Installé sur la place du marché de Saint-Sauvant, en Charente-Maritime, Pascal Wilke, entre coopératives agricoles biologiques et chais en pisé, pratique une architecture à la vue dégagée qui n’a pas à se cacher. D’où sans doute le nom de l’agence : atelier rural. Il n’y a pas de petits projets certes mais il demeure, ici ou là, pour tout architecte une part de doute constitutive d’un métier qui consiste à perdre, souvent. Cri du cœur ! Cri de rage ?
Cher Chroniques,
Je lis régulièrement vos articles avec délectation et je m’amuse de votre verbe affûté qui fait mouche. Je ris beaucoup en vous lisant.
Je ne suis pas adhérent. Je ne cotise pas à votre chronique et pourtant, inscrit à la newsletter depuis 2017, je la reçois et je la lis. Aussi, dans un élan de provocation et de culot, j’ose.
A quand un article sur les architectes ruraux ? Ceux qu’on ne cite nulle part, ceux qui sont dans l’ombre des start-up, ceux qui n’usent pas de communication et qui organisent tant bien que mal le travail des ombres : bureaux, maison d’habitation, réhabilitation, magasin, distillerie, hangars de stockage, etc.
C’est sûr, ces sujets ne font pas rêver ! Sujets banals : un auvent pour une mairie, un bloc-sanitaires pour une place publique, une petite extension par-ci par-là.
Des réhabilitations de vieilles charentaises, comme les chaussons remis au goût du jour. Des rideaux qu’on change, une fenêtre crée, une brise d’air qui se faufile et qui caresse corps et âme, un rayon de soleil qui effleure.
Restauration de vieux murs décrépis, pour que Papi et Mamie, qui ont besoin d’une douche PMR, puissent rester le plus longtemps possible dans la maison. Et puis, si on peut, une petite cuisine plus adaptée, ce serait bien.
Rien de bien bandant. Architecture domestique. Architecture du domestique.
Rien de bling bling et pourtant je m’applique. J’essaye, je me bats, j’argumente, je convaincs, je gagne et, souvent, je perds. Oui souvent je perds.
Suis-je relégué à n’être qu’un architecte du domestique ?
Dans ma campagne française, je ne suis ni membre d’une association, je ne crie pas sur la place publique, je ne communique pas sur des tabloïds, sauf peut-être Facebook (car c’est un truc à avoir – évidemment).
La reconnaissance de ses pairs, c’est quand même important. Alors oui, je le reconnais, je suis fatigué, vraiment fatigué. Que faire ? Suis-je trop imbu de moi-même ? Sûrement. De mon atelier ? Certainement.
Pourtant je me questionne sur la place de mon atelier dans cette galaxie d’entreprises et d’architectes survitaminés.
Après une énième défaite, je suis déçu, c’est sûr. ‘tain j’y croyais cette fois. Il faut croire que les autres, c’est certain, sont bien meilleurs. Un ami dédramatise : « Tu sais, même Piano a été parfois disqualifié, alors tu comprends, ton petit projet, bref… redescends sur terre ».
Je ne redescends pas. Je chute et l’atterrissage risque d’être un peu fracassant. Et après cette chute, c’est la bêtise de l’arrogance qui se réveille. Merde.
Que faire ?
Que faire pour être respecté / reconnus par ses clients ? pour ne pas devoir, de nouveau, baisser les honoraires car « tu comprends, c’est cher un architecte ». « Et puis, il y a cinq ans tes honoraires n’étaient-ils pas plus bas ? » Oui les choses changent. Entre frugalité heureuse et décomplexée et architecture domestique y a un abîme. Comment font les autres ? Je me le demande souvent : comment font-ils ?
L’écriture console. Ecrire un billet à Chroniques sur les ombres de l’architecture car c’est bien de l’ombre que naît la réalité d’un espace.
Pascal Wilke
Architecte