Ici prochainement : Sarajevo, par le photographe Alban Lécuyer

Boulevard Mese Selimovica #1Star montante du cinéma bosnien, Alena Džebo fait l’une de ses premières apparitions dans le film Notre musique, de Jean-Luc Godard, tourné en partie à Sarajevo. @Alban Lécuyer

Quels enjeux de ville contemporaine pour Sarajevo ? Le photographe nantais interroge avec Ici prochainement* le temps de l’architecture et la mémoire des lieux. «Entre nostalgie diffuse de l’ex-Yougoslavie et rêves d’Europe qui semblent s’éloigner, entre les fantômes d’une guerre figée par les photographies de presse et l’iconographie immaculée de la projection architecturale». Bouleversant !

Mosquée Istiklal #2«Ce n’est donc pas l’anéantissement de la ville, mais de ce qui fait de la ville un espace de rencontres qui est ainsi au cœur de l’urbicide». (Bénédicte Tratnjek, La destruction du «vivre ensemble» à Sarajevo : penser la guerre par le prisme de l’urbicide, 2012) @Alban Lécuyer

«Pourquoi Sarajevo ? Je souhaite voir un endroit où une réconciliation semble possible». Notre musique, Jean-Luc Godard (2004)

Rue Antuna Branka SimicaSarajevo occupe une place singulière dans le temps présent, entre les fantômes d’une guerre figée par les photographies de presse et l’iconographie immaculée de la projection architecturale. @Alban Lécuyer

Qualifié d’urbicide, le siège de Sarajevo (1992-1995) reposait sur une volonté d’anéantir la ville en tant qu’enjeu culturel.

Place Zavnobih-a #2«Les chiens ont grossi mais ils continuent d’errer, d’être étrangement nombreux dans une ville qui a changé». (Tiphaine Samoyault, Bête de cirque, 2013) @Alban Lécuyer

C’était une guerre contre l’architecture et la hauteur, contre l’habitat collectif et le métissage, contre un vivre-ensemble unique entre Bosniaques musulmans, Serbes orthodoxes et Croates catholiques.

Tapisserie du peintre naïf croate Ivan Rabuzin, UNITIC Business CenterL’œuvre, collée au mur et inamovible, a été protégée pendant toute la durée du siège et conservée intacte malgré l’intensité des bombardements sur les tours du centre d’affaires de Sarajevo. @Alban Lécuyer

Près de vingt-cinq ans après la fin du conflit, la série Ici prochainement : Sarajevo dresse un portrait politique de la capitale bosnienne : comment trouve-t-on sa place dans une société marquée par le morcellement (en quartiers distincts, en entités ethniques, religieuses ou de classe) ?

Quartier de Cengic Vila«On a fini par se demander si la guerre avait seulement détruit des bâtiments ou si elle avait également détruit ce que les architectes appellent souvent le vide – les espaces publics, les espaces de rencontre». (Nabil Beyhum, La guerre aux civils, Bosnie-Herzégovine 1992-1996, 1997) @Alban Lécuyer

Comment se projette-t-on dans l’avenir d’une ville en pleine mutation, où les images de synthèse des promoteurs immobiliers se superposent à l’épreuve du paysage urbain ?

Boulevard Mese Selimovica #3La biographie ordinaire des habitants prend place dans une double évocation de la vie quotidienne pendant le conflit – qui a pu, par moments, renouer avec une forme de normalité – et d’un lien au réel qui reste perturbé par le souvenir de la ville assiégée. @Alban Lécuyer

En extrapolant le vocabulaire visuel de l’architecte (la modélisation en 3D, l’usage de silhouettes anonymes, les vues projectives, etc.), ce projet rend compte de la métamorphose inachevée de la ville, où un patrimoine sans valeur apparente – les grands ensembles hérités de la Yougoslavie de Tito, les rues et les trottoirs où se fossilisent les impacts d’obus – endosse le rôle de monument commémoratif.

Rue Brace Mulic«Prendre son temps, c’est aussi prendre sa revanche sur l’histoire car pour échapper aux tirs des snipers serbes qui visaient les bus, les tramways, les piétons, nos parents devaient courir pour traverser la rue. Maintenant, c’est fini». (Olja Metich, Elle, juillet 2014) @Alban Lécuyer

Dans la distance entre la réalité du territoire et ses représentations fantasmées, Ici prochainement : Sarajevo donne à voir la part de l’histoire dans l’idéal placardé sur les chantiers d’un monde en reconstruction.

Alban Lécuyer

Boulevard Mimara Sinana «Sarajevo n’apparaît pas sur Google Maps. Sarajevo n’existe pas». (Amandine Melisa AgićLibération, 10 octobre 2013) @Alban Lécuyer

Ici prochainement : Sarajevo a été publié en mai 2017 aux éditions Intervalles (Paris) et fait actuellement l’objet d’une adaptation au théâtre par la compagnie La Jetée (m.e.s. de florence Dupeu).