L’inventeur de la pyramide du Louvre ne serait-il pas celui que l’on croit ? Des documents exclusifs montrent en effet que, presque dix ans avant l’inauguration en 1989 de l’ouvrage de I.M. Pei, Alan Holbrook, architecte à Perth, Australie, avait déjà tout compris (ou presque). Exploration d’une source mystérieuse.
Evidemment, tout le monde a oublié que c’est un explorateur breton du XVIIIe siècle, Louis Aleno de Saint-Alouärn, qui a découvert l’Australie. Son copain, Yves de Kerguelen, avec lequel il était parti à la recherche d’épices, l’avait auparavant laissé tomber après avoir découvert un archipel désolé, qu’il nomma pompeusement « le cinquième continent » et à qui il donna son nom après avoir filé annoncer fièrement la nouvelle à Louis XV. Les îles Kerguelen, cela vous dit quelque chose ? Une sacrée découverte en vérité !
En attendant, Louis Aleno, pas convaincu, poursuivit son voyage et découvrait dès 1772 une terre inconnue, aujourd’hui la côte ouest de l’Australie, dont il prenait tout à fait officiellement possession au nom du roi. Une plaque commémorative, déposée en 2008 par le gouvernement australien à l’endroit même où le navire Le Gros Ventre jeta l’ancre, atteste en quelques paragraphes du débarquement de Saint-Alouärn. « En vertu de la loi sur l’archéologie maritime, ce site est désormais protégé comme un des sites de débarquement européen les plus importants de l’Australie occidentale », soulignent les Australiens eux-mêmes. Dire que l’Australie aurait pu être française…
Sauf que pendant que de Kerguelen faisait le paon à la cour, le temps que Saint-Alouärn revienne de son voyage – 122 jours le retour – il était si épuisé qu’il en est mort avant de remettre au roi la missive indiquant la prise de possession de l’Australie par le royaume. Thomas Cook a lui survécu au voyage retour. On connait la suite.
Tout ça pour dire que ce n’est que justice que, là encore après nombre de décennies, une missive arrivât enfin d’Australie, de Perth, de la côte ouest justement, jusqu’à la rédaction de Chroniques.
La missive
« Bonjour. Je m’appelle Paul Burnham et je suis architecte à Perth, Australie. J’espère que vous serez peut-être intéressé par une histoire que j’aimerais partager. C’est une histoire d’architecture Parisienne avec un petit lien Australien ».
???!
Cela sent une hâtive traduction Google mais bon, un tel courrier demande un drôle d’effort pour celui qui le rédige. Dont acte.
« Mais encore ? »
En fait Paul se permet d’écrire pour son copain Alan Holbrook, également architecte à Perth, « une petite ville », expliqueront-ils plus tard.
Super ! Et il a quoi de spécial, ton copain Alan ? « Alors voilà, c’est lui qui a inventé la pyramide du Louvre ».
???!
???!
LA pyramide du Louvre ? Après la tour Eiffel, le bâtiment le plus emblématique de Paris, sinon du monde, au moins du XXe siècle ?
Celle-là même !
« Mais attention, hein, on ne veut pas dire que I.M. Pei a plagié, qu’il n’y ait pas de malentendu », nous rassure Paul avec une sincérité désarmante. Ha, parce qu’il y a un risque ?
« Hum hum… Et vous avez des documents pour nous expliquer tout ça ? »
L’Institute William Van Alen Award
En 1980 l’Institute William Van Alen à New York organise un concours d’idées international : concevoir à Paris un centre audio-visuel des Beaux-arts. Se souvenir que, à l’époque, des architectes concevaient des abris pour se protéger des attaques nucléaires de la guerre froide.
Le site choisi – la cour du Louvre – ne l’est pas tout à fait au hasard. Si l’institut existe toujours, et s’il s’est aujourd’hui recentré sur New York, il fut fondé en 1904 par l’architecte américain William Van Alen (1883-1954), pour toujours reconnaissant d’une bourse lui ayant permis d’étudier deux ans à Paris, France, et plus tard, de faire fortune. Les premiers récipiendaires de sa fondation gagnaient d’ailleurs l’opportunité d’aller étudier à Paris aux Beaux-arts un an ou deux tous frais payés.
Cette histoire avec Paris a traversé les décennies et le choix de la cour du Louvre en 1980 ne faisait que symboliser le lien qui demeurait encore entre l’institut et la capitale française. A tel point d’ailleurs que, parmi les 46 écoles du monde entier retenues à concourir, en majorité américaines évidemment, neuf étaient cependant françaises (dont l’Ecole d’art de Fontainebleau), loin devant quatre japonaises, une anglaise, une espagnole, une australienne, une polonaise, une coréenne, une israélienne, une turque.
