Même sur une toute petite opération, le logement social peut être source d’innovation. En témoigne le projet de vingt logements sociaux réalisés à Dijon par Ateliers O-S (Vincent Baur, Guillaume Colboc et Gaël Le Nouëne) en béton blanc matricé préfabriqué. Présentation.
En première couronne de Dijon, ce projet de 14 appartements et 6 maisons de ville devait s’insérer dans un quartier urbain cossu constitué de maisons et petits immeubles et marqué de textures minérales. «Nous apprécions le béton», indiquent les architectes lors d’une rencontre dans le quartier de Belleville à Paris, pas loin de l’agence.
Au moment du concours, en procédure adaptée, les trois associés s’interrogeaient déjà sur les façons de créer du béton qui, tout en conservant ses qualités intrinsèques, puisse offrir un véritable intérêt esthétique. D’autre part, pour y avoir déjà réfléchi et testé sur un concours à Grenoble, ils poursuivaient des recherches autour de l’idée que la préfabrication peut garantir une qualité constante dans le cadre d’un budget sans surprise.
«A Dijon, nous souhaitions un principe d’éléments préfabriqués en béton blanc, lisse et matricé, et surtout pré isolés», expliquent-ils. Sur un autre projet, ils avaient rencontré le pré fabriquant Jousselin, une entreprise du Maine-et-Loire, qui elle-même développait un système de pré mur isolé et souhaitait le tester pour du logement. La volonté partagée des maîtres d’œuvre et de l’entreprise a fini de convaincre le maître d’ouvrage de cautionner l’expérimentation.
«Nous avons proposé une façade en béton blanc dont le grain et la teinte se rapprochent de ceux des clôtures voisines. Dans les niveaux supérieurs, le calepinage des panneaux et des ouvertures vitrées suffit à dessiner une géométrie sobre et élégante», disent-ils. De fait la question du dessin de la façade, dans le cadre d’une construction modulaire, est essentielle. «La préfabrication n’est pas forcément synonyme de répétitivité. Il y a certes des détails à développer mais elle offre une certaine liberté qu’il s’agisse de l’esthétisme ou du langage». Le paradoxe de ce projet est en effet celui d’un petit projet préfabriqué et pourtant sur mesure.
Une subtilité qui avait échappé aux riverains, vent debout contre le projet : pensez donc, du logement social ! En béton !! Avec des toits plats !!! Un conseiller municipal d’opposition dénonçait dans la presse locale «l’exemple même du bétonnage stupide» tandis que des voisins tout aussi inspirés s’exclamaient avec élégance : «nous ne sommes pas des bovins, non aux stabulations». Un autre à la vision particulièrement novatrice de la ville accusait : «nos élus parlent souvent de la beauté des toits bourguignons, ils sont où là les toits bourguignons ?».*
Les architectes ont pourtant soigné l’intégration. Le jeu d’échelle, en regard du PLU et des retraits, a permis de décomposer le projet en deux entités distinctes. La première sur rue regroupe les quatorze logements dans un bâtiment R+3. «Tous les logements possèdent une double orientation et sont desservis par un escalier éclairé naturellement. Les paliers de chaque niveau sont éclairés par une large baie en façade, participant à cet effet d’ouverture voulu dans le projet», expliquent les architectes. La deuxième partie du projet est constituée de six maisons de ville duplex en bande, chacune possédant un jardin exposé au sud-ouest.
Dans le cadre de la préfabrication, il a fallu en amont beaucoup dessiner et contrôler, autant pour maîtriser le coût de construction et les délais que pour obtenir l’aspect minéral et durable de la peau béton et pour anticiper l’imbrication des panneaux. «Tout dessiner nous a aussi permis de rassurer l’entreprise et les maçons, de montrer que c’était possible», disent-ils. Un travail d’anticipation qui leur a au final fait gagner du temps sur le chantier.
Pour un coût global de 1,9M€ HT et 1 200€/m², c’est justement cette maîtrise des coûts de la préfabrication qui leur a permis d’offrir à leurs logements des prestations de qualité : menuiseries bois, parquets, une séquence entrée/porche/patio pour un espace de vie partagée.
Bref, l’innovation dans le domaine du logement, social ou non d’ailleurs, n’est pas forcément onéreuse. Livrée en septembre 2015, l’opération a finalement fait taire ses détracteurs.
Christophe Leray
*Citations puisées dans l’article non signé intitulé ‘Rue de Larrey, «beau projet» ou «bétonnage» ?’ paru le 3 juillet 2013 dans Infos-Dijon.