Saint-Sébastien, ou San Sebastián, est une ville de congrès, de villégiature, ville de fêtes et de plaisir. Pour les suiveurs du Tour de France de Chroniques, de l’architecture contemporaine, lettre (basque) de noblesse.
Le nouveau maillot jaune de la veille, s’il veut garder sa tunique, va devoir regarder au-dessus de son épaule gauche et de son épaule droite et se faire mal aux jambes. En effet, pour cette seconde étape, il va se retrouver face à la meute des habitués de la Clasica San Sebastián, une classique bien accidentée dans les vallées encaissées du Pays basque. Ne JAMAIS sous-estimer la ferveur basque. Sur 209 km, les héros du cru seront portés par une foule immense parlant l’une des plus vieilles langues du monde. Si l’on en croit ses classiques, la sélection devrait se faire dans les huit kilomètres de montée du Jaizkibel. Mais c’est le Tour de France et c’est un costaud qui passera en tête au sommet. À qui il faudra ensuite plonger sur Saint-Sébastien pendant 20 km. Bref, une étape enlevée.
Le Pays basque n’est pas si grand, comparé à la Russie ou le Canada par exemple, mais les Basques ont conquis le monde, ce qui explique pourquoi Miami joue à la pelote. Du coup les suiveurs du Tour de France contemporain de Chroniques auront le temps de faire le tour de l’architecture contemporaine de Saint-Sébastien sans rien manquer de la course.
Comme évoqué lors de l’étape précédente à Bilbao, au moment où l’Espagne sortait de la crise, est arrivé un flot d’argent européen et les villes basques sont passées du statut de villes poussiéreuses à celui de villes attractives. Cela passe par l’architecture, si possible spectaculaire, avec des architectes de renom. En témoigne encore que c’est le Danois BIG qui a été choisi en juin 2022 pour réaliser le futur centre d’innovation gastronomique (GOe) ou Basque Culinary Center.
Voisin de la belle Concha de Saint-Sébastien, « Olatuen Bidea-Camino de las olas », ou Chemin des vagues, en français, réunira en 2024 sous un même toit la gastronomie et la science ! A Saint-Sébastien, la gastronomie est une affaire sérieuse comme le découvriront les suiveurs le soir même au moment de se sustenter. Ce futur bâtiment de près de 9 000 m² – un projet à 26 M€ – sera situé dans le quartier de Gros, près de la plage de Zurriola. Pour les suiveurs de passage, vérifier si le chantier est en cours ou s’il a rejoint EuropaCity dans les cartons.
Plus intéressant, au-delà de ces têtes de gondoles architecturales – BIG le Coca-Cola de l’architecture ? Snøhetta le Pepsi ? – le processus de transformation de la cité a permis tout un tas d’interventions contemporaines.
Pour s’en convaincre, de la vieille ville, prendre l’escalier escarpé usé par le passage des siècles qui conduit au Paseo de Los Curas, un belvédère privilégié où passaient jadis les prêtres, à l’ombre des arbres. Après avoir admiré la vue, redescendre par un autre escalier pour rejoindre, posé au pied de la montagne abrupte, le musée San Telmo, construit en 1930 par l’architecte Francisco Urcola Lazcanotegui dans un ancien couvent dominicain du XVIe siècle.
Situé dans la vieille ville, il est l’un des rares bâtiments ayant survécu à l’incendie de 1813. Plus ancien musée du Pays basque et le plus grand centre dédié à l’interprétation de la société basque, le bâtiment a été restauré et agrandi avec une proposition avant-gardiste qui combine magistralement la partie ancienne – dans laquelle se détachent l’église et ses impressionnantes toiles de Sert et le cloître – avec la construction nouvelle, livrée en 2011.
Le parti pris de l’architecte Nieto Sobejano consistait à connecter le nouvel édifice sans altération des volumes primitifs du couvent. La façade en aluminium est le fruit de la collaboration entre l’agence d’architecture et les artistes Leopoldo Ferrán et Agustina Otero. Etonnamment, c’est là tout son mystère, elle permet au bâtiment neuf de prendre place naturellement au pied du mont Urgull, les plaques perforées laissant pousser la végétation comme sur les pierres érodées du mont.
Pour les curieux de l’Euskadi, l’exposition permanente du musée présente « les événements, les comportements et les modes de pensée et de vie ayant façonné la société basque depuis ses origines jusqu’au présent ». Pour les suiveurs, puisqu’on peut aimer l’architecture contemporaine sans mépriser l’histoire, le musée possède également une collection avec des œuvres de Tintoretto, Ribera, Rubens, Beruete, Fortuny, Madrazo ou Miró, et, plus récentes, des œuvres de Zamacois, Lecuona, Oteiza, Chillida, Nagel et Ameztoy, entre autres.
