La phase 2 du projet urbain de l’île de Nantes coordonnée par les urbanistes Marcel Smets et Anne Mie Depuydt depuis 2010 est un projet de «politesse et de cohérence architecturale». Dans le quartier Beaulieu, Le Pont Supérieur, livré en 2015 par les agences Raum architectes et L’Escaut, ne fait pas exception à la règle. Il sert d’interface subtile entre la ville, le lycée international et l’ancien auditorium. Visite.
En mars 2012, les lauréats des AJAP 2009/2010 ont remporté le concours (loi MOP) lancé par la ville de Nantes pour la construction du nouveau pôle d’enseignement supérieur de spectacle vivant et du conservatoire. Le programme était simple : trois studios de danse et des salles de répétitions. Les différentes pratiques ne devant en aucun cas se perturber les unes les autres, les architectes ont pris le parti de concevoir les salles de musique au rez-de-chaussée.
L’emplacement choisi n’était pas évident. Le lycée international, conçu par François Leclercq n’était pas achevé mais il était déjà limpide qu’il ne remplirait pas de rôle urbain. L’immédiat voisin de palier serait l’ancien conservatoire à l’identité très marquée 70’s. Comment alors faire communiquer sans heurt ce triangle architectural ?
«Il a fallu tisser des liens avec toutes les écritures postmodernes et faire avec l’extérieur presque ingrat du lycée et de l’auditorium ; le vrai sujet était de créer du lien», relève Thomas Durand, architecte associé de Raum architectes. La réponse de l’agence est une architecture sobre et simple, blanche et lumineuse qui, sur sept niveaux, ne sature pas l’espace d’informations architecturales supplémentaires. La discrétion du bâtiment, conçu sans compromission et sans pourtant chercher à crier plus fort que le voisin, est bienvenue. Elle conforte dans un chuchotement l’identité de ce pôle culturel au sein de l’île de Nantes.
L’idée adoptée par les architectes de la jeune agence nantaise fut d’utiliser la topographie du site pour faire le lien entre le lycée et le conservatoire. Grâce à un jeu d’emmarchement en limite de parcelle côté lycée, le rez-de-chaussée du Pont Supérieur se trouve au même niveau que celui du conservatoire, tandis que le premier niveau coïncide visuellement avec le parvis du lycée.
La compacité du bâtiment a permis d’offrir un espace supplémentaire reliant les niveaux du conservatoire et du lycée international. «Notre vraie proposition au programme, c’est le 7ème studio, qui correspond à l’espace de l’ancien parking», explique Thomas Durand. Avec sa façade en accordéon qui s’ouvre entièrement, ce hall d’entrée fait le lien avec le lycée en plus de jouer le rôle de tampon thermique. Non-affecté à une pratique en particulier, cet espace librement appropriable par les utilisateurs fait office de procédé bioclimatique passif et offre le confort d’un seuil intermédiaire entre le parvis et les salles de cours.
Sobre et brut dans son traitement, ce 7ème studio offre les premières conditions à des pratiques artistiques improvisées. Les plafonds acoustiques, le parquet et la façade intérieure vitrée miroir sont autant de références au studio de danse qu’au vitrage fumé de l’ancien conservatoire voisin. Durant la visite de presse de l’ouvrage, Jean-Marc Verdier, directeur du Pont Supérieur, confirme tout le bien fondé du parti pris de Raum.
Le positionnement dans l’espace des différentes salles de danse et de musique, installées de part et d’autre d’un noyau central technique en béton brut, est pensé à l’image de ce 7ème studio où tout est fait pour inviter à la transversalité des disciplines. Les 1 800 élèves qui vont et viennent toute la semaine ont de multiples occasions de se croiser tandis que, depuis les paliers, des vues sont ménagées vers les salles de danse double hauteur afin d’inviter au mélange et au métissage des pratiques artistiques.
Chacune des trois salles de danse, en plus de se proposer à voir la répétition comme un premier spectacle, est également largement ouverte sur la ville et son environnement construit, dense. Selon les étages, les danseurs se repèrent grâce aux vues sur les architectures de l’Ile, en constante évolution : au loin, la ZAC Malakoff avec les opérations marquées du Playtime de Tétrarc ou le chantier d’une opération de l’agence Hamonic et Masson. Le contexte du spectacle qui s’offre aux yeux de toute part est la ville qui se construit. Quant à la Loire, elle se devine sans jamais se montrer.
C’est aussi donc en grande partie grâce aux relations qu’il engendre entre les différentes pratiques artistiques que Le Pont supérieur s’impose si naturellement dans sa relation à la ville et à la culture. «En plus de lier les bâtiments entre eux, l’emmarchement fait amphithéâtre», insiste Thomas Durand.
«La gestion de l’ambiance des studios est laissée libre aux utilisateurs. La qualité brute des matériaux utilisés offre une certaine sobriété durable qui laisse l’attention se focaliser sur l’objet du bâtiment : la production culturelle et artistique», continue l’architecte. Les trois studios ont des revêtements de sols différents afin de mieux s’adapter aux différentes pratiques.
Alors que la qualité d’usage était primordiale, bien avant le geste architectural, Raum architectes a livré à Beaulieu un pôle culturel sobre, calme et urbain.
Léa Muller