Le Tour de France signifie que les télés nationales consacrent d’interminables vues d’hélicoptère sur les vieilles pierres, vieux châteaux et vieilles églises au travers de paysages bucoliques. Foin de nostalgie, le Tour de France 2020 de l’architecture contemporaine de Chroniques nous emmène cette semaine de Gap (Hautes-Alpes) à l’ile de Ré (Charentes-Maritimes). Allez un paquet de tourtons, la moitié aux légumes, les autres aux fruits, et c’est parti ! (Pour ceux qui ont raté le départ)
5ème étape (2 septembre) : Gap > Privas – 183 km
Les coureurs quittent les Hautes-Alpes pour retrouver les contreforts ardéchois après la traversée de la vallée du Rhône, où le vent peut se montrer facétieux pour le peloton, au risque pour ce dernier d’exploser en bordures. Une échappée, pourquoi pas ? Plus logiquement, les équipes de sprinteurs, qui auront à peine autant d’opportunités sur ce tour que de doigts de la main, risquent de verrouiller la course. Ce qui signifie que ces 183 km seront avalés à toute blinde.
Pour les suiveurs, il faudra donc partir tôt pour prendre un peu d’avance sur le peloton. Pas besoin de détour aujourd’hui puisque, ça tombe bien, au Km 144, la course traverse Montélimar (Drôme). Pour celles et ceux qui rêvent d’une maison contemporaine individuelle dans le budget d’un suiveur du Tour, à dix minutes du centre à vélo, celle construite par Gille Perraudin sur un terrain issu de la densification pavillonnaire d’un faubourg résidentiel est un ‘must see’.
« Une maison manifeste », explique l’architecte. La maison est en pierre massive et ne nécessite ni isolant, ni enduit, ni peinture, ni entretien. En zone inondable, bâtie sur pilotis selon un plan carré, la maison organise les espaces habitables à l’étage autour d’un escalier central d’accès venant du rez-de-chaussée. Il est étonnant d’arriver chez soi par le milieu mais les circulations dans la maison se révèlent parfaitement fluides pour une famille de quatre avec deux enfants.
Appropriable en saison sèche, le rez-de-chaussée double la surface de la maison, le maître d’ouvrage ayant prévu une chambre d’été – déjà testée – puis d’autres pièces éphémères encore. Une cuisine d’été, près du potager, une piscine et un espace rustique pour passer l’été au frais. Le tout pour moins cher qu’une maison de constructeur, lambda et mal construite.
Avec des rêves plein la tête d‘Home Sweet Home’ – surtout les Parisiens – les suiveurs, rêveurs, auront largement le temps de rejoindre l’arrivée à temps pour le sprint (ou l’échappée).
6ème étape (3 septembre) : Le Teil > Mont Aigoual – 191 km
Encore une étape de montagne, à travers le Massif central cette fois, avec une arrivée au mont Aigoual à 1 500m d’altitude. Bref entre plateaux et cols de 3ème et 1ère catégories – dont deux kilomètres à 11 % dans le col de la Lusette – une étape qui devrait affaiblir les organismes des coureurs, à moins que le peloton ne s’offre une journée tranquille, laissant des échappés inconnus faire le spectacle.
C’est aussi l’occasion pour les suiveurs de retrouver la civilisation. Puisque le Tour les emmène dans le Gard et passe par Alès, autant pousser jusqu’à Nîmes, à 40 km. Ils peuvent même le faire en vélo pour l’échauffement. A Nîmes, l’amateur d’architecture contemporaine à l’embarras du choix.
Une fois fait le tour des arènes, s’arrêter au Musée de la Romanité d’Elizabeth de Portzamparc. Ou comment instaurer un dialogue architectural entre deux bâtiments côte à côte mais séparés par 2500 ans d’histoire.
Ce n’est pas tant ce concept puisé dans la grande et petite histoire qui fait la contemporanéité de l’ouvrage mais les techniques et savoir-faire actuels qui sont mis en œuvre et qui permettent ces ondulations des façades en céramique stylisée et composées de petits carrés de verre sérigraphié. Contemporanéité renforcée justement du fait de la simplicité du matériau et de l’abstraction de la composition ; face à la masse des pierres, une architecture diaphane dont le dessin n’est dénaturé par aucun affichage tapageur.
