Mesdames, Messieurs, en cette période d’excitation politicienne liée aux échéances électorales à venir, j’écoute et je lis vos discours. Jamais je n’entends le mot architecture. Jamais ! Pourquoi ? C’est un gros mot ? Vous nous présentez des «programmes» comme autant de programmes Télé, chaque élément rangé dans une case distincte. Foin d’une politique globale ? En tout cas, d’architecture, point, jamais. N’est-elle pourtant pas un «élément critique à la paix et à la cohésion sociale», pour citer le ministère du Logement ?
Dans aucun des débats de la primaire de la droite, puis dans la bouche d’aucun des candidats de la primaire de la gauche, le mot architecture ne fut prononcé. C’est également apparemment le cadet des soucis des candidates (ne pas oublier Alliot-Marie) et candidats non primaires. Les discours sont pleins de lendemains qui chantent (à gauche, le revenu universel) ou de sang et de larmes (à droite, germinal). Mais d’architecture, il n’est jamais question.
Pourtant, puisque vous ne manquez aucune inauguration, voyons.
Mesdames et messieurs les politiciens de tous étages, je vous entends parler de santé. Mais qui construit les hôpitaux, les cliniques, les maisons de retraite ? Qui réfléchit et anticipe sur les usages de la médecine de demain ? Sur l’arrivée de la robotique ? Sur la charge de travail des soignants ? Sur le confort des patients ?
J’ai une nouvelle pour vous : la santé est une question d’architecture.
Je vous entends parler d’économie. Mais quelle est la première activité en France sinon la construction et le BTP ? Qui réfléchit aux nouveaux espaces de travail liés à la révolution numérique ? Aux usines nouvelles générations ? Aux ouvrages d’art ? A l’infrastructure ?
L’économie – qu’elle soit macro ou en circuit court – est une question d’architecture ou il n’en est pas.
L’éducation ? Crèches, écoles, lycées, collèges, universités, campus, etc. Qui porte encore une attention désintéressée au bien-être et à l’éducation académique des élèves et étudiants sinon les architectes ?
De fait, l’éducation est une question d’architecture fondamentale.
La sécurité et la justice ? Qui construit les commissariats, les prisons, les centres d’accueil, les tribunaux ? Le sport ? Qui construit les stades, les gymnases, les salles d’escalade, les skateparks ? Le commerce ? Qui édifie tours, sièges sociaux, centres commerciaux géants et ‘flagships’ en tous genres ?
La sécurité et la justice sont questions d’architecture. Et le sport, et le commerce.
Le logement ? Le logement social ? Le social tout court ? Faut-il quelconque explication ? Il s’agit ici d’évidence d’une question d’architecture.
La culture, n’en parlons pas non plus. Les musées, les médiathèques, les Zénith, les cinémas, théâtres et autres philharmonies, tous construits par des architectes. La culture est donc aussi, évidemment, question d’architecture.
Quoi d’autre ? L’armée ? Son nouveau ministère ? Ses casernes de pompiers ? Ses tours de feu ? Depuis Vauban, que des architectes. La défense et la protection civile sont sujets d’architecture incontournables.
Quoi d’autre encore. La gestion de l’eau ? L’environnement ? La vie sur Mars ? Autant encore de problématiques architecturales.
Je ne suis pas Jacques Prévert alors je vais m’arrêter là dans l’énumération mais si j’étais Prévert il y aurait de quoi faire.
En effet, quel autre domaine exerce ainsi dans nos sociétés une telle influence horizontale ? De l’extrême droite à l’extrême gauche, avec entre les deux toutes les 50 nuances de zizanie, chacun se lève le matin dans l’architecture, y passe 100% de sa journée et est encore dans l’architecture au moment où il se couche. Sans parler de ses besoins naturels auxquels un architecte a dû penser. Qui sait de la poétique des fluides ?
La vie, du moins celle que nous connaissons aujourd’hui, quelle que soit la race, la religion, le genre, l’âge, l’orientation sexuelle, la langue, la culture, sauf pour les derniers indiens d’Amazonie, est une question d’architecture. Difficile de faire plus universel ! Sinon la reproduction sexuée peut-être…
Alors dites-moi, mesdames (ne pas oublier Alliot-Marie) et messieurs les candidats putatifs, comment se fait-il que sur un sujet si important, si transversal, si unanimement universel justement, d’aucuns peuvent lire et relire vos discours, vous n’en prononcez même pas le nom ? Pas une fois ! Zip ! Même pas en passant…
Pourtant la politique, c’est la ‘polis’, la cité et sans architecte, pas de cité, pas de politiciens. Est-ce la raison pour laquelle, d’architecture, cela vous arrache la gueule d’en parler ? Ne serait-ce que de temps en temps, pour montrer que le sujet vous a effleuré l’esprit ?
Alors je recommence.
La santé ? Une question d’architecture !
La culture ? Idem
La vie…
Etc.
Christophe Leray