Noter que les compétitions internationales pour les étudiants avaient de l’allure à l’époque et la France apparemment n’avait pas à se cacher. A noter enfin que les résultats de ces compétitions pour étudiants faisaient la Une des magazines spécialisés.
La première pyramide du Louvre
L’école australienne en question, c’est la Western University of Australia où Alan Holbrook, en quatrième année, a rencontré Paul Burnham, en troisième année. Ils sont devenus potes. Le sont encore. Ils sont devenus architectes, à Perth, le sont encore. Ni l’un ni l’autre n’avait jamais vu Paris avant le concours, seul Paul a pu s’y rendre depuis. Le premier est timide alors, quand une idée les turlupine, le second parle en son nom, même si cela lui prend quarante ans. D’où la missive anachronique : « C’est mon copain Alan qui a inventé la pyramide du Louvre ».
De fait, dès qu’il eut connaissance de la compétition, Alan Holbrook avait son idée. « J’ai dû lire le programme 50 fois. Je ne voulais pas détruire les Tuileries ! Et ce Louvre – les bras tendus, pourquoi ? Pour demander quelque chose ? », se souvient-il.
Il a choisi l’endroit, dans la cour, pour un projet enfoui dans le sol : « un profil bas, respectueux », dit-il. « ‘’Réfléchis… Réfléchis…’’, je me disais. ‘’Paris, the City of Lights …. Paris, La ville Lumière… A Jewel for the City of lights… Un Bijou pour la ville lumière…’’ Bah voilà c’est ça, un joyau, je me suis dit ».
« Je voulais attirer le public, nourrir sa curiosité, puis révéler les fonctions de conservation et d’exposition », poursuit-il.
Sauf que le seul fait d’avoir été retenue pour participer à ce concours était déjà toute une affaire pour l’école perdue au bout du désert et nombreux étaient ceux qui avaient leur mot à dire. Le bijou d’Alan Holbrook s’est déplacé vers le jardin des Tuileries et a gagné en épaisseur, ne serait-ce que pour y faire entrer le programme.
Alan lui-même n’a jamais pensé à appeler son projet une pyramide. C’est dommage car il aurait alors peut-être gagné mieux qu’une mention honorable. Il était en effet parmi les sept lauréats sur 122 projets retenus par le jury. Le premier prix – 6 000 dollars – est revenu à Tom Spector, du Georgia Institute of Technology, le second à Roger Carillo, Texas A&M, tandis que cinq lauréats, dont le Français Gérard Aucagos, de l’unité pédagogique N° 2, se partageaient les mentions honorables avec Alan Holbrook, chacun recevant 200 dollars.
200 dollars ? Une somme à l’époque à Perth, Australie. « C’était plus que mon premier salaire d’architecte quand je suis sorti de l’école », raconte Alan Holbrook. Pour autant, il n’a jamais encaissé son chèque. « Rien que le regarder m’allait très bien », dit-il. A l’école, ils furent quelques-uns à le féliciter mais beaucoup plus nombreux à « s’autocongratuler ». C’est le dernier prix international qu’un étudiant de la Western University of Australia ait jamais gagné.
La pyramide
Le projet d’Alan Holbroock était constitué de verre et de métal et son bijou n’était pas loin de rappeler l’esprit qui animait Joseph Paxton et son Chrystal Palace. La pyramide d’I.M. Pei, inaugurée en 1989 après une décision en 1983 de François Mitterrand, est constitué de verre et de métal. « J’étais content de voir que I.M. Pei a choisi le même endroit que m’avait indiqué ma première intuition », indique Alan Holbrook. Nous avons vérifié, I.M. Pei n’était pas dans le jury du William Van Alen Award. Sa pyramide n’est donc, pour citer Alan, qu’« une coïncidence remarquable ».
Si le bijou dans la ville lumière était une riche idée, surtout, les deux projets montrent la différence entre l’étudiant et le pro : un projet chargé jusqu’à la gueule pour le projet australien, un projet d’une exquise sobriété pour le second. Cela dit, nul doute qu’en deux ans d’études bien rémunérées Alan Holbrook ne soit parvenu à épurer sa première proposition.
Epilogue
Un marin breton peut en témoigner : il y a des actes manqués qui sont autant d’actes finalement réussis ! Rien n’empêche donc de sceller dans la cour du Louvre une plaque en l’honneur d’Alan Holbrook, architecte de Perth, comme l’a fait l’Australie pour le malheureux Louis Aleno de Saint-Alouärn.
Car, aussi vrai que l’Australie a été découverte par un Français, c’est un Australien qui a, le premier, inventé la pyramide du Louvre !
Christophe Leray
PS : Paul avec les lunettes, Alan avec la barbe