Un nouvel hôtel CitizenM de 175 chambres vient d’ouvrir au pied de l’Arche de la Défense, sur le territoire en mutation de Nanterre. Contraint par le PLU de La Défense et un cahier des charges exigeant lié à l’image de la chaîne, l’agence MAAC (Cottrell Macary Michelangeli Associated Architect) propose une réinterprétation de l’architecture modulaire si chère au maître d’ouvrage. Pas un mince exploit. Explications.
L’architecture en containers a trouvé son essor en Europe aux Pays-Bas – on se souvient que Keetwonen, à Amsterdam est le plus grand village de containers au monde. Les recherches et réussites en ce domaine n’ont pas été perdues pour tout le monde. Ainsi la chaîne CitizenM qui affole les gazettes people est née à Shiphol, l’aéroport, sur un dessin de l’agence néerlandaise Concrete.
Le projet est celui de Kul Rattan Chadha, né à Delhi en Inde en 1949 et installé aux Pays-Bas depuis 1971. Après le prêt-à-porter – les magasins MEXX qui font sa fortune – il se lance dans l’hôtellerie avec un «nouveau concept» : pour les ‘Citizens’ qui voyagent alertement partout dans le monde, la chambre ne sert qu’à dormir, ce qui compte ce sont les espaces communs. Le magnat entend aussi ne pas faire payer aux voyageurs ce qu’il appelle les «coûts cachés».
C’est cette idée à laquelle Concrete a donné corps à Shiphol. L’esprit container, avec un bâtiment composé de modules étroits – pardon des chambres – préfabriqués en atelier. Un ‘king size bed’ toute largeur au fond, pour la vue, une douche et toilette en kit, un équipement minimal. Ajouter à cela un accord commercial avec Vitra pour le mobilier des chambres et espaces communs et un marketing malin – ha les citizens du monde – et c’est parti à l’échelle industrielle. C’est la logique McDonald’s.
D’ailleurs c’est l’agence Concrète qui signe quasiment tous les bâtiments de la chaîne avec la même écriture et le même procédé constructif. C’est le cas en 2014 lors de l’arrivée du premier CitizenM à Roissy (avec DDAA – Derbesse Delplanque Architectes & Associés), un hôtel de 230 chambres qui ne déroge pas à la règle. De fait, chez CitizenM, l’architecture n’est presque jamais mise en avant, à l’inverse des espaces intérieurs. Les chambres toutes pareilles, les espaces d’accueil tous colorés et décorés pareillement sont glorifiés pour des ‘citizens’ si heureux de se retrouver n’importe où «comme chez eux».
D’un point de vue économique, le concept est sans doute profitable puisque des hôtels CitizenM ouvrent partout dans le monde – déjà trois à paris, dont deux (Gare de Lyon et La défense) qui sont à peine inaugurés. De fait, le coût d’un seul plateau d’accueil en espaces communs, certes très soignés, y compris avec des œuvres d’art, est bien moindre que l’économie réalisée avec des chambres de 14m² empilées au cordeau sur 10 ou 15 étages dans des bâtiments carrés.
Les nouvelles technologies sont aussi à l’affût des coûts cachés et il n’y a plus que des bornes électroniques à l’accueil et quelques ambassadeurs et ambassadrices qui ont vocation, entre le ménage et la vaisselle, à aider les ‘citizens’ à se sentir bien.
Sauf que les aéroports ont un potentiel limité et, en conséquence, le groupe de se rapprocher des centres-villes. Pour l’hôtel de la Gare de Lyon, réhabilitation d’une tour existante, Concrete a pu s’en arranger. La décision économique est là encore logique, puisqu’entre 30.000 et 65.000 mètres carrés d’espaces tertiaires sont rachetés chaque année à Paris par des investisseurs ou des exploitants hôteliers*.
Par contre, pour construire à La Défense le dernier hôtel en date, livré en juin 2017, face à un maire qui ne s’en laisse guère compter, la chaîne a dû s’y prendre autrement. Unibail-Rodamco possédait les droits à construire sur cette parcelle proche de l’Arche et espérait apparemment pouvoir y construire une tour de 20 ou 30 étages. Sauf que Patrick Jarry, l’édile de Nanterre et président de l’Etablissement public d’aménagement de la Défense Seine Arche (EPADESA)**, ne veut pas d’une tour le long des Jardins de l’Arche. Par contre, face à l’immeuble de logements de Farshid Moussavi et à l’Arena de Christian de Portzamparc, va pour un hôtel. Ce sera CitizenM.
