
Dans l’Eternaute, en 1969, les habitants de Buenos Aires sont confinés. Une étrange pluie radioactive décime la population qui, pour se mettre à l’abri, se confine. La cause est différente mais l’effet surréaliste est le même : celui d’une ville maudite, interdite, viciée.
La ville est malade. Son corps est endolori par la désertification des rues et l’absence des circulations qui la nourrissaient chaque jour de ses flots incessants,
La ville est désertée, les transports arrêtés, des boulevards vides sans doute jusqu’à l’été
Plus de touristes, paysages désertés par la fuite des gens
Quelques rares joggers parfois se meuvent, errants,
Ou des personnes âgées au petit cabas gris
Mais la police veille et sans tarder agit…
Les seuls qui sont heureux ce sont les animaux
Les pigeons épargnés, du pavé tiennent le haut…

La ville est malade, son petit corps fragile aux équilibres subtils est à présent livré aux animaux errants. Un cygne sur le canal, des dauphins à Venise, quelques biches à New York, les pigeons à Paris, font la fête. Donc en fait, la ville renaît. Réjouissions-nous, mais pas trop vite : la pandémie ne durera sans doute pas et l’agressivité des autos y reprendra ses droits.
J’ai souvent souhaité leur mort, à ces gros SUV, propriétaires des rues, qui klaxonnent à tout va et qui entre deux mugissements du vocabulaire simpliste de leur avertisseur vous regarde, cycliste, avec un mépris et une haine qui frôle l’homicide.
« Que fais-tu dans ma rue, cycliste, si justement tracée pour mes roues par l’ami Pompidou ».
Où sont-ils aujourd’hui ces SUV monstrueux ? confinés ! Vont-ils revenir ? Hidalgo, Dati ou la pauvre Buzyn vous déciderez-vous enfin à interdire en ville ces grossièretés si viles, dont heureusement aujourd’hui la production s’est tue ? Puisse-t-elle ne jamais reprendre. La vie post Covid-19 sans SUV ? Où tout enfin sera possible ? Un monde meilleur après avoir frôlé l’apocalypse ?
Le retour de la nature fait plaisir à voir, le taux de CO² a baissé considérablement. Comme si le Coronavirus était parvenu à bout des pesanteurs des pouvoirs publics en matière de défense de l’environnement. Les Champs-Elysées sont enfin Elysées…

Le CAC 40 s’effondre, la pollution s’estompe. Que doit-on en déduire ?
Le Covid-19 est un code. Une simple écriture génétique qui transmet sa formule à des cellules hôtes qui leur permettent de vivre et pour cela envahit les poumons des malades.
Parlant de pollution de codes génétiques, on peut penser (toute proportion gardée, bien sûr) à l’administration qui, souvent, se greffe sur l’architecture pour exprimer, sans aucune gêne, son désir frustré et qui ainsi la tue.
« La volumétrie de la construction étant traditionnelle et la construction étant neuve, l’utilisation du zinc en toiture ne semble pas justifiée. Il faut privilégier l’usage de la tuile en terre cuite, d’une teinte chaude, similaire aux maisons individuelles existantes dans l’environnement urbain immédiat. Par ailleurs, la toiture semble disproportionnée par rapport au gabarit de la construction.
La réalisation d’un niveau complet en pierres semble disproportionnée. Il conviendrait effectivement de traiter un soubassement d’une hauteur de 60 cm maximum.
Le gabarit des baies et à harmoniser, de même que leur emplacement. En effet, la façade sur jardin laisse apparaître un large « vide » dépourvu de baies. La composition de la façade avant, notamment l’emplacement et le gabarit des baies, est à ajuster.
Le gabarit des lucarnes devra être proportionné et cohérent au gabarit de la construction ; leur style est à définir.
Enfin, la réalisation de balcons triangulaires n’est pas souhaitée. Ces espaces sont effectivement difficilement appropriables ». Compte rendu d’instruction de Permis de Construire article UB 11 quant à l’aspect des constructions : une expertise en matière de proportion et d’harmonie.
Témoignage révélateur de la soif de créativité de l’administration et des élus d’une collectivité qui, non contents d’abrutir les architectes de règlements incessants à longueur d’article de PLU, se mêlent également d’esthétique. Ce témoignage est tiré d’un rapport d’instruction dans le cadre d’un Permis de Construire dans une banlieue pas terrible dont, ne voulant pas m’immiscer dans l’élection en cours, je tairais le nom mais où il n’est strictement pas question, justement, d’en faire, de l’architecture. Interdit !
Faites donc la même daube que partout ailleurs, que l’on ne vous voit pas, fondez-vous dans la merde alentour. C’est nous qui écrivons les pages de nos banlieues… Et on a des recettes (voir conseils ci-dessus) et des codes. Obtempérez. Flic un jour, Flic toujours ! Attestation d’architecture dérogatoire exigée !
Les architectes font de longues études et ont a priori une compétence reconnue par un diplôme d’Etat, acquis huit années après le baccalauréat, pour agir sur le cadre bâti. Ils intègrent dans leur projet la fameuse opposition aux tiers dont ils peuvent juger, et agissent en conséquence. Ils sont assez grands et n’ont pas besoin qu’on leur tienne la souris.
Pourquoi opposer à cette compétence celle des ingénieurs territoriaux ou des élus à l’urbanisme (souvent aux manettes de l’exercice et usant d’un pouvoir discrétionnaire en la matière) dont les qualifications en manière d’harmonie urbaine ne sont pas probantes ? C’est un peu comme si un fonctionnaire devait viser une ordonnance rédigée par un médecin avant de la présenter au pharmacien !
On ferait des progrès sociétaux incroyables si on exigeait que tout acte sur le domaine public (cabane ou immeuble) soit obligatoirement géré par un architecte (huit ans d’études !) et, par conséquent, puisque nous sommes compétents, retiré du flicage de fonctionnaires qui, sans doute habitués à donner des avis sur les propositions de pétitionnaires non professionnels (en dessous de 150 m² pas besoin d’architecte), de fait, commettent des abus de pouvoirs sur les sachants, jusqu’à interdire la créativité, figer l’architecture domestique dans un état de banalisation affligeante.
Là aussi, on peut toujours rêver d’un monde post Covid…
François Scali
Retrouvez toutes les Chroniques de François Scali