
Le casse du siècle, un coup de génie critique ? Une dénonciation de la muséographie contemporaine ? Un stratagème publicitaire orchestré par un cabinet d’architectes en mal de notoriété. Récit apocryphe attribué à Arsène Lupin, gentleman architecte.
Tout commença un lundi matin au Louvre, un jour comme les autres — si ce n’est que la Joconde, lasse d’être photographiée, semblait regarder avec une ironie nouvelle l’agitation des gardiens. À huit heures précises, le conservateur adjoint découvrit l’impensable : la vitrine des bijoux royaux était vide. Plus un éclat, plus une pierre précieuse ; seuls restaient quelques grains de poussière et une carte de visite, posée avec une délicatesse infinie :
« Messieurs,
le Louvre mérite une nouvelle entrée…
j’en ai simplement ouvert la première ».
— A.L.
Le tumulte fut immédiat. Les journaux s’emparèrent de l’affaire : « Vol au Louvre ! Un fantôme en cravate défie la République ! »
Mais déjà, certains murmuraient qu’il ne s’agissait pas d’un simple cambriolage.
Car, hasard ou coïncidence — si tant est que Lupin eût jamais cru aux coïncidences —, le concours d’architecture pour la nouvelle entrée du musée venait d’entrer dans sa phase finale.
L’ombre d’un architecte
Parmi les maquettes exposées dans la salle des États, l’une d’elle attira l’attention : un plan audacieux, élégant, où la future entrée du Louvre semblait taillée comme un diamant géant. Le nom sur le dossier ?
Arsène Lupin, architecte des arts et du désordre.
Bien entendu, personne ne prit cela au sérieux — un plaisantin, sans doute.
Mais la presse se mit à spéculer : « Et si le voleur n’était autre que l’un des candidats ? Et si le vol n’était qu’un manifeste artistique ? ».
Les réseaux bruissaient : certains voyaient là un coup de génie critique, une dénonciation de la muséographie contemporaine ; d’autres, plus prosaïques, soupçonnaient un stratagème publicitaire orchestré par un cabinet d’architectes en mal de notoriété.
Une visite nocturne
Trois jours plus tard, à minuit, un faisceau de lumière glissa sur la façade du Louvre.
Un homme en redingote, ganté de blanc, se tenait au sommet de la Pyramide. Il contemplait Paris, les mains dans les poches, sifflotant un air de Fauré. À ses pieds, un petit coffret d’ébène contenait les fameux bijoux.
— « Voyez-vous, mon cher Watson — pardonnez, mon cher Garnier — ce musée avait besoin d’un peu d’air. On ne repense pas une entrée sans… un brin de scandale ».
Il laissa le coffret ouvert sur la pointe de la Pyramide, de sorte que le premier rayon du soleil ferait scintiller les saphirs et les rubis, comme un salut au génie français.
Puis il disparut, non sans laisser derrière lui un rouleau de plans : un projet d’entrée souterraine baptisé La Clef du Louvre, où la lumière du jour filtrait par un vitrail en forme de bijou.
Épilogue : dans les journaux du lendemain
Le Louvre retrouve ses bijoux mystérieusement réapparus sur la Pyramide.
Les autorités démentent tout lien avec le concours d’architecture.
Le projet “La Clef du Louvre” remporte le premier prix à l’unanimité du jury — bien qu’aucun architecte n’ait jamais revendiqué en être l’auteur.
Dans un café du boulevard Saint-Germain, un homme feuilletait le journal en souriant.
Un serveur lui demanda :
— Alors, monsieur, satisfait du résultat ?
L’autre répondit sans lever les yeux :
— Mon cher, quand on aime un musée, on finit toujours par lui ouvrir la porte.
Syrus
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