En 2010, Estelle Lagarde publie La traversée imprévue, (édition La cause des livres), journal de textes et de photographies relatant une expérience de vie, le cancer du sein. Une traversée devenue aujourd’hui un voyage intemporel où chaque étape est la découverte que l’âme des lieux est l’âme de l’homme.
Un cancer à la trentaine me donnait peu de chances de vivre. Pendant qu’ils me soignaient pour me protéger de moi-même, je faisais le vœu de retourner sur l’île. Allongée sur mon lit, je me souvenais de ce voyage fait quelques années auparavant : des marches sur les plages de sable noir, des lumières sur la mer, de l’air pur. Je me revoyais arpentant les champs de lave, en me promettant de faire découvrir ces admirables paysages à ceux que j’aimais.
Voulant me donner la force de me battre, je disais à l’homme que j’aimais : « Au pied de la chute, nous trouverons un trésor ».
Dix ans plus tard, nous réalisions mon rêve. Nous partions en voyage sur l’île. J’étais d’autant plus heureuse de le faire que toute la planète était immobilisée par la pandémie. J’embarquais quatre pellicules couleur passées en péremption qui végétaient dans le bac à légumes, et quatre autres noir et blanc. Je comptais sur mes fidèles Nikon et Pentax, les deux boîtiers argentiques qui m’avaient accompagnée dans mon premier voyage, vingt ans plus tôt.
Nous nous envolions enfin, libérés de cette quarantaine, pour retrouver les grands espaces.
Je n’avais qu’une idée pour cette série : celle de me laisser envoûter par les lieux, de marcher ensemble, au sein de ce territoire indomptable. L’essentiel m’apparaissait. A chaque cliché, je prenais conscience de la chance de notre présence ici, de ce voyage qui, de conte devenait réalité.
Le lendemain, je me baignais nue dans l’eau froide de la cascade. Je me ressourçais dans le mouvement perpétuel de l’eau qui, comme le temps, rend le monde possible. Je levais les yeux pour admirer les deux merveilleux arcs-en-ciel. La légende dit qu’à leur pied, une nymphe, un dieu, ou des elfes ont caché leur bien le plus sacré. J’imaginais que notre fille était l’un d’eux. Le fracas assourdissant de l’eau me rappelait que la nature est grande et, l’humain, tout petit à côté.
Au bout de notre road-trip, il me restait trois clichés. Je lui passais le boîtier couleur en lui disant :
« Vas-y mon cœur, à toi de photographier ». Je voulais lui donner le goût de témoigner de la beauté du monde. Elle s’installait seule face au paysage, réussissait à le faire entrer tout entier dans le cadre, puis elle déclenchait. Quand ce fut fait, je l’entendis m’appeler et me retournais.
En la voyant courir vers moi, je pensais : « La vie est un trésor ».
Texte Christophe Lambert et Estelle Lagarde
La conscience de notre impermanence nous invite à réaliser nos rêves.
Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. 2020
Aussi merveilleux qu’éphémères sont ces deux arcs de lumière tendus au pied de cette chute.
Lumière noire. Trésors, 2020
Le retour à l’essentiel sublime l’avenir.
Derrière le voile. Trésors, 2020
Il y a autant de grains de sable sur cette plage qu’il nous reste d’années à vivre.
Eole. Trésors, 2020
Contempler la mer.
Au sommet du fait. Trésors, 2020
Chaque naissance est une rencontre.
Life on mars. Trésors, 2020
Enfant, quelqu’un m’a dit : « Quand tu entres dans une église pour la première fois, fais un vœu, il se réalisera ». Je ne l’ai jamais oublié, et j’en ai fait beaucoup. Jusqu’à toi.
La miniature. Trésors, 2020
Avec le temps germent tous les possibles.
Dans ce lit. Trésors, 2020
A ceux qui le cherchent, la légende promet un trésor caché au pied de l’arc.
Au pied de l’arc. Trésors, 2020
Ma joie, t’ai-je donné la vie ou es-tu venu à ma rencontre ?
Ecoute, avant que je parte, je ne te dirais jamais assez : la vie est un trésor.
Mon trésor. Trésors, 2020
Estelle Lagarde
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