La HMO telle qu’elle est pratiquée dans l’hexagone sert-elle à quelque chose ? Dix ans plus tard – l’arrêté réformant les études d’architecture en LMD date du 20 juillet 2005, celui organisant la HMONP d’avril 2007 – il y a de quoi se poser des questions. Voyons.
En 2005, la volonté d’adapter les études d’architecture en France au système LMD à fin d’intégration et de meilleure lisibilité européenne peut se défendre. C’était d’ailleurs l’un des arguments de la réforme. Encore que… Dix ans plus tard, force est de constater que chaque pays, voire chaque école, continue de former ses architectes peu ou prou à sa façon. Et, à y penser, nul ne se souvient à l’époque de difficultés insurmontables propres aux DPLG pour poursuivre leur formation dans des agences étrangères, en Europe et ailleurs. Mais bon ! Bref, la réforme LMD, pourquoi pas.
Par contre, qu’en est-il de cette ‘Habilitation à la Maîtrise d’Œuvre en son Nom Propre’ tout à fait intraduisible dans une autre langue malgré l’objectif affiché d’uniformisation européenne ?
Rendons d’abord ici grâce de leur sincérité aux crânes d’œuf du ministère de la Culture, sans doute avaient-ils besoin au cours de leur nombreux ‘brain stroming’ de se sentir utiles. Il en faut par exemple du travail, du temps et de l’argent pour inventer HMONP. «Bonjour madame Michu, je suis architecte HMONP». «Quittez mon magasin immédiatement ou j’appelle la police !» Même le sigle, HMONP, est imbitable dans toutes les langues connues. ‘Licence d’exercice’ aurait eu le mérite de la clarté. Mais non, pas en France. En général, quand les mots pour le dire sont tarabiscotés à ce point, c’est que les pensées qui le justifient ne sont pas claires, ou inavouées.
Justement, la licence d’exercice, celle qui existe dans les autres pays, quand elle existe, varie entre deux et trois ans. D’aucuns en comprennent aisément le principe. Que le jeune architecte découvre les différentes facettes de son métier avant de se lancer à son compte, certainement ! Il s’agit alors le plus souvent d’acquérir une dizaine de modules dédiés.
Au Etats-Unis par exemple, le module ‘droit urbain’ est le même pour l’architecte que pour l’avocat, l’ingénieur ou l’urbaniste – et le même aux quatre coins du pays – et ce n’est pas quelque chose qui peut se torcher en quelques heures. Notons qu’à terme, ces professionnels disposent ainsi d’un ou plusieurs langages en commun. Bref, quand l’architecte diplômé a réalisé tous ses modules, il peut exercer. Cela prend évidemment plus ou moins de temps selon les moyens de chacun mais la majorité cumulera un travail en agence payé normalement le jour et la préparation de la licence d’exercice la nuit. Pendant deux ou trois ans, il faut être motivé. Ce n’est pas la panacée car ce n’est pas le droit urbain qui fait l’architecte mais le sérieux de cette formation est incontestable.
Se souvenir d’ailleurs qu’il fallait souvent sept à huit ans d’études aux impétrants en France pour obtenir leur DPLG et que leurs projets de fin d’études avaient une autre allure que ces PFE désormais bricolés en six mois. Certes, un certain nombre de DPLG, doués ou inconscients ou bien entourés, se lançaient directement à l’aventure dès le diplôme obtenu et, dans l’euphorie des années 80 et 90, des agences désormais connues ont démarré ainsi. Premier concours, et bam !, un immeuble de logement.
Certes, il y avait sans doute quelques catastrophes et projets ratés ; il y a bien évidemment chez les architectes la même proportion d’imbéciles que dans le reste de la population. Mais il demeure qu’à notre connaissance, la MAF n’a pas depuis l’avènement miraculeux de la HMO soudain vu cesser les sinistres des jeunes archis. Cela se saurait. De fait, HMO ou pas, comme la grande majorité des architectes de tous les pays, les architectes français vont se former dans des agences pendant quelques années et, dès qu’ils en ont l’opportunité, ils se mettent à leur compte. Restent les inconscients et les fous et pour ceux-là, HMO ou pas, il n’y a pas de rémission.
