
Après deux semaines de course, pendant que les cadors vont enfin s’expliquer sur les sommets des cols des Alpes, les suiveurs du Tour vont tenter de ne pas abandonner et de rejoindre la capitale avec la caravane. Etape par étape, De Val Thorens aux Champs-Elysées via le Pont du Gard, le terrain est accidenté et piégeux. En route pour les Champs-Elysées.
Rappel : Le Tour de France signifie que les télés nationales vont consacrer d’interminables vues d’hélicoptère sur les vieilles pierres, vieux châteaux et vieilles églises au travers de paysages bucoliques. Foin de nostalgie, voici le Tour de France contemporain 2019 de Chroniques. (Pour ceux qui ont raté la première et/ou la seconde semaines*)
Etape 16 – Mardi 23 juillet 2019 – Nîmes > Nîmes : 177 km
Une étape normalement destinée aux sprinteurs, la dernière avant les Champs-Elysées, en boucle autour de Nîmes avec un passage sur le pont du Gard qui mettra des trémolos dans la voix des commentateurs épris de patrimoine ancien. Sauf que c’est le pont qui cache l’architecture contemporaine.
Le Tour passe ainsi par Uzès, donc pas besoin de détour pour aller découvrir la Halle des Sports Jean-Louis Trintignant, ville où l’acteur cultive son jardin, ses vignes plus exactement. Livrée en 2017 par NBJ Architectes (Elodie Nourrigat-Jacques Brion) avec François Privat Architecture pour le Conseil Général du Gard, un des enjeux de l’opération réside dans sa capacité à générer de l’urbanité dans un quartier en devenir. Ainsi le parvis joue un rôle primordial.

D’ailleurs, dans la même ville, aller faire un tour au Collège, cette fois, Jean-Louis Trintignant. Mêmes architectes, même volonté de ne pas se perdre dans le néoprovençal qui fait florès dans la région.

Pour boucler le passage à Uzès, déjeuner avant de repartir au restaurant La Famille, créé par le petit-fils du pilote automobile dans une ancienne boulangerie sous les halles d’Uzès, et goûter le Domaine Rouge Garance développé par l’acteur et ses amis.
Etape 17 – Mercredi 24 juillet 2019 – Pont du Gard > Gap : 200 km
Comme la veille, trémolos au départ du pont du Gard pour une arrivée tranquille dans les Alpes. Une Etape pour baroudeurs au sang-froid car, lors de cette étape, nombreuses sont les équipes qui n’ont encore rien gagné et qui voudront sauver les meubles. Ca va donc rouler vite et il y aura de la bagarre. Pas beaucoup de temps pour les suiveurs donc.
En conséquence, tandis que le peloton passera par le théâtre d’Orange, histoire de rendre hommage à d’anciens envahisseurs, faire un détour dans le parc naturel régional du Lubéron. Les suiveurs peuvent y croiser des célébrités mais puisqu’il s’agit ici d’architecture et qu’après le bon déjeuner de la veille, il n’y a pas de raison qu’il n’en soit pas de même aujourd’hui, se rendre à Cucuron et visiter le dernier chai en date de Jean-Michel Wilmotte, un lieu nommé La Cavale qui siéra aux suiveurs faisant l’école buissonnière.

Jean-Michel Wilmotte aime les chais. Après le Château Cos d’Estournel à Saint-Estèphe (2008), Le Château Guiraud à Sauternes (2009), le Chai Viticole d’Eceabat en Turquie (2011), la Cuverie Laurent Perrier à Tours-sur-Marne (2012) et le Château Pédesclaux à Pauillac (2015), La Cavale a été livrée en 2017. Un connaisseur donc et les suiveurs trouveront sans doute là à bien se désaltérer. Il suffit ensuite de prendre un raccourci pour rejoindre Gap, et même arriver avant les coureurs.

Etape 18 – Jeudi 25 juillet 2019 – Embrun > Valloire – 208 km
Le col de Vars, l’Izoard et le Galibier au programme. Du lourd mais avec une arrivée en descente, selon la météo, cela peut tout changer. Il n’y aura pas de place pour tout le monde à Valloire, alors les suiveurs peuvent s’échapper et pousser jusqu’à Aix-les-Bains. Là, découvrir Les Cabanes du Lac, une opération de 58 logements entre lac et montagne, livrée par Jean-Baptiste Pietri en 2018.

«Parfaitement intégré dans son environnement et ouvert sur le lac et la montagne, l’édifice joue habilement les pleins et les vides afin de créer d’élégants jeux de lumière et de matière et se pare de matériaux parfaitement adaptés au site», explique l’architecte. En somme, une vision de la côte – Jean-Baptiste Pietri est Marseillais – à la montagne.

Le cas échéant, sur la route, faire une pause à Chambéry pour découvrir les bureaux de la Compagnie des Alpes conçus par Archigroup dans le nouvel écoquartier de la ville. Avec cette verticalité affirmée, l’immeuble livré en 2016 offre aux grands espaces de bureaux de bénéficier d’un maximum de lumière naturelle et de profiter de vues sur les sommets environnants. Il s’agit ici d’un «écoquartier d’affaires» développé sur d’anciennes friches industrielles. A chacun de se faire une opinion mais le bâtiment a le mérite d’exister.