S’il reste du temps aux suiveurs – qui auront la possibilité de se restaurer dans l’Ecusson s’ils traînent un peu – ils pourront jeter un œil sur le Carré d’Art Jean Bousquet conçu par Norman Foster, qualifié lui de « temple contemporain face au temple antique », sur Le Colisée des Japonais Kisho Kurokawa et Mieko Inoue, un ensemble de bureaux, commerces et logements construit en 1991, qui s’inspire également sans détour de l’amphithéâtre romain. Même Jean Nouvel, tentant en 1987 de redéfinir le logement social, intitulait son projet ‘Nemausus’, en latin. C’est dire le poids des ans dans cette ville…
Au moment de repartir pour rejoindre l’hôtel, faire un petit détour en ville pour découvrir le Collège Ada Lovelace livré par A+Architecture en 2019. Bâtiment pionnier, les pierres habillant la façade sont locales, l’isolation est en chanvre et en laine de bois, la technologie photovoltaïque en toiture s’imposant naturellement dans une région largement ensoleillée.
Enfin, en sortant de Nîmes, s’arrêter quelques minutes pour faire le tour du spectaculaire Pôle éducatif Jean d’Ormesson, signé MDR (Sancie Matte-Devaux, Frédéric Devaux et Arnaud Rousseau). Développé en restanque et en strates depuis un point dominant, l’ouvrage offre des vues extraordinaires sur toute la plaine sud de Nîmes.
« L’opportunité de construire un tel équipement sur un site de cette qualité mais dans un quartier sensible comme le Mas de Teste était un véritable défi. Au-delà d’une réponse fonctionnelle, technique et architecturale, ce projet constitue un espace dans lequel les enfants ont plaisir à aller à l’école et où les habitants du quartier aiment à se retrouver », explique MDR.
Bref découvrir l’école, le panorama, s’hydrater et c’est l’heure de rentrer.
7ème étape (4 septembre) : Millau > Lavaur – 168 km
Une étape vallonnée à travers l’Aveyron et le Tarn sans réelle grosse difficulté sinon peut-être des conditions climatiques imprévisibles.
Ce qui devrait laisser le temps aux suiveurs d’admirer la vue du haut du viaduc de Millau signé Foster mais bon, même les commentateurs habitués des vieilles pierres à bord de leurs hélicos ne peuvent pas le manquer. Passé le pont justement, l’architecture contemporaine se fait rare.
S’ils se lèvent tôt, les suiveurs peuvent faire un détour par la banlieue de Rodez et découvrir, à Olemps, une salle multigénérationnelle signée CoCo, une salle de spectacles ayant pour vocation la rencontre intergénérationnelle en accueillant aussi bien des spectacles que des repas dansants, des mariages… Une grande flexibilité programmatique qui a nécessité de penser des espaces aisément évolutifs, adaptables et faciles à s’approprier.
Le volume est percé sur ses quatre côtés pour bénéficier des vues et offrir des relations riches avec le jardin. Les auvents, tout en offrant une protection solaire, permettent de prolonger les usages vers l’extérieur : repas déhors ou marchés côté salle d’activités, prairie pour les concerts extérieurs côté scène, activités pour les jeunes et les aînés dans les salles en lien avec la bibliothèque. Bref, un ouvrage qui vaut le détour.
En revanche, exactement sur la route du tour, découvrir à Gaillac une crèche halte-garderie de 46 berceaux qui n’est rien moins que l’extension contemporaine et la rénovation d’un monument historique : l’ancienne orangerie du parc “De Foucault”.
Sur un site remarquable proche du magnifique cœur de ville de Gaillac en bordure du Tarn, en dialogue avec les ornements et modénatures des murs lourds de l’orangerie, l’extension propose un volume bas épuré où les parois légères offrent des façades de feuillard d’aluminium tissé. Deux terrasses couvertes prolongent l’espace de jeu intérieur et ouvrent des vues vers le parc du château et la rivière. Une réalisation signée If architecture (Jean-Marie Pettès), architecte à … Lavaur, ville d’arrivée des coureurs. De quoi tailler le bout de gras avec l’homme de l’art en les attendant.