Il est temps pour les suiveurs de retrouver une autre interprétation contemporaine de l’histoire de Saint-Sébastien avec Gran Kursaal, de l’architecte Rafael Moneo.
Le Gran Kursaal, inauguré en 1921, est emblématique de cette ville de loisirs, cosmopolite et, à l’image de Saint-Sébastien de la Belle Epoque, quelque peu arrogante dit-on. Trois ans plus tard, le 31 octobre 1924 à minuit, en pleine dictature de Primo de Rivera, est publié le décret de l’interdiction des Jeux. Le Casino doit fermer et le Grand Kursaal deviendra le siège d’activités diverses jusqu’en 1972 quand la société propriétaire décide sa démolition.
La ville, devenue propriétaire du terrain, y voit l’occasion de se doter d’un auditorium et d’un centre de Congrès. En 1989, six architectes de renom internationaux sont invités à déposer un projet : Mario Botta, Norman Foster, Arata Isozaki, Rafael Moneo, Juan Navarro Baldeweg et Luis Peña Ganchegui.
Finalement en 1990, la solution retenue est celle de Rafael Moneo pour sa « prise en considération du terrain comme accident géographique dans l’embouchure de l’Urumea, pour la libération des espaces publics comme plateformes ouvertes sur la mer et en particulier pour l’élan, le courage et l’originalité du projet », comme l’a évoqué le jury. L’auteur explique lui avoir conçu deux cubes translucides comme « deux roches ancrées », de façon à « reproduire l’accident géographique et, dans la mesure du possible, à souligner l’harmonie existante entre le naturel et l’artificiel ».
Le bâtiment est inauguré en août 1999 avec plusieurs concerts en simultané. Sur la scène du nouvel Auditorium, la soprano Ainhoa Arteta était accompagnée de l’Orchestre Symphonique d’Euskadi. Le Kursaal a reçu le Prix d’Architecture Contemporaine Mies van der Rohe, le plus important décerné en Europe, par « le caractère exceptionnel » du projet, et « sa recherche conceptuelle, esthétique, technique et constructive ».
Pour commencer ou pour finir, la promenade de la Concha
À Saint-Sébastien, tout commence et se termine sur la promenade le long de la Baie de la Concha et de la mer Cantabrique, une balade fabuleuse qui borde toute la montagne Urgull depuis l’Aquarium jusqu’à l’autre extrémité de la vieille ville, à côté du Kursaal.
À ne pas manquer, Peine del Viento (Peigne du Vent). Situé au bout de la plage d’Ondarreta, à l’extrême ouest de la ville et aux pieds du mont Igeldo, le Peine del Viento est l’une des œuvres les plus connues du grand sculpteur Eduardo Chillida. Elle a été installée en 1977, en collaboration avec l’architecte basque Luis Peña Ganchegui, qui fut chargé de concevoir le site. « Une pépite », selon tous ceux qui se sont déjà rendus sur place.
Il s’agit d’un ensemble de granit rose et de trois pièces d’acier accrochées aux rochers qui résistent aux charges continuelles de la mer. De plus, à travers un système de tubes, l’air propulsé par les vagues ressort à la surface des terrasses par des orifices creusés dans le granit en émettant un son très particulier. Les jours de grande houle, le spectacle est d’autant plus impressionnant que ce son est accompagné d’eau pulvérisée. Un espace magique, notamment les jours de tempête, quand les vagues martèlent avec toute leur furie les rochers de la falaise et que d’aucuns se souviennent que le Pays basque est un pays de vent et de tempêtes où la nature est aussi rude que splendide.
Pas loin de la Concha, pour boucler la journée, faire un tour de la Chambre de Commerce, d’Industrie et de Navigation de Gipuzkoa. L’ouvrage, tout en métal et en verre, livré au détour des années 2000, est signé de l’architecte Maite Apezteguía Elso et vient rappeler que la construction navale et l’industrie métallurgique font partie intégrante de l’histoire du Pays basque.
San Sebastian est la ville des chefs étoilés, au moins quatre avec 3* et pléthore de 1* et 2**. Ville de congrès, de villégiature, ville de fêtes et de plaisir, c’est la capitale de la gastronomie. Aussi le soir, pour dîner, quand la fraîcheur venue de l’océan rendra les terrasses irrésistibles, les suiveurs n’auront que l’embarras du choix.
Christophe Leray (dans la caravane)
Pour les suiveurs, retrouver :
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2023
– Toutes les Reconnaissances d’étape du Tour de France contemporain 2023
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2022
– Toutes les Reconnaissances d’étape du Tour de France contemporain 2022
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2021.
– Le Tour de France contemporain 2020 : Le départ ; La suite ; La suite de la suite ; L’arrivée.
– Le Tour de France contemporain 2019 : 1ère semaine ; 2ème semaine ; 3ème semaine.
– Le Tour de France contemporain 2018