Les villes plantent de plus en plus d’arbres, notamment pour lutter contre l’îlot de chaleur urbain. Comment faire, pour assurer une bonne cohabitation végétal/béton/goudron ? Chronique de l’intensité.
L’adaptation est devenue un mot clé du développement durable. Hier il s’agissait, par exemple, de construire des bâtiments susceptibles de profondes transformations, pour répondre aux besoins de demain. Exigence qui se renforce aujourd’hui et qui s’applique à de nombreux domaines, notamment le réchauffement climatique. Les villes doivent faire face à ce défi, et le végétal sera mis à contribution pour y parvenir. Planter des arbres, oui, mais pas n’importe comment.
Les arbres que l’on appelle au secours pour nous rafraîchir sont aussi victimes du réchauffement climatique. Les forestiers le savent bien, qui tentent d’accompagner une migration des espèces, lesquelles remontent vers le Nord et vers les montagnes pour trouver un air plus frais. Dans les villes, les migrations sont plus faciles à contrôler, encore faut-il trouver à chaque fois la bonne solution au bon endroit. Chaque cas est un cas d’espèce mais il y a des principes à respecter, et des données à intégrer aux projets.
C’est que la contrainte est double. Il faut à la fois satisfaire aux besoins des arbres, sous-sol pour le développement des racines, sol perméable, volume nécessaire au développement du houpier, accès à l’eau, pollution, climat, et en même temps apporter le confort, l’agrément, le paysage, la sérénité que les humains attendent. Ajoutez à ces conditions l’absence de pollen ou d’émanations allergisantes, et vous aurez le cahier des charges pour la recherche des végétaux qui réenchanteront la ville.
Des guides ont été constitués pour aider les décideurs et les professionnels dans cette recherche. Plantes et Cités, l’ADEME et le CEREMA proposent chacun des bases de données sur les végétaux disponibles, respectivement Floriscope*, Arboclimat** et SESAME***, et ont lancé ensemble un projet intitulé AVEC, Adaptation du végétal au changement climatique. Ils se donnent moins de deux ans pour analyser 2 000 essences pour les caractériser quant à leur capacité de résistance au changement climatique et à leur pouvoir rafraîchissant. Leurs bases de données seront ainsi complétées de ces éléments cruciaux.
Ces informations seront bien utiles mais elles n’exonéreront nullement les responsables des aménagements de toutes les études préalables. Pas de projet sans une bonne analyse de la situation, tant au plan physique, profondeur et encombrement éventuel des sols, éloignement par rapport au bâti, etc. qu’à celui de la demande des habitants, et des moyens humains et financiers envisagés pour assurer la maintenance des lieux ainsi aménagés.
Les projets d’implantation de « forêts » ou de parcs au cœur des villes se multiplient. Abandonnons tout de suite l’ambition de « forêts », incompatibles avec la densité urbaine, au profit d’illusion de forêt, d’illusion du sauvage, déjà perceptible « dans la composition des jardins du XIXe siècle », comme le signale Caroline Mollie dans son libre « A l’ombre des arbres ».**** Répondre au « rêve de forêt » sans chercher à imiter la forêt.
La plantation d’arbres, des milliers sont annoncés ici et là – qui dit mieux ? – est un élément majeur de lutte et d’adaptation face au réchauffement climatique. Un élément à insérer dans une panoplie bien plus large, où les synergies sont à rechercher. Les plantations rendront les rues plus attractives aux marcheurs et aux cyclistes, elles contribueront à rafraîchir l’air des bienheureux courants d’air qui traverseront les logements. Les plantes grimpantes, spécialement sur les murs exposés à l’ouest, empêcheront lesdits murs d’emmagasiner la chaleur du soir et de réchauffer les nuits. L’association eau-végétation est pleine de ressources pour le rafraîchissement de l’air.
D’une manière générale, les plantations n’ont de sens qu’intégrée à une politique générale de lutte contre le réchauffement climatique. Elles y constituent une pièce importante, mais elles ont leurs exigences. Pour planter sans se planter ! *****
Le réchauffement climatique est un défi pour les végétaux et tout le vivant attaché à un territoire. Sa rapidité rend très difficile l’adaptation sur place, par sélection des sujets, et leur mobilité par extension de leur aire d’implantation est bien trop lente. Les enjeux diffèrent bien sûr en fonction des territoires, des espèces et de leurs usages mais un accompagnement éclairé s’impose si la lutte contre les « îlots de chaleur urbains » doit s’appuyer, notamment, sur la capacité des végétaux à capter de la chaleur ambiante.
Dominique Bidou
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*https://www.floriscope.io/
** https://sesame.cerema.fr/
*** https://data.ademe.fr/datasets/arboclimat-choix-des-essences
**** Editions Delachaux et Niestlé, 2023
***** Selon une expression d’un responsable du CEREMA