Pour la première fois de son histoire, le Prix Versailles, qui célèbre cette année son dixième anniversaire, a dévoilé le 13 juin la liste 2024 des Plus beaux musées du monde : sept musées, nouvellement ouverts ou rouverts, qui servent à la fois la créativité, l’écho au patrimoine local, la performance écologique, et témoignent d’une empreinte exceptionnelle. Les lauréats.
Tous ces musées concourront pour l’attribution de trois Titres mondiaux 2024 (Prix Versailles, Mention Intérieur, Mention Extérieur), dont l’annonce interviendra au Siège de l’UNESCO fin novembre 2024.
« Les musées proposent des cadres singuliers, propices au dialogue entre les cultures. Portés par la technologie, ils permettent aujourd’hui des expériences toujours plus immersives, participant à la diffusion des savoirs, à la formation du goût des visiteurs. En créant la Liste des Plus beaux musées du monde, nous avons également souhaité insister sur l’importance de l’émerveillement, qui élève le regard et implique de se laisser surprendre. Par ce qu’ils sont, et ont vocation à être, les musées contribuent pleinement aux objectifs d’un développement durable intelligent », souligne Jérôme Gouadain, secrétaire général du Prix Versailles.
Prix Versailles 2024 – Les plus beaux musées du monde
Musée d’art A4
Chengdu, Chine
Luxehills, en banlieue de Chengdu, est une petite colline qui présente une caractéristique architecturale particulière puisqu’elle a été, au détour du nouveau millénaire, strictement urbanisée selon le modèle d’une ville de Toscane, avec au sommet le club, l’église et un musée d’art : A4.
Dans l’une des villes les plus peuplées de Chine, rénover et restructurer un musée bâti sur des plans italiens du XVIIIe siècle était un défi immense.
Pour s’inscrire dans l’échelle du site, le bâtiment d’origine a été divisé en étages : trois en surface et deux en sous-sol, ces derniers offrant d’impressionnants espaces d’exposition tandis qu’en surface demeure le visage bucolique et accueillant d’une place florentine.
Défi relevé par Tektonn Architects, une agence fondée à Paris et, depuis 2018, établie à Chengdu ; d’où sans doute le lien sensible du musée avec l’étonnante histoire d’un quartier pittoresque et pourtant contemporain.
Grand Musée égyptien
Gizeh, Egypte
Dans le vaste atrium du Grand Musée égyptien, le roi Ramsès semble introduire le visiteur dans les méandres du temps. Il importe peu à la divinité qu’il ait fallu vingt années pour construire ce nouveau palais, l’agence Heneghan Peng Architects ayant remporté le concours en 2003 : en ce lieu, le roi Ramsès a tout le passé et tout le futur devant lui.
Les anciens Égyptiens utilisaient la quatrième dimension dans leur conception pour que le soleil soit face au roi ; aujourd’hui ils illuminent l’entrée d’un commun accord.
Après avoir admiré des richesses inouïes, après avoir gravi le grand escalier, arrivés au dernier étage, en lisière du plateau de Gizeh, les visiteurs découvrent les trois pyramides de Khéops, Khéphren et Mykérinos. Ils pourront alors songer « que, du haut de ces pyramides » et dans ce musée, quarante siècles d’histoire les contemplent.
Musée du tremblement de terre de Smritivan
Bhuj, Inde
Les catastrophes naturelles ne font pas de distinction d’âge, de sexe, de religion. Ainsi en fut-il pour les 12 932 victimes du séisme (7,6 sur l’échelle de Richter) à Smritivan, dans l’État du Gujarat. Le mémorial et le musée, conçus par l’architecte Rajeev Kathpalia, accueillent de cette manière 12 932 arbres nouvellement plantés sur ce site de 80 hectares, irrigué grâce à la construction de 50 réservoirs de recharge sur lesquels sont gravés 12 932 noms.
En lieu de terre aride et dévastée, il y a désormais une forêt luxuriante devenue l’écrin d’un musée inspiré de l’architecture vernaculaire et des ruines de la forteresse surplombant le site. Un chemin sinueux, qui relie les différentes galeries du musée inscrites dans la pente, souligne la dramaturgie du terrible évènement autant que l’apaisement né de la renaturation.