8ème étape (5 septembre) : Cazères-sur-Garonne > Loudenvielle – 140 km
Un enchaînement de trois cols bien connus, et bienvenue au Tour dans les Hautes-Pyrénées. La problématique est la même que dans les Hautes-Alpes, le contexte est écrasant et ce n’est pas le lieu pour chercher de l’architecture contemporaine. Quoique…
Pour le coup, il faut pour les suiveurs qui en ont un peu marre du vélo se lever très tôt et prévoir depuis le lieu-dit Cabane de Caillou de Soques sur la route D934 du col du Pourtalet ou depuis le lac d’Artouste rejoindre en 1 h 30 de marche active le refuge d’Arrémoulit à plus de 1 400 m d’altitude, à un jet de pierre de la frontière espagnole.
Quel est le rapport ? les suiveurs du tour 2020 découvriront le refuge tel quel :
Leurs successeurs le découvriront (peut-être) autrement, l’agence Clara Croain Architecture ayant gagné (en association avec l’agence d’architecture Saint Laurent de Tarbes) le concours de la rénovation de l’ouvrage.
L’architecture contemporaine même là où on ne l’attend pas ? Surtout pas ?
Le temps de redescendre et le moment sera venu d’assister à la bagarre entre les meilleurs. Le Béarn vous salue bien.
9ème étape (6 septembre) : Pau > Laruns – 154 km
Cette seconde étape béarnaise sera périlleuse avec l’enchaînement brutal des cols de la Hourcère et de Soudet avant que le col de Marie Blanque et ses 7,7 km à 8,6 % ne vienne faire le ménage parmi les prétendants à la victoire. Pour ceux qui se sentent bien en jambes, c’est le moment d’impressionner ses rivaux. D’autres devront ravaler leur fierté.
Pour ce qui concerne l’architecture contemporaine, à Pau, comme les suiveurs, déjà arrivés la veille au soir et ayant déjà visité le château d’Henri IV l’an passé, ont un peu de temps, autant rester en ville le matin et faire le tour des extensions signées de l’architecte palois Pierre Marsan qui semble en être passé maître.
Ainsi en est-il de l’Extension des aires couvertes du Lycée Paul Rey (2018) ;
De l’extension d’une salle de sport (2017),
De l’extension et réhabilitation de l’école de Bosdarros (2016),
De l’extension d‘une maison (2013),
De la restructuration et extension du collège de Montfort-en-Chalosse.
Il restera juste le temps de s’acheter un kilo de coucougnettes – hommage gourmand et polisson au bon Roi Henri IV surnommé le « Vert Galant » – pour rapporter des gourmandises à la maison et se faire pardonner ces longues semaines d’absence sur le Tour.
10ème étape (8 septembre) : Île d’Oléron (Le Château d’Oléron) > Île de Ré (Saint-Martin-de-Ré) – 170 km.
Après la journée de repos des coureurs passée à traverser la moitié de la France, les voici en Charentes-Maritimes, de l’île d’Oléron à l’île de Ré, l’occasion pour les sprinteurs rescapés des Alpes et des Pyrénées de marcher sur l’eau.
Pour les suiveurs, un plat d’huîtres de Marennes dès potron-minet pour se donner du courage et c’est reparti. Certes ils pourraient faire un petit détour par Royan mais les villas balnéaires, le long de la côte, ce n’est pas ce qui manque. Sinon, en lieu d’architecture contemporaine, privilégier la baignade, c’est la dernière occasion avant l’automne.
Et puis le soir, avant de se projeter vers la suite de l’épreuve, un plat de fruits de mer accompagné d’un muscadet est exactement ce qu’a recommandé le docteur.
Christophe Leray (dans la caravane)
La suite du Tour dès la semaine prochaine.
Pour les suiveurs, retrouver :
– Le Tour de France contemporain 2020 : Le départ ; La suite ; La suite de la suite ; L’arrivée.
– Le Tour de France contemporain 2019 : 1ère semaine ; 2ème semaine ; 3ème semaine.
– Le Tour de France contemporain 2018