Le 18 décembre 2020, la cour administrative d’appel de Versailles a rétabli le PLU de Gonesse (Val-d’Oise) qui prévoit l’urbanisation de son fameux Triangle. Si EuropaCity n’est plus à l’ordre du jour, c’est désormais l’étalement de la permaculture qui a les faveurs des écolos quand, à Gonnesse, les élus veulent urbaniser. Pour quelle utilité publique ?
Tout le monde connaît la phrase légendaire qu’aurait prononcée le général De Gaulle au début des années 60, lors d’un survol de la région parisienne en hélicoptère : « Delouvrier mettez-moi de l’ordre dans ce bordel ». Cette phrase résume à elle seule l’idée admise que, avant le Schéma directeur de la région Ile-de-France de 1965, la région parisienne était apparentée à un chaos urbain et qu’il était devenu nécessaire de changer le désordre séculaire des choses.
Paul Delouvrier a raconté que l’idée de ville nouvelle lui serait venue à la suite du coup de gueule de De Gaulle, exaspéré par le développement anarchique de la région parisienne. « On est en train de bâtir le Grand Paris de demain pour que l’accroissement ne devienne pas une tumeur maligne », confiait-il en… 1966. Quarante ans plus tard, le président Sarkozy ne faisait que marcher sur les traces de son mentor- oui mon général !
Visionnaire ou vaniteux, ou par ambition électoraliste, Nicolas Sarkozy a en tout cas perçu que l’heure était au retour d’un grand investissement de l’Etat – nous étions au cœur de la crise économique débutée en 2008 – pour l’aménagement de l’agglomération parisienne : « le Grand Paris » au temps des Métropoles, des Mégalopoles et des Quadralopoles… quoi de plus novateur ! Surtout que les villes nouvelles n’étaient déjà plus si nouvelles que cela, certaines ayant fait chou blanc, d’autres désormais bien ancrées dans leur territoire.
De fait, il est possible d’évoquer la ville nouvelle sans prononcer le mot de Cambronne puisque certaines d’entre-elles ont montré qu’il n’y avait pas besoin d’épaisseur historique pour que la ville génère des narrations sur la forme de son urbanisation et sur son histoire comme marque singulière d’une localité. Caractériser la ville, c’est lui prêter des attributs qui la distinguent d’une autre et ouvrent les champs des possibles en termes d’expériences. Ou « l’esprit des lieux » de Christian Norberg-Schulz dans Genius loci.
S’en souvenir sans doute avant de crier au scandale dès qu’il est question d’urbanisation ! De fait, Saclay,* « la ville qui n’existe pas », n’a guère mobilisé ! Alors pourquoi autant de détracteurs à Gonesse quand son PLU, adopté en conseil municipal en 2017 après enquête publique et tout ce qui va légalement avec, est rétabli le 18 décembre 2020 ?
Certes le programme d’EuropaCity n’était pas des plus pertinents mais la société des loisirs était alors l’alpha et l’oméga des politiques de développement de nos femmes et hommes politiques, « la société du spectacle », avatar sexy du capitalisme, décrite par Guy Debord.
Certes, le Triangle de Gonesse apparaît aujourd’hui comme le seul terrain agricole en Ile-de-France compatible avec les enjeux écologiques actuels, c’est-à-dire en l’occurrence alimenter en circuit court les gentries de la capitale.
Mais cette vision doit-elle s’imposer au mépris d’une population locale qui a pourtant le droit d’envisager le futur au travers d’un développement urbain qui peut être cohérent à l’échelle du territoire et, pourquoi pas, durable ?
Quand, à Paris, Mme Hidalgo et sa bande d’écolos communiquent avec zèle sur de pseudo écoquartiers bienveillants, tout le monde applaudit ! Tous les concours Réinventer Paris 1 puis 2 puis 3, auraient pu s’appeler « Jardi-land » ; les choux, les betteraves et les aubergines ayant gagné en verticalité, il est alors question « d’innovation » !
Mais quand, à Gonesse, il est envisagé un projet respectueux de son environnement, écologique et avec tous les « écos… » de saison, voilà soudain bien du monde à crier au complot !
Pourtant, A l’est de Paris, en Seine-et-Marne au pays de Mickey, dès 2003 a été évoqué le projet Village Nature Paris qui se voulait inédit dans sa démarche globale de tourisme durable. Sa mise en étude a été effective en février 2007 et a permis, entre Pierres et Vacances, Euro Disney et les partenaires publics, la définition des conditions du projet.
Pour rendre possible la création du Village Nature, l’Etat et les collectivités territoriales ont signé un avenant à la convention de 1987 de EuroDisney, la prolongeant jusqu‘en 2030. Le périmètre de développement accordé à Euro Disney est ainsi passé de 1 943 ha à 2 230 ha. En juillet 2012 sont signés plusieurs arrêtés préfectoraux, dont la déclaration d’utilité publique « DUP ». Le 11 décembre 2014, le Premier ministre Manuel Valls pose la première pierre du « Parc Aquatique », car c’est de cela dont il s’agit.
En quoi un parc aquatique de 9000 m² avec un lagon extérieur de 2 500 m², 1 730 hébergements dont 1 210 cottages et 520 appartements avec commerces, boutiques, parkings, etc. sur une surface de 180 ha dont seulement 10% ont été artificialisés (soit 18 ha de type Center Parc – c’est le nom moins pompeux de Village Nature Paris) seraient d’utilité publique ?
La question est légitime puisque qu’une déclaration d’utilité publique « DUP » est une procédure administrative qui permet de réaliser une opération d’aménagement, telle que la création d’une infrastructure de communication ou d’une école par exemple, sur des terrains privés en expropriant les propriétaires précisément pour cause d’utilité publique.
Alors de quoi cette utilité publique est-elle le nom ? Sans doute de ce projet qui, en 2013, a été retenu par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) pour intégrer le « Partenariat mondial pour le Tourisme durable » et s’est vu décerner en 2017 le trophée de « La Meilleure Initiative en Développement Durable et Responsabilité Sociale » des Worldwide Hospitality Awards pour son innovation et son exemplarité en faveur du développement durable !
Pourquoi le triangle de Gonesse n’a pas connu et ne connaîtra peut-être pas le même essor ? Le projet passé et actuel des élus – commerces et zones d’activités (il ne peut pas y avoir de logement à cause des deux aéroports) – aurait-il le mauvais goût d’être au mauvais endroit au mauvais moment, considérant la proche présence du centre commercial Aéroville, propriété d’Unibail, qui déjà ne va pas très fort ?
A quoi tient l’enracinement de l’urbain ?
Slim
*Voir l’article Saclay : la ville qui n’existe pas