
Quel lieu de son habitat est agréable selon l’humeur ? l’instant de la journée ? L’identifier et en profiter. Extrait Livre II : Comment (méthode, outils et concepts). Chronique HABIT@.
Les grandes vacances arrivent. Et si c’était l’occasion de voyager dans son habitat ? Explorer de nouveaux lieux, de nouveaux usages, redécouvrir du mouvement dans l’immobilité*, étirer l’espace dans sa profondeur, initier un voyage mi-intérieur, mi-extérieur.
Dormir, Travailler, cuisiner (manger), faire du sport, apprendre, se divertir, recevoir, fabriquer (bricoler), se laver, ranger, flâner : pour chaque action, repérer les différents lieux possibles, dans son habitat…
L’usage peut être précurseur de l’espace ou l’espace précurseur de l’usage.
(Dans le second cas, concevoir préférentiellement un espace multi-usage.)
Identifier de nouveaux lieux selon l’usage et le moment
Apprendre à user :
Le lieu s’utilise différemment selon l’extérieur (du lieu) et l’intérieur (de son corps).
L’intérieur c’est soi et son état, de corps et d’âme (ses besoins présents, ses envies).
L’extérieur c’est l’environnement contextuel, climatique et vivant.
L’espace de bien-être et du bon usage est à trouver dans son habitat en combinant ces deux écoutes, puisque l’habitat produit des environnements qui varient en fonction du dehors (vue, météo, activités extérieures) et ces environnements, versatiles, résonnent ensuite avec son intérieur : ils exaltent, reposent, excitent, réconfortent, câlinent, etc.
Mettre en place un bon usage (ou un meilleur usage), commence par l’observation.
Qu’entendons-nous par meilleur usage ?
Il s’agit d’un usage davantage choisi que subi, capable de varier dans le temps, moins contraint par le lieu (l’espace figé mono usage appartient au passé). Un usage comme résultat d’une écoute environnementale liée à une écoute intérieure. Elle demande d’apprendre à identifier ce qui est bon pour soi ou qui améliore sa « présence » : l’« être-présent dans l’espace » à un instant donné. Le concept du Dasein Heideggerien se nuance, se colore, varie, par un mouvement (de danse) entre l’être et l’environnement : le mouvement de leur relation.
Commencer par écouter/observer son habitat comme si c’était un milieu naturel.
Adopter cette écoute consciente dans la durée, attentif aux modifications du lieu en fonction de la météo (pluie, soleil, vent, etc.) et des cycles qui régissent l’environnement terrestre dans lequel son habitat est inclus (jour/nuit, semaines, mois, saisons). Identifier ainsi progressivement les manières d’habiter son environnement : où être le matin ? le midi ? le soir ? quand il fait beau ? gris ? et petit à petit affiner : le matin l’hiver ? le matin l’été ? le matin l’hiver quand il fait beau ? le matin l’hiver quand il fait gris ? Etc.
Adapter ensuite ces manières en fonction de son intérieur et de ses usages : le matin quand on est grincheux, le matin pour ceci, etc.
Si par exemple, il y a une nuisance régulière à un moment donné, peut-être est-ce le signal de quitter un lieu pour un autre ?
A contrario, si un lieu de l’habitat est particulièrement agréable à un instant de la journée sous certaines conditions, l’activité peut être adaptée en fonction. Si la cuisine est douce le midi quand il y a de la pluie alors cela vaut la peine de déjeuner chez soi dans sa cuisine quand il pleut.
– Je finis d’écrire (la première version de) ce texte dans un bain de lumière. Il est 9h52 et les rayons qui entrent par ma fenêtre vont être interrompus. Le soleil poursuit son mouvement derrière une tour proche. Le lieu où j’écris entrera dans l’ombre. Alors je vais me déplacer et peut-être commencer une autre activité.
Cet immeuble qui agit comme un cadran solaire protecteur l’été**, participe à l’animation subtile de mon habitat, au printemps et à l’automne. En avoir connaissance permet de savoir quand en profiter, si le besoin s’en ressent : caresser, attiser ou apaiser son humeur. –
Identifier l’aménagement actuel et futur (l’organisation des objets)
Trouver la bonne place.