Etape 19 – Vendredi 26 juillet 2019 – Saint-Jean-de-Maurienne > Tignes : 126.5 km
Seulement 125 km mais au milieu du chemin, le col de l’Iseran par son versant le plus dur avec une pente de 13 km à 7,5% de moyenne et ensuite une arrivée au sommet à Tignes. Beaucoup de favoris perdront leurs dernières illusions sur cette étape. Pas une raison pour les suiveurs de se laisser aller à la sinistrose.
Comme les chambres sont rares sur les pentes escarpées des Alpes, ils auront aussi vite fait de passer deux nuits à Grenoble, ville pavée de montagnes que les suiveurs connaissent bien, ce qui leur laisse largement le temps de se promener et découvrir la ville. Une façon de le faire est de suivre les premières réalisations d’Isabel Hérault et Yves Arnod qui, avant d’installer l’agence à Paris, ont pavé Grenoble de bonnes réalisations.
Commencer par l’Immeuble mixte, c’est son nom, livré en 2004 à l’angle des rues Jean Veyrat et Irvoy dans des conditions économiques très strictes. L’ouvrage réunit deux maîtres d’ouvrage et quatre entités fonctionnelles indépendantes : des locaux d’activité et commerces, un parking public en étage, des logements sociaux et une copropriété. Un parti pris politique qui exprimait la nécessaire mixité sociale et fonctionnelle de la ville «en fondant son identité sur l’assemblage des différences». Aujourd’hui, pas un projet ne peut se faire sans mixité. Vous avez dit pionniers ?

Poursuivre avec l’Immeuble à vélos (6 et 6bis Avenue Marie Reynoard). Tout est dit dans le nom car il est dimensionné pour que chacun puisse accéder chez lui en vélo, y compris via l’ascenseur, un parti pris qui ne sera pas sans étonner les suiveurs amoureux du Tour. L’occasion de se souvenir que Grenoble, depuis les mandats de Hubert Dubedout (1965-1983), de Michel Destot (1995 – 2014) et aujourd’hui d’Eric Piolle, seul maire écolo d’une grande ville, est un laboratoire de ce qui se fait de mieux, ou presque, en termes de politique de la ville. En 2004, date du concours, faire le pari d’un immeuble à vélos était gonflé. Vous avez dit pionniers ?

Le premier soir, toujours des mêmes architectes, assister à un concert à La Belle électrique (12 Espl. Andry Farcy), une salle de musiques amplifiées et électroniques de 950 places. Il y a une programmation qui court tout l’été et de toute façon de quoi désaltérer et rassasier les suiveurs épuisés.

Enfin, puisqu’il faudra bien repartir et que les suiveurs aiment le sport, ils pourront, juste après le péage en sortant de Grenoble, préparer leur saison d’hiver au ski en découvrant le siège mondial de Rossignol. En 2007, déjà, Hérault-Arnod imaginait un toit en bois comme un paysage de montagne. Vous avez dit pionniers ?

Etape 20 – Samedi 27 juillet 2019 – Albertville > Val Thorens : 130 km
Nouvelle arrivée haut perchée. Il y aura ce soir un vainqueur du Tour, sinon de l’étape. Quand les jeux sont faits, après les dernières cérémonies de podium avant le retour à Paris et les Champs-Elysées, dans le sens de la descente, faire un dernier tout petit détour pour une séquence nostalgie avec la visite à Albertville du stade municipal. Livré en 1991 par Ligne 7 (Bernard Ritaly et Dominique Lardeau), ce stade correspond à l’anneau de vitesse des jeux olympiques d’Alberville en 1992. C’est aujourd’hui un stade omnisports mais, pour les suiveurs du Tour, un petit parfum de J.O. (2024). Jeter un coup d’œil à l’ex village olympique avant de partir.

Pour les suiveurs qui souhaitent éviter le grand barnum du tour qui s’ébranle vers la capitale, pousser jusqu’à Annecy et faire le tour de la cuisine centrale municipale, livrée en 2017 par les mêmes architectes. L’un des enjeux de ce projet était de composer un environnement de lumière naturelle là où la lumière artificielle est la norme. Une cuisine centrale, un élément structurant ?

Etape 21 – Dimanche 28 juillet 2019 – Rambouillet > Paris Champs-Élysées : 128 km
Tous les suiveurs ont passé la nuit à rejoindre Paris dans la pagaille pour, après plus de 3 400 kilomètres de course, ne rien rater de l’arrivée. Pour cette dernière étape, ils n’auront le temps que de ne rien voir et, à peine les dernières cérémonies terminées, ils auront tous bien hâte de rentrer chez eux le plus vite possible sans se préoccuper plus du patrimoine du XXIe siècle.
En attendant la Vuelta, le tour d’Espagne, ce n’est que partie remise.
Christophe Leray (dans la caravane)
*Retrouver ici les étapes de la première et deuxième semaines.