A moins de huit mois du début de la coupe du monde de football en Russie, le pays est en ébullition. Tout doit être prêt pour le grand (et coûteux !) événement. A tel point que l’agence russe ABD Architects a fait preuve d’une imagination délirante pour agrandir le stade d’ Ekaterinbourg. Découverte de la tribune sportive la plus improbable.
Au niveau des infrastructures, les villes de Moscou et Saint-Pétersbourg sont évidemment déjà bien rodées. Leurs stades sont aux normes de la FIFA et accueillent déjà depuis plusieurs années des rencontres de notoriété européenne et mondiale.
Mais qu’en est-il des autres villes, Sotchi, Nizhni Novgorod, Samara, Volgograd, Rostov, Kaliningrad, Saransk et Ekaterinbourg ? Cette dernière justement, qui accueillera quatre matchs de poule en juin 2018, défraie la chronique depuis quelques semaines à cause d’un petit «subterfuge à la russe».
Je m’explique : les règles de la FIFA exigent qu’un stade accueillant des matchs de coupe du monde ait une capacité minimale de places. Vous avez beau construire un stade magnifique et moderne, s’il est trop petit, ça ne va pas. Un match du mondial dans un stade de 10 000 places devant 7 000 spectateurs ? Cela paraît en effet un brin ridicule.
Ekaterinbourg, quatrième ville de Russie, a bien son «stade central» où évolue le médiocre club de football «Oural». En 2014, les autorités ont lancé sa rénovation pour l’agrandir et le mettre aux standards de la FIFA. La capacité du stade est ainsi passée de 10 000 à 25 000 places. Mais, pour une coupe du monde, ce n’était pas assez. C’est là que les Russes ont prouvé une nouvelle fois leur incroyable capacité à régler les problèmes rapidement et «à l’arrache».
En quelques semaines, deux nouvelles tribunes «provisoires» démontables ont été érigées. Résultat : 10 000 places supplémentaires. 35 000 places pour un stade où se joueront des matchs de coupe du monde, ok, ça passe. On est loin des 80 000 du Stade de France où des 100 000 de Moscou, mais mieux vaut, j’imagine, assister à un match du mondial dans un stade un peu moins gigantesque, mais bondé de fervents supporters que dans une immense arène à moitié vide.
Encore faut-il voir à quoi ressemblent ces «tribunes». On dirait un échafaudage géant. Pas de toit, pas de protection contre les intempéries. Et mieux vaut ne pas avoir le vertige ! Le stade, construit par le bureau russe ABD Architects entre 2015 et 2017, fait 45,5 mètres de haut. La tribune provisoire principale s’élève plus haut que le toit du stade, soit à plus de 60 mètres au-dessus du sol. Imaginez maintenant les supporters qui regardent un match à 60 mètres du sol sous la pluie, en sentant bouger sous leurs pieds cet énorme machin «provisoire».
Personnellement, non seulement cela me ferait carrément flipper, mais je serais à la place de ces supporters extrêmement déçu. Sans blagues ! C’est la coupe du monde de football, la plus prestigieuse des compétitions sportives, c’est la première fois que cela arrive en Russie et on se retrouve parqués sur un échafaudage façon «spectacle aquatique d’orques au parc Astérix» ? Déception, déception.
Autre chose : ces tribunes ont été réservées uniquement pour les supporters russes. Les touristes étrangers pourront donc profiter de la rencontre à l’abri dans le beau stade tout neuf – on ne va pas mettre des Allemands ou des Français sous la pluie hein … – tandis que Vassili, Artiom, Léonid et Svetlana devront se contenter de ce qui reste : une tribune douteuse, avec une vue approximative sur le terrain et sans aucune protection. Déception une nouvelle fois.
En Russie, nombreux sont ceux qui, malgré l’enthousiasme général que génère le Mondial, sont dubitatifs vis-à-vis de cette construction foireuse. En parcourant la presse spécialisée russe, je suis tombé sur un article non signé du site Rosbalt. Revenant sur ce nouveau stade d’Ekaterinbourg, l’auteur y collecte les réactions d’Internautes qui ont commenté le projet sur les réseaux sociaux, comme c’est devenu la coutume.
Florilège :
Dans un post Facebook, le journaliste Boris Yousefpolski parle de «manque de bon sens» et dénonce «la bêtise des bureaucrates qui ont un cul à la place du cerveau». Selon lui, cette «gigantesque horreur» tue tout le charme qui restait à la ville.
«Pour les étrangers le beau stade neuf, pour les Russes la tribune ghetto». Ce que déplorent le plus les habitants d’Ekaterinbourg et de ses environs est que ces tribunes de ‘catégorie D’, la plus basse et la moins chère, soient réservées … uniquement pour les Russes. De quoi faire rager ces derniers qui y voient ni plus ni moins une véritable insulte. Non seulement, les billets sont hors de prix, mais en plus, les supporters russes sont écartés du stade, placés dans des tribunes sans aucune protection contre le vent et la pluie.
«Si tu te sens seul, pense à la tribune du stade d’Ekaterinbourg qui est à l’écart du reste de l’arène», écrit un utilisateur du réseau social russe équivalent de Facebook, Vkontakte.
«Ce n’est pas possible, dites-moi que c’est Photoshop», s’insurge un autre internaute, Valeri Nutovtsev.
«J’imagine que les vestiaires doivent être de l’autre côté de la rue et les douches, sur le boulevard d’en face», ironise l’internaute Guivi Cherozia.
«Celui qui vit en Russie ne rit pas au cirque», plaisante Eugene Dobshinskiy en évoquant l’aspect triste de la construction. Une tristesse qui serait propre à la Russie ?
«C’est comme regarder un match de foot à la télé dans la pièce d’à côté à travers une porte entrouverte. Sauf que là, vous êtes au stade», constate Fedor Troukhine.
«Où est la logique ? Pourquoi ne pas construire une tribune dans la ville voisine ?», tempête Vladislav Ivanov.
«Même la tribune a envie de mettre les voiles on dirait», plaisante David Mashkevitch.
La 21ème coupe du monde de football se déroulera en Russie du 14 juin au 15 juillet 2018. Le match d’ouverture, une demi-finale et la finale se joueront au Stade Loujniki de Moscou, tandis que l’autre demi-finale se tiendra au Stade du Zenit à Saint-Pétersbourg. Le tirage au sort du tournoi aura lieu le 1er décembre 2017 au Kremlin à Moscou.
Kyrill Kotikov