En tout état de cause, quitte à avoir une licence d’exercice, un minimum de deux ans semblait donc s’imposer. C’est d’ailleurs ce que demandait la plupart des institutions professionnelles lors du débat sur la réforme. Mais non, de négociations en compromis, en France, cette période de formation ouvrant le saint graal est intégralement effectuée en six mois seulement, certes au minimum. Chapeau les artistes !
D’autant que l’objectif de cette formation est rien moins, en 150h chrono, que de «permettre à l’architecte diplômé d’Etat d’acquérir, d’approfondir ou d’actualiser ses connaissances dans trois domaines spécifiques : les responsabilités personnelles du maître d’œuvre, l’économie du projet, les réglementations». Il doit donc être impossible, en cinq ans d’études, de trouver 150h pour enseigner cela aux futurs architectes, la moindre partie du métier sans doute. Sinon autant le faire avant le diplôme et basta. Non ?
Surtout que, pendant l’HMO, ces heures sont prises durant les six mois de stage en entreprise – c’est un autre stage non ? – lequel doit faire l’objet, le plus simplement du monde, d’une convention tripartite entre l’agence, le candidat et l’école. Ah oui, ce n’est pas un stage puisque l’on a affaire à un architecte diplômé d’Etat (ADE) qu’il n’est donc pas possible de payer comme un stagiaire, pas non plus comme un DPLG, faut pas exagérer non plus. Un ADE qui selon les cas, les lieux et les écoles, sera absent un jour par semaine ou une semaine par mois, etc. Bonjour la simplicité d’organisation pour les agences !
Sans compter le mémoire «de 20 à 30 pages» obligatoire. Ne parlons même pas de la course aux écoles pour pouvoir s’inscrire en HMO pour les jeunes architectes. Ne parlons pas non plus de la qualité de cet enseignement en 150h qui varie d’une école à l’autre sans aucune continuité territoriale ou intellectuelle. Jusqu’à 50% de recalés dans certaines écoles, plus de 80% de réussite dans d’autres. Et les recalés, ils font les nouveaux métiers de l’architecture ? Comme par hasard, prolifèrent désormais les ‘architectes’ (sic) à bas prix au statut d’auto-entrepreneur faute d’HMO…
Résultat des courses dix ans plus tard, d’un côté des architectes qui ont six, sept ou huit ans d’expérience – car ayant commencé dès l’obtention de leur diplôme d’Etat à travailler dans un agence, avec un vrai salaire, et n’ont jamais cessé depuis – et qui ne peuvent pas s’inscrire à l’Ordre s’ils ont zappé la HMO infantilisante, de l’autre, chaque année de nouveaux ADE qui vivent l’HMO comme une sorte de corvée et l’expédie au plus vite sans rien en attendre de particulier sinon la validation de leur diplôme. Aux premiers, il reste le recours de faire valider leurs acquis via la VAE ; simplicité garantie et là, attention, ce n’est pas de six mois mais de trois ans de travail qu’il faut justifier.
Mais bon, personne ne s’affole. Mieux, les agences feraient bien de se réjouir d’accueillir ces architectes du troisième type. Citons l’Ordre (CROA-IdF), en 2015 : «l’agence [d’architecture] bénéficie ainsi [avec un candidat HMO] d’un outil d’analyse stratégique propre à faire évoluer dans un sens positif certaines facettes de son organisation». Interdit de rire ! C’est sûr que les agences d’archi n’en peuvent plus d’attendre un «candidat HMO» pour disposer d’un nouvel outil stratégique. Les société d’architecture, soit elles payent un architecte diplômé qui peut produire immédiatement, soit elles prennent un stagiaire qui coûte moins cher et tant pis pour l’analyse stratégique. De toute façon, quand elles prennent un HMO, c’est souvent pour le faire bosser là où elles en ont besoin, s’il peut bosser.
Bref, cette fameuse HMONP n’est plus que paperasserie supplémentaire à foison, une couche d’administration pointilleuse supplémentaire, un gâchis de temps et d’énergie et un machin bien compliqué et inefficace, à la française quoi ! Puisque ce gouvernement, comme celui d’avant et sans doute celui d’après, nous bassine avec la simplification administrative, pourquoi pas une HMO 2.0 dans les règles de l’art ?