histoire contemporaine de la Russie.
Alex Markovich
Le blog d’Alex Markovich
*Du titre d’un article publié par Russia beyond the headlines (RTBH) daté du 16 avril 2013
Note de l’éditeur : Cette chronique-photos a été réalisée mi-octobre 2015, pour le numéro 00 de Chroniques d’architecture, un exemplaire de travail qui ne sera jamais publié, le N° 1 étant daté du mardi 10 novembre 2015. Du coup, cette chronique ne fut jamais publiée non plus. La voici donc.
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