Identifier les fonctionnements ou dysfonctionnements du rangement d’un lieu existant.
Il en découle :
– le déplacement, nécessaire des objets pour les recueillir et mieux les utiliser, régulièrement ou occasionnellement ;
– la possible découverte, car trouver ou récupérer un objet est aussi le moyen, à travers sa recherche, de se remémorer d’autres objets, lieux ou actions ;
– une meilleure transformation du lieu et donc une meilleure utilisation d’un espace.
Le rangement est ensuite à penser en fonction des sujets, des usages et des appartenances.
Voici trois pistes*** :
– organiser le rangement selon les relations entre objets et lieux (usages et support d’usage) ;
– organiser le rangement en espace-temps, c’est-à-dire qu’un espace de rangement s’applique pour un objet donné (vêtement, livres, accessoire), un temps donné (selon les saisons, les moments de la journée, etc.) ;
– organiser le rangement en fonction des souvenirs…
Toujours préserver de la place, toujours laisser un vide.
Identifier les positions du corps selon le lieu
Allongé, assis, sur le mou, sur le dur, les pieds au sol, les pieds en l’air, debout, face à face, côte à côte… Pour chaque position, identifier les différents lieux possibles. Et pour chaque lieu possible, les spécificités sensibles (vue, bruit, intimité, etc.) immuables et temporaires.
Si besoin, déplacer les meubles dans le volume c’est-à-dire sur le sol mais également dans la hauteur (suspendre, ou élever un fauteuil ou une table avec de simples supports).
Si besoin rendre l’espace facilement transformable : identifier plusieurs positions intéressantes pour un même meuble et rendre facile le passage de l’une à l’autre (le déplacement du mobilier) selon le rythme nécessaire (de l’heure à la saison).
Identifier des combinaisons (entre objets, entre objet et environnement)
Et démultiplier l’usage d’un espace…
Par exemple.
* Pour s’asseoir et/ou travailler
un tabouret haut (à assise, dur) peut facilement, accompagné d’une chaise, servir aussi de table (comme un guéridon). De cette manière, le moindre morceau de pièce, le moindre recoin devient un bureau temporaire.
* Pour s’allonger, dormir
Plusieurs fixations installées sur différents murs d’une même pièce facilitent sa transformation.
Quelques fois associées à d’autres supports naturels (rampe d’escalier, poutres, etc.), ces attaches peuvent accueillir un ou des hamacs, selon différentes configurations et ainsi temporairement démultiplier les lieux de couchages qui se déploient dans le volume de l’habitat, sa hauteur.
Etc.
Progressivement s’opèrent le creusement d’une profondeur physique et la révélation sensible d’un déjà là.
Progressivement, notre habitat retrouve de l’espace dans le temps, en passant d’une conception/utilisation de l’espace à une conception/utilisation des espaces-temps.
Et progressivement, de nouveau lieux apparaissent dans son habit@.
Eric Cassar
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P.S. – Pour ceux qui entreprendraient ce voyage, je serai curieux d’entendre vos expériences… N’hésitez pas à partager vos découvertes et vos ressentis, à m’envoyer photos, plans, textes. Vous pouvez m’écrire (info@arkhenspaces.net objet : J’ai voyagé dans mon habitat) ou à Chroniques qui fera suivre.
Bonnes vacances que vous soyez mobiles et/ou en mouvement dans l’immobilité.
* Lire la chronique Mouvement dans l’immobilité – Du champ de traces au chant des traces (2020)
** Ces variations climatiques induites par l’autour sont une des richesses de l’urbanisme vernaculaire, un urbanisme comme ossature d’un instrument d’environnement à affiner, à amplifier. Lire la chronique L’architecture est un instrument d’environnements
*** L’organisation de la profusion des objets (comme celle de nos données ou traces immatérielles) est un vaste sujet pouvant à lui seul faire l’objet d’un ou de plusieurs livres. Il en existe, même s’il n’aborde pas – à ma connaissance – l’ensemble des champs ouverts. Voir notamment La magie du rangement de Marie Kondo.