Éloge de la résilience, Smritivan est devenu un lieu de pèlerinage et un refuge pour qui cherche le réconfort dans la nature.
Musée d’art Simose
Hiroshima, Japon
L’architecte Jean Nouvel, prix Pritzker 2008, l’avait imaginé dès 2002 pour Expo.02, à Morat en Suisse, un monolithe éphémère de presque 4 000 tonnes, pourtant léger et semblant flotter à la surface du lac. Une odyssée de l’espace ! Ce que l’un a rêvé, Shigeru Ban, prix Pritzker 2014, l’a magnifié au Musée d’art Simose avec huit galeries mobiles gainées de verre coloré qui s’illuminent la nuit sur un écran d’eau miroir, paysage symbolique amplifiant le paysage de la mer intérieure de Seto et évoquant la beauté des îles Setouchi.
L’ouvrage se fond dans le jardin des fleurs et plantes de saison utilisées comme motifs par l’artiste et designer français Émile Gallé (1846-1904), dont les œuvres constituent une partie importante de la collection du musée.
Malgré l’ambition du propos, la canopée qui les accueille offre aux visiteurs une échelle bienveillante.
Paleis Het Loo
Aperdoorn, Pays-Bas
L’extension du Paleis Het Loo, l’un des musées les plus renommés et les plus fréquentés du pays, s’inspire des proportions du palais baroque et de son environnement historique.
Construit en 1686 comme palais de chasse royal, le palais devient résidence du roi-stathouder Guillaume III et de son épouse Marie II Stuart. Pour créer un équilibre entre existant et contemporain, une extension monumentale nappée de lumière naturelle a été construite sous le parvis.
C’est ici que réside la beauté du geste de KAAN Architecten qui a eu l’intuition de rendre hommage aux installations hydrauliques des jardins historiques du palais en créant de nouveaux bassins peu profonds qui, outre de refléter le palais monumental, laissent pénétrer la lumière du jour, créant un effet brillant en dessous.
Cette conception permet au Grand Foyer de devenir le cœur battant d’une œuvre sobre et élégante, à la hauteur de l’imaginaire fastueux associé au terme de palais.
Musée « Oman à travers les âges »
Manah, Oman
Puisant dans une histoire géologique de 800 millions d’années, le Sultanat d’Oman propose une nouvelle étape grandiose et incontournable.
Située aux portes du désert, à 160 kilomètres de Mascate, la ville de Manah est riche de ses monumentales citadelles du XVIIIe siècle. Elles témoignaient déjà d’un goût remarquable du pays pour l’architecture et la technologie.
Tandis que se profile à l’horizon le paysage extraordinaire des monts Hajar, la flèche du nouveau musée « Oman à travers les âges » de Cox Architecture révèle la beauté et la puissance de ces « montagnes secrètes » dont les cols culminent à 2 000 m.
OEuvre signal, elle indique aux voyageurs qu’une nouvelle destination les attend là, dans le paysage aride, qu’une oasis contemporaine accueillante, protectrice face aux éléments, est désormais l’écrin d’une culture séculaire et une ode à l’ingénierie omanaise.
Musée de l’Histoire polonaise
Varsovie, Pologne
Le programme de ce musée de l’Histoire, un monolithe de pierre, est subtilement gravé dans ses murs. Situé dans la citadelle de Varsovie, à côté du musée de l’Armée polonaise et du musée de Katyn, le site est d’autant plus lié à l’histoire du pays qu’il fait partie de ce qui est aujourd’hui l’un des complexes muséaux les plus grands et les plus modernes d’Europe.
L’inspiration de l’agence WXCA a été de vêtir les façades avec des dalles de marbre disposées en bandes horizontales soulignant la structure stratigraphique de la pierre, ce qui a permis de diversifier les différentes sections en termes de tonalité et de texture.
Les reliefs de ce calepinage audacieux jusqu’à l’abstraction font référence à l’histoire de la Pologne à travers des symboles choisis de son architecture depuis l’époque médiévale jusqu’à la modernité du XXe siècle. Pour le visiteur attentif, le programme du musée de l’Histoire est inscrit dans ses façades.