Depuis sa nomination, Rachida Dati, nouvelle ministre de la Culture, martèle sa volonté de rendre la culture accessible à tous, « dans les quartiers populaires comme dans les zones rurales ». Le MuMo, camion-musée conçu par Hérault Arnod pour le centre Pompidou répond exactement à cet objectif. Les routiers sont sympas ?
Outil multifonctionnel, simple et adaptable à différents usages, le camion-musée imaginé par Hérault-Arnod parcourt les territoires, en France ou à l’étranger, afin de toucher une grande diversité de publics, en particulier ceux qui n’ont pas l’habitude de fréquenter les musées.
Le camion-musée, réalisé pour l’association MOMU et le Centre Pompidou, est né d’une collaboration entre les architectes Isabel Hérault et Yves Arnod (Hérault Arnod) et l’artiste Krijn de Koning. Le MuMo, camion-œuvre, laisse toute leur place aux œuvres exposées, accrochées dans les conditions d’un petit musée. S’il n’y avait que cela… Explications avec Isabel Hérault.
Chroniques – Nous savons que les musées réfléchissent à de nouveaux moyens d’améliorer l’expérience de l’usager et voilà qu’avec l’agence Hérault-Arnod, c’est le musée Pompidou qui va vers les usagers… en 35 tonnes ! Comment un tel projet arrive à l’agence ?
Isabel Hérault – Le projet est arrivé par l’intermédiaire d’un concours organisé par l’association MOMU et le Centre Pompidou. Une quinzaine de personnes – architectes, designers, artistes – a été consultée puis quatre projets ont été retenus pour une seconde phase de concours que nous avons gagnée. L’objet est d’amener des expositions de Beaubourg – enfin des toutes petites évidemment – et une partie de ses collections à la rencontre de publics qui n’ont pas l’habitude d’ouvrir la porte d’un musée, dans les villages et dans tous les territoires, éventuellement aussi à l’étranger.
D’où l’idée de s’y rendre avec un 35-tonnes…
…un 35-tonnes qui se replie et se déploie lorsqu’il arrive. L’idée était donc de faire de ce camion forain pas seulement un petit musée à l’intérieur mais un spectacle en soi au moment où il se déploie, c’est-à-dire que des tiroirs sont tirés de part et d’autre pour agrandir l’espace intérieur puis l’auvent se déplie et l’espace et de nouvelles couleurs apparaissent. II y a à l’avant une « boîte » ouverte qui sert de lieu d’accueil du public et à d’autres fonctions de type spectacle.
Pour le coup, les architectes ont mis les mains dans le cambouis, presque au sens propre
En fait, il a fallu travailler à partir de systèmes existants pour les camions, il n’était donc évidemment pas question d’inventer des nouveaux systèmes mécaniques complexes. En revanche, le système des tiroirs par exemple qui s’ouvrent de part et d’autre de la remorque est un système éprouvé. Pour la loggia, nous avons également travaillé avec des systèmes existants mais avec une autre manière de les utiliser pour faire en sorte qu’une scène extérieure soit aussi le lieu d’accueil et que cette scène se prête à des spectacles de type concert ou cinéma ou performance d’art vivant. Autre exemple, pour le mât de l’enseigne Centre Pompidou, nous avons utilisé un mât télescopique. En fait, nous avons détourné des choses vues sur des camions de l’armée ou de pompiers pour parvenir à réaliser cette mécanique.
L’idée était de transporter des œuvres et les montrer tout en permettant l’ouverture à des spectacles vivants. Enfin il y avait aussi l’idée de s’adresser aux enfants et de pouvoir faire des ateliers pédagogiques. Dans le petit espace restreint du camion, nous pensions qu’il serait intéressant de retrouver des fonctions au-delà de la fonction purement muséale, un peu comme le Centre Pompidou lui-même est un lieu qui accueille aussi des spectacles de danse, des concerts, des festivals de cinéma, des conférences, etc. Nous voulions malgré l’échelle micro retrouver cette polyvalence de fonction d’où ce dispositif de la loggia, lieu d’accueil et lieu de spectacle avec la possibilité de projeter des films sur une toile à l’avant ou bien installer des projecteurs et une sono et permettre à un groupe de musiciens de donner un concert. On peut également organiser des conférences car le dispositif est très ouvert.
Le fait que le musée s’ouvre directement sur l’extérieur crée un lieu de médiation entre l’espace de la ville et l’espace du musée et c’est ainsi que nous sommes au-delà du simple camion musée. J’en profite pour citer Krijn de Koning, artiste néerlandais qui a joué un rôle important dans le projet. Il a travaillé principalement sur la couleur et sur le mobilier lequel, sous forme de cubes et de parallélépipèdes colorés permet de déployer et réagencer l’espace et de former des tableaux aléatoires selon l’usage.
L’agence travaille peu ou prou pro domo sur ce type de projet ?
C’est sûr que ce n’est pas ce genre de projet qui fait tourner l’agence (rires), c’est juste de la passion. Certes cela représente beaucoup de travail mais c’est le genre de projet pour moi indispensable. Nous aimons bien avoir des petits projets de recherche en parallèle, c’est une échelle qui permet d’expérimenter.
Propos recueillis par Christophe Leray
Écouter le podcast Le musée mobile d’Hérault-Arnod est un 35-Tonnes