Le 4 novembre 2003, Roland Peylet, conseiller d’Etat, remettait à Jean-Jacques Aillagon, ministre de la Culture, un rapport commandé par icelui concernant une étude des PPP à l’étranger, plus particulièrement chez les Anglais. Roland Peylet, homme intègre sans doute, sonnait l’alarme. Son rapport fut dûment enterré. Requiem.
En ce gouvernement d’alors, des ministres s’inquiétaient déjà de cette mariée trop belle et s’en firent écho. Ces messagers furent, en dû calendrier, proprement exécutés. Il n’était pas question ici d’intelligence mais d’idéologie – le marché sait mieux que vous ce qui est bon pour vous, en résumé -, ce que ces ministres – Aillagon et de Robien – pour rendre hommage à leur courage – n’avaient pas compris. Il ne faut jamais sous-estimer l’appât du gain, comme disait l’autre.
D’aucuns nous reprocheront sans doute de revenir souvent sur ce sujet, les PPP. Ils sont nombreux de fait les architectes qui y sont confrontés, voire contraints, et en font un métier. Comment les blâmer ? Ils en sont les damnés, soumis, en guise d’architecture publique selon la loi de 77 etc. etc., à des intérêts privés. Privatisation de l’éducation, de la justice, de la santé, des prisons, n’est-ce pas le sens de l’histoire ? Et là où il y a de l’histoire, n’y a-t-il pas l’architecture ?
Nous avons déjà écrit ici du coût faramineux du futur PPPentagone à la française. Encore ne savions-nous rien.
C’est peu sans doute qu’en Seine-Saint-Denis on vende l’école au kilo : pour trois écoles en PPP, la quatrième gratuite. Manquerait que l’une d’elles soit construite rue Pailleron.
C’est plus sans doute quand le quotidien Libération* nous apprend que l’hôpital Sud-Francilien à Corbeil, Essonne – PPP emblématique s’il en est, ne coûtera-t-il pas la bagatelle de €1,2 milliards (oui, milliard) ? – est «terrifiant».
En voici la description d’Eric Favereau, spécialiste au sein du journal parisien des questions de santé et de recherche médicale. «Les hôpitaux high-tech seraient-ils condamnés à être à ce point sans chaleur. On se croirait dans un aéroport. Ou bien dans un hall commercial déserté. Une architecture terriblement froide. Des couloirs sans fin, de près de 100m, des kyrielles de chambres qui se succèdent. Plus de 1.000 lits sont prévus». On vous passe la fiche technique.
L’auteur de l’article ne cite pas – par charité ? – l’agence auteure de cet hôpital accueillant. Nous ne le ferons pas non plus. Tout simplement parce que nous savons que n’importe quel architecte, fût-il maître d’oeuvre, ne signerait tel ouvrage, l’hôpital panoptique.
Même si en terme d’architecture hospitalière ces architectes ne sont pourtant pas manchots, en PPP, ils n’ont plus, d’évidence, la maîtrise du projet. C’est le lot d’actionnaires ayant autres priorités que l’architecture. C’est un fait. Même si des intérêts communs se rencontrent parfois, ne jamais sous-estimer l’appât du gain. De fait, là, soudain – il est question de santé publique, ne l’oublions pas -, ça se voit.
Eric Favereau nous apprend encore que la mise en fonctionnement de l’établissement cité ci-dessus a pris un an de retard. Il écrit d’anomalies cocasses – «comme ces bras articulés dans les blocs opératoires qui ne peuvent se croiser» – et d’autres «plus graves», telle l’installation électrique pas aux normes. Détails sans doute.
Toujours est-il qu’à l’heure où les avocats des deux parties font les comptes qui font les bons amis, la facture des 8.000 réserves est estimée déjà à 100 millions d’euros. Presque 10% du coût déjà faramineux «du plus grand chantier réalisé en PPP sur la période 2006-2011» dont se félicitent les ministres de la santé successifs !
Il n’y a pas encore un lit d’occupé.
Voilà qui va donner des suées et du grain à moudre aux avocats des parties du PPBalard.
Christophe Leray
* ‘Silence, hôpital high-tech fantôme’, de Eric Favereau, 19 septembre 2011
Cet article est paru en première publication sur le Courrier de l’Architecte le 21 septembre 2011