À Royan (Charente-Maritime), Atelier Ferret (mandataire) et Chatillon Architectes (associé) ont livré en 2023 pour la ville maître d’ouvrage la réhabilitation et modernisation du premier Palais des Congrès de France. Budget : 6.5 M€ HT. Communiqué.
Après quatre années de travaux de réhabilitation et de restitution, menés par l’Atelier Ferret Architectures et Chatillon Architectes, le Palais des Congrès de la ville de Royan a réouvert ses portes en été 2023.
Le projet devait concilier de multiples objectifs : restituer l’image et la richesse architecturale du bâtiment, altéré par de trop nombreuses interventions depuis sa construction, retrouver sa vocation programmatique et mettre aux normes de sécurité, d’accessibilité et de confort le lieu dont le fonctionnement n’était pas compatible avec les besoins d’un équipement évènementiel du XXIème siècle. L’opération aura également permis l’installation en rez-de-mer d’un Centre d’Interprétation de l’Architecture et du Patrimoine (CIAP) permettant à la ville de Royan de bénéficier dorénavant d’un espace dédié à la promotion de l’extraordinaire patrimoine architectural du territoire.
Royan, ville berceau de l’architecture moderne
La ville de Royan est une station balnéaire réputée qui connaît un formidable essor sous le Second Empire. Détruite par des bombardements alliés lors des combats de la Libération, les traces de la période de l’avant-guerre restent rares. Dès 1949, le gouvernement de l’époque la désigne pour faire l’objet d’une reconstruction prioritaire, il s’agit alors de repenser la ville.
Le projet est confié à l’architecte bordelais Claude Ferret, nommé urbaniste et architecte en chef de la Reconstruction de Royan et qui va faire de la ville un exemple de la culture architecturale et urbanistique des années 1950. Cette ville nouvelle est bâtie selon les principes du Mouvement moderne, qui prône une esthétique basée sur le fonctionnalisme et le rationalisme avec un rapport inédit selon lequel la forme des bâtiments doit être exclusivement l’expression de leur usage.
Le programme contient notamment la création du premier Palais des Congrès de France conçu par les architectes Claude Ferret, Adrien Courtois et Pierre Marmouget et c’est en 1957, après quatre années de construction, que le bâtiment est inauguré. Remarquable par son modernisme, il marque les esprits grâce à ses façades constituées de panneaux hublots issus des célèbres Ateliers de Maxéville fondés par Jean Prouvé.
Dans les années ‘70, commence une série de travaux dénaturant progressivement l’ensemble du projet originel : modification et fermeture du sous-sol historiquement sur pilotis, création d’une deuxième façade côté mer, construction d’une extension « cube » côté ville, création de nombreuses partitions verticales et horizontales à l’intérieur du bâtiment, perte de la colorimétrie choisie par les architectes concepteurs, mais aussi de la forme ovale de la salle de conférence ou encore démolition de l’escalier hélicoïdal si caractéristique du bâtiment…
Au début des années 2000, l’équipement vieillissant du Palais des Congrès de Royan est de plus en plus délaissé, sa forme nouvelle et sa technique ne répondant plus aux besoins contemporains. En 2004, le bâtiment obtient le label Patrimoine du XXe siècle puis il est inscrit au titre des Monuments Historiques en 2011. C’est dans ce contexte, qu’un concours d’architecture est lancé en 2017, pour la requalification du Palais des Congrès. Le groupement Atelier Ferret Architectures / Chatillon Architectes remporte la consultation avec un projet volontairement engagé proposant une véritable restitution de cet emblème de l’innovation architecturale et programmatique de l’époque de la Reconstruction.
« Il faut se promener dans le bâtiment quand le soleil décline sur la mer pour comprendre l’intensité poétique de lumière et de couleurs qui prolonge celle du paysage maritime. Les architectes ont su capter cette atmosphère. Le bâtiment est un tableau de maître », indique François Chatillon, associé fondateur de Chatillon Architectes.
Une renaissance du volume architectural des années ‘50
Le projet de restitution du Palais des Congrès a permis une renaissance du volume architectural dessiné par Claude Ferret dans les années 1950. La distribution initiale du bâtiment est retrouvée grâce à la dépose des adjonctions postérieures : une salle de conférence « la Salle Saintonge », deux bars situés au rez-de-chaussée et en lien avec la terrasse du 1er étage, des espaces d’exposition et de réception implantés dans la « Galerie Seudre » restituée, des bureaux et salles de réunions.
La démolition d’un certain nombre d’adjonctions postérieures à la conception, notamment de l’extension « Cube », qui datait des années ‘70, et des dalles côté nord, a permis la redécouverte des volumes originaux au fur et à mesure du chantier.
À l’extérieur, la dépose de la façade Sud des années 80 sur le front de mer et la restitution de l’accès nord ainsi que de sa marquise métallique, ont permis de retrouver l’ancien panorama et de reconnecter la Palais des Congrès avec son jardin, sa ville, ses habitants et visiteurs.
À l’intérieur, la libération des plans et des perspectives du hall, plus particulièrement des doubles et triples hauteurs, permet de renouer avec les effets de transparence souhaités par ses concepteurs. Grâce à sa double orientation retrouvée et à la transparence de ses deux façades principales, la vocation initiale du Palais des Congrès est réaffirmée pour servir de lieu de rencontres, de lieu de contemplation et d’interface entre mer et terre.
