L’agence stéphanoise A-MAS architectes (Stéphanie David et Eric David) a livré en janvier 2020 pour Alliade Habitat huit colocations étudiantes serties dans un ancien bâtiment industriel. Une surface de plancher de 880 m², 1,6 M€ de budget : typologie verticale et lumière intérieure. Communiqué.
Les formes construites fabriquent une part de notre mémoire collective, par l’expérience physique, la trace qu’elles laissent dans nos souvenirs ou la persistance visuelle de leurs singularités formelles, typologiques. Mais parfois, elles apparaissent comme « obsolètes » par l’abandon de leurs usages initiaux ou l’évolution de ces derniers.
Se pose alors la question de la conservation, transformation ou disparition, au regard de la capacité des formes à accepter un renouvellement des fonctions et des usages.
« On peut être tantôt respectueux, tantôt irrévérencieux, mais nous considérons que l’architecture est redevable à la mémoire des lieux, des gens et des formes et à ce titre doit permettre la filiation entre héritage et époque contemporaine. Nous considérons la trace, l’empreinte, la mémoire comme éléments fondateurs d’un renouvellement possible », explique A-MAS.
En premier lieu, il y a un bâtiment industriel, composé de huit travées formant sheds. Ce bâtiment ne possède qu’une façade ouest où il est possible d’ouvrir. La structure est composée de portiques en acier et d’un remplissage en mâchefer. Le programme prévoit l’implantation de huit appartements pour étudiants en colocation.
En s’appuyant sur la contrainte de mono orientation de l’édifice, le projet développe deux typologies de logements qui s’organisent verticalement et fonctionnent comme des logements individuels en bande. Les deux typologies s’alternent l’une l’autre, créant par là-même un rythme en façade ouest.
Le dessin et la matérialité de cette façade est d’ailleurs l’unique modification perceptible de l’édifice existant. Les remplissages en mâchefer de cette façade sont déconstruits et remplacés par une ossature métallique et un bardage sinusoïdal en aluminium.
À l’intérieur un premier dispositif exploite l’apport de lumière des sheds pour les espaces de travail collectif et les circulations verticales. Un second dispositif architectural, un puits de lumière/patio en fond de parcelle, permet au logement de s’organiser sur la profondeur de la travée.
Une galerie en béton organise la séquence d’entrée depuis la rue. Elle est adossée à un immeuble de logement collectif formant continuité avec celui-ci. Condition indispensable au respect du PLU permettant le maintien des sheds dans le cadre de la construction des 100 logements sociaux réalisés par une autre agence (HTVS). La galerie permet le passage à couvert, de répartir les locaux vélos et dessine les jardins d’entrée aux logements.
Galerie-jardin
Depuis la rue, le pignon de l’ancien bâtiment industriel est maintenu, le mur formant limite également. Ce dernier se voit prolongé par une serrurerie qui laisse entrevoir la profondeur de la parcelle et la séquence d’entrée.
Dans l’intervalle ménagé entre les sheds et la nouvelle opération de logements sociaux en cours de construction, se développe un paysage intérieur. Il répond par son rythme aux travées qui organisent les logements en colocations. Il découpe le ciel au droit des jardins d’accès aux logements. Dans quelques temps les couleurs et parfums des amélanchiers, plantes tapissantes et toitures végétalisées caractériseront la galerie-jardin.
« La séquence qui conduit de la rue jusqu’à l’intimité des logements est aussi pensée comme un paysage linéaire, un entre-deux qui qualifie le rapport de vis-à-vis avec l’immeuble de logements sociaux », poursuit A-MAS.
Lumière du nord
« La contrainte de la mono-orientation de l’édifice, nous a conduit à rechercher les dispositifs susceptibles d’accroître la lumière naturelle des logements. Les ouvertures formées par les sheds en est l’un d’eux. Ces ouvertures orientées nord sur toute la profondeur de l’édifice sont l’occasion d’organiser le plan des logements en lien avec le principe de travée de cet ancien bâtiment industriel », souligne les associés d’A-MAS.
Un escalier droit dessert les deux niveaux sur lesquels prennent place les chambres, salles de bain et espace de travail. Dessiné sans contre-marches, il laisse descendre la lumière diffuse jusqu’au rez-de-chaussée. Par ailleurs, une triple hauteur au commencement de l’escalier, donne à voir le ciel et laisse deviner le grand bureau du dernier niveau.
Quotidien
Chaque logement organise la vie collective au sein de la colocation, selon un principe d’élévation du plus partagé vers le plus solitaire. Le rez-de-chaussée déploie une grande pièce de vie mettant en lien patios avant et arrière, alors que les deux étages offrent deux chambres et un bureau pour travailler à plusieurs sur un vaste palier donnant sur le patio arrière ou sous la verrière de la toiture en sheds.
Dans la continuité des espaces couverts de la galerie, la pièce de vie du rez-de-chaussée est un dedans qui se vit dans la continuité du dehors : continuité des murs et plafond en béton brut, présence à l’intérieur au travers de grands châssis vitrés des murs usés et tagués sur lesquels s’adosse le bâtiment.
« En complément de ces espaces partagés propres à chaque colocation, une pièce destinée aux usages collectifs à l’échelles des huit colocations vient clore la galerie à son extrémité sud », conclut A-MAS.