L’expérience d’Auteuil est remarquable par son équilibre 50/50, entre logements destinés à l’accession à la propriété et logements destinés à la location sociale. Mais, à la différence d’autres opérations composites, où chacune cherche à forcer sa différence, celles-là sont liées par un sort commun (même terrain, mêmes missions d’architectes, même plan, mêmes composants, mêmes tonalités, mêmes sonorités). Tribune.
On vous aura déjà expliqué que la masse des 400 logements (2 fois 200) aura permis de meilleurs prix que ceux que nous aurions pu obtenir pour des opérations plus petites et plus éparpillées, des opérations calibrées autour de 50 unités, comme on les aime bien à Paris pour illustrer ce qu’il y aurait de nouveau dans la diversités urbaine.
Vous auriez eu raison d’y croire.
Mais, construire en masse (donc moins cher), entraine-t-il, de facto, comme ce fut dit, un déficit des modes d’habiter ou un recul de la qualité immobilière des logements ? Bien au contraire, AUTEUIL est une démonstration de planification dans laquelle chaque opération est à considérer comme une pièce inédite qui s’inscrit dans une configuration économique globale et interférente qui permet d’améliorer l’architecture, sur tous les aspects.
Car, ce qui s’améliore le plus, dans ce type d’opération, c’est la progression des règles de confort, de ses développements techniques, de la technicité de ses façades, de la réversibilité de ses supports. L’ensemble de ces points apportant de la mobilité dans tous les espaces et de la vibration sur toutes les façades, contrairement à cette autre façon plus ordinaire de ne régler des appartements qu’à partir de critères de vente et de location aussi incorrects qu’approximatifs.
Ainsi, de DURKHEIM (1994/1997) à SARCELLES (2016/2019) en passant par AUTEUIL (2008/2016), il m’est arrivé, à chaque fois, de considérer des sujets encourageant le logement à évoluer dans la bonne direction : flexibilité des espaces habitables, libéralisation des supports de plans, allègement du poids des matières mises en œuvre, répétitivité des composants, performance économique, systématisation des balcons filants, terrasses protégées, châssis repliables sur chaque baie, lumière maximum, vues panoramiques, perfectionnement de l’acoustique, augmentation de l’épaisseur des ouvrages et performance de l’inertie.
Autant de points de vue que je me fixais comme objectifs, quel que soit le contexte. L’urgence étant d’en finir, le plus vite possible, avec cette fatalité qui veut que «le logement social, ce soit désespérément moche».
En 1997, j’inaugurais la Rue DURKHEIM, à PARIS. On pouvait voir pour la première fois en Europe, un immeuble de logements de 14 m d’épaisseur, construit sur «un mode parking», sans aucun mur transversal pour contraindre ses évolutions, un bâtiment construit avec un seul modèle de baie vitrée sur balcon filant.
En 2016, je livrerai, boulevard MONTMORENCY, Porte d’AUTEUIL, à PARIS des logements construits sur le même principe constructif qui permet, à n’importe quel maitre d’ouvrage, de disposer d’un outil de réglage de ses appartements, donc de ses loyers. Une double peau (faite autrement qu’à DURKHEIM) ferme des façades qui s’ouvrent toujours plus à la lumière, puisqu’ici, j’aurai réussi le pari d’ouvrir la totalité (100%) des baies. A 80 cm en avant, on trouvera une paroi coulissante en verre qui fermera l’espace intermédiaire entre l’intérieur et l’extérieur de l’appartement. Cette surface en plus qui est donnée à l’appartement reste sans effet sur le loyer. Et c’est là qu’on retrouve l’intérêt d’une économie d’un projet particulier qui s’installe dans des montants de marchés de travaux plus larges et qui permettent d’augmenter un niveau de prestations que les règles de location sociale ou les habitudes de vente n’arrivent pas à produire, par elles-mêmes.
En 2019, nous aurons certainement produit le MODELE social SAR16, à SARCELLES-LOCHERES, près de la Gare (avec, cette fois-ci, Marc BARANI, Myrto VITART, Anne DEMIANS et Sébastien VAN CAPPEL, à l’occasion du LAB/CDC). Les superpositions complexes seront d’un genre nouveau. La mixité des populations tiendra d’un autre registre que celui de la seule souplesse des surfaces. Elle devrait conduire à la mixité des programmes, avec effet collaborant des fonctions urbaines.
Ensemble, nous cherchons du côté des empilements complexes de programmes fonctionnels différents pour rendre constructible la densité. Nous superposons, sur les terrains Pablo NERUDA, avec la complicité du maire de SARCELLES et de la Caisse des Dépôts, un théâtre, une médiathèque, des espaces de travail alternés, des lieux de culte de proximité et des logements performants, extraits encourageants d’expériences immobilières réussies.
C’est une démarche en lutte contre un principe de précaution instauré par le législateur pour protéger l’élu et qui se généralise, de sinistre en sinistre, jusqu’à saboter la règlementation du logement.
Il nous faudra donc inventer, dénouer, réassembler, convaincre et construire juste. Mais attention, la prospective n’est pas affaire de tous. L’anticipation est une disposition trop périlleuse pour la mettre entre les mains de ceux qui poursuivent sur la nostalgie de la complexité (retraits, avancées et déhanchements des aplombs naturels), sur les effets de mode (façades couvertes de menthe et de plantes vivaces), sur la course aveugle aux labels (certifications HQE bilan carbone, bâtiments positifs).
Il suffira donc de poser la question du logement plus simplement, mais autrement que comme une question courante.
Francis SOLER/ mai 2016
Lire également, à propos d’Auteuil, l’interview d’Anne Demians : Tisser le lien entre privé et public