Si la déconstruction du « Cube » a entraîné la disparition physique de la fresque de Nadu Marsaudon commandée à l’époque, un nouvel espace de création lui a été réservé pour la réalisation d’une commande spécifique au sein du volume originel du Palais des Congrès. Cette nouvelle œuvre monumentale investit dorénavant un mur en triple hauteur au sein du Hall Cordouan avec pour thème l’histoire de Royan.
Une architecture pour donner à voir
La forme particulière du bâtiment résulte d’une recherche de plan libre et d’une idée de promenade architecturale entre intérieur et extérieur à travers des volumes simples. Les parvis et planchers, comme des plateaux, sont desservis par des escaliers disposés de manière à accompagner le visiteur étape par étape, et parfois par des détours volontaires dans une volonté de découverte de l’édifice et des points de vue cadrés qu’il offre sur son environnement. On retrouve notamment ici les cinq points de l’architecture de Le Corbusier.
L’implantation nord-sud du Palais des Congrès permet d’observer les effets de lumière sur le volume extérieur et intérieur aux différents moments de la journée. La redécouverte de la transparence des hublots sur les panneaux Prouvé de la Salle Saintonge s’accompagne d’ombres projetées venant tapisser la salle avec la lumière rasante de fin d’après-midi.
L’agence Chatillon Architectes et l’Atelier Ferret Architectures ont également œuvré à retrouver le dessin des éclairages artificiels disparus qui étaient autrefois marqués par des néons tubulaires fixés en sous-face des plafonds. Ces luminaires ont été remplacés par des bandes LED pour des raisons techniques et d’économie d’énergie mais l’implantation et le tracé est rigoureusement restitué pour venir enrichir les décors de nuit.
Une mise aux normes technique invisible pour un bâtiment plus performant
Un grand travail de collaboration et d’échange entre Chatillon Architectes et l’Atelier Ferret Architectures a été nécessaire pour permettre la mise aux normes intégrale de l’équipement, le tout sans le dénaturer.
La technique s’est logée dans les interstices pour permettre au Palais des Congrès de Royan de retrouver sa fonction initiale en redevenant un équipement événementiel innovant et de premier plan pour le territoire, à la hauteur des standards internationaux en matière d’accueil, de confort et de performance énergétique. Toutes les façades en verre ont été reprises en double-vitrage, l’isolant contenu à l’intérieur des panneaux Prouvé a été remplacé et les joints ont été repris avec un traitement anti-corrosion permettant une très grande amélioration de l’isolation thermique et acoustique du lieu.
Les panneaux acoustiques de la Salle Saintonge ont été remplacés par des équipements plus performants en bois microperforés mais sans jamais déroger au calepinage originel. Dans les halls, c’est un isolant mono-acoustique projeté qui a été utilisé, permettant de restituer visuellement l’uniformité des plafonds. L’abaissement discret de certains d’entre eux a permis l’intégration de tous les fluides de façon invisible et sans dénaturer l’esprit des lieux. Pour améliorer le confort thermique des usagers, le chauffage au sol déjà existant de la Salle Saintonge a été conservé et adapté ainsi qu’étendu aux halls adjacents.
La création d’un ascenseur, à l’arrière de la scène, desservant tous les étages (-1 au R+2) permet aux espaces publics du Palais des Congrès d’être accessibles en totalité, y compris la scène et les bureaux du personnel. L’accès des PMR se fait dorénavant en rez-de-mer, à travers à l’entrée individualisée et directe aux nouveaux espaces du CIAP.
Dans la salle Saintonge, afin d’améliorer sa fonctionnalité, la modularité de l’espace et le conforts des usagers, de nouveaux sièges entièrement escamotables sous la scène ont été installés.
Une colorimétrie retrouvée
La colorimétrie représente une donnée essentielle de l’architecture du bâtiment de Claude Ferret. Par son style épuré, sa fluidité architecturale et la couleur de son béton blanc, le Palais des Congrès ne cesse d’affirmer ses influences tirées de l’architecture moderne brésilienne.
L’utilisation du blanc, contrebalancé par le jeu de composition très coloré, permet une mise en valeur des éléments architecturaux et des espaces libres qui articulent le bâtiment. Les façades étant principalement composées par des panneaux Prouvé (issus des ateliers de Maxéville), les architectes Claude Ferret avec Pierre Marmouget et André Courtois ont également pris le parti de composer le dessin des façades et des ossatures métalliques avec le nuancier Prouvé.
Les deux couleurs principales, retrouvées par stratigraphie et restituées, sont le « Gris Vermeer » et le « Jaune citron », présents sur les façades côté jardin et côté mer. La particularité du dessin du Palais des Congrès réside dans l’ingéniosité des architectes à mettre en œuvre les panneaux Prouvé en superposition, de manière à créer une façade-rideau, composée de couleurs en alternance. Au revers de cette façade, l’ossature métallique participe au dessin de la composition intérieure, soulignée avec le « Bleu dynastie ».
Autres éléments fondamentaux dans la lecture des espaces : les sols et plafonds. Telle une toile de fond, ils participent à l’unité des volumes. La mosaïque représente, par son jeu de tapis et de bandes en alternance de noir et de bleu, un travail important dans l’expression des plateaux par niveau et la continuité des espaces, entre intérieur et extérieur. Les plafonds quant à eux, ont été repeints de l’orange soutenu, retrouvé lui aussi par stratigraphie ainsi que grâce à des archives photographiques. Il vient dès lors napper l’ensemble des volumes d’une lumière douce, chaude et uniforme.