Une autre réalisation de Concrete ? Pas cette fois puisqu’un concours d’architecture est lancé en 2011. Jean-Michel Wilmotte, Rudy Ricciotti et MAAC, les outsiders, sont retenus. Les hommes de l’art sont confrontés à deux contraintes majeures : construire à la Défense avec son PLU Infernal et respecter le cahier des charges de l’incontournable agence Concrete. «Wilmotte a fait du Wilmotte, Ricciotti a fait du Ricciotti, nous avons fait un hôtel», s’amusent Stéphane Cottrell et Jérôme Michelangeli, les architectes de MAAC, l’agence lauréate, lors d’une visite de presse fin septembre 2017.
MAAC, une agence d’architecture d’origine française et espagnole à vocation internationale, installée à Paris et à Madrid, n’est cependant pas tout à fait là par hasard car elle compte déjà nombre de références dans le domaine hôtelier.
«Nous ne sommes pas des décorateurs», assurent d’emblée Stéphane Cottrell et Jérôme Michelangeli, de crainte sans doute que quiconque leur prête la déco intérieure un peu kitch et pleine de bonnes intentions environnementales des espaces communs. Leur projet a gagné le concours notamment parce qu’il connectait la jetée de Chemetoff directement à la terrasse de l’hôtel. C’est pourtant cette proposition qui a disparu au moment des études et la passerelle demeure orpheline, sans avoir nulle part où aller.
De plus, les qualités acoustiques et thermiques requises dans le cadre de l’opération et des certifications environnementales ont évincé la solution initialement prévue d’un bâtiment containers ou préfabriqué. Les architectes ont alors opté pour une ossature conventionnelle béton intégrant des voiles de contreventement par trame de deux chambres afin d´éviter toute retombée de poutre dans les chambres et couloirs. C’est donc en jouant sur la proportion du module que les architectes ont réinterprété sans la trahir l’esthétique propre à CitizenM.
L’accès principal de l’hôtel se situe au rez-de-jardin tandis que le socle (niveau parvis) est principalement utilisé pour l’accès aux commerces, dont un café CitizenM. «Nous avons pensé le bâtiment comme un objet de design, dont la façade étirée évoque un écran panoramique suspendu. En toile de fond, un deuxième écran supporte et dépasse le premier geste en se pliant dans le respect du gabarit défini par l’EPADESA», racontent les auteurs du bâtiment. L’accueil se trouve au premier étage ainsi que le bar et les espaces communs tandis que les chambres sont réparties du premier au dixième étage.
«Nous avons conçu une façade très rationnelle, à la fois sophistiquée et intemporelle, tout en prenant en compte l’éventuelle reconversion du bâtiment, notamment en anticipant la conversion du squelette structurel et la possible ampliation des plateaux construits», expliquent-ils. «Le jeu de surfaces, de plans verticaux, de dialogues visuels, d’équilibre et de proportions encadre l’espace autour de l’axe Seine-Arche, l’hôtel en forme de ‘L’ dessine un volume sans le délimiter, offrant des vues sur l’ensemble du complexe Seine-Arche».
C’est à des détails que l’on retrouve les contraintes du site. Puisqu’il fallait à l’arrière prévoir un espace de retournement pour les bus, le bâtiment est coupé en diagonale et offre sur cette façade des angles supérieurs à 90°. C’est ici, dans les coins, deux par étages donc, que les architectes ont logé les dix chambres accessibles aux PMR requises. C’est là aussi qu’ils ont caché l’entrée du parking, même si un édicule, dont la pointe touche la limite de l’alignement et qui leur fut imposé, vient rompre la composition. A tout prendre, les architectes ont proposé et construit là un nouvel accès piétonnier paysagé qui donne directement sur la terrasse en surplomb du parvis.
Le budget de construction de ce bâtiment n’est pas annoncé. Gageons qu’il est supérieur à celui d’un CitizenM de base conçu en atelier. La volonté du groupe de se rapprocher des centres-villes, à Paris et New York entre autres, implique par nécessité une redéfinition du concept autour d’une d’architecture contextuelle. C’est la limite du modèle modulaire original. Les citizens s’en remettront-ils ?
Christophe Leray
*Catherine Sabbah – Les Echos 26 septembre 2016
**L’EPADESA est appelé à devenir au 1er janvier 2018 l’Établissement public Paris-La Défense.