Au cœur du Marais, rue Vertbois dans le IIIe arrondissement de Paris, Jacques Moussafir a livré en 2022 la réhabilitation d’un immeuble des années ’70 accueillant un programme mixte de local commercial, de bureaux et de trois logements. Surface taxable : 1 507 m² ; surface plancher : 1 134 m². Budget : 4 M€ HT. Communiqué.
Cet immeuble tertiaire de dix niveaux conçu dans les années ‘70 par l’agence Biro Fernier est un rare témoin de la période des Trente glorieuses dans ce secteur. Il est composé d’une ossature en béton armé de sept étages sur trois sous-sols de parkings présentant des technologies de précontrainte innovantes pour l’époque, une voûte inversée supportant un jardin suspendu en cœur d’îlot et un profil mansardé avec six lucarnes de toit couronnant le bâtiment, le tout en béton banché.
Bien qu’inséré dans un quartier préservé composé exclusivement de bâtiments anciens, il a été jugé sans intérêt patrimonial par les ABF facilitant ainsi la transformation de sa distribution intérieure et de son enveloppe.
Une structure neutre et générique
A l’image des plateaux libres sans piliers intermédiaires, la principale qualité de la construction d’origine résidait dans son caractère neutre et générique. C’est cette appréhension du bâtiment en tant que structure qui a guidé les choix architecturaux, depuis l’insertion d’éléments intérieurs (escaliers, garde-corps, revêtements de sols et de plafonds) jusqu’à la conception de l’enveloppe en passant par le choix des matériaux et les détails de leur mise en œuvre.
Ainsi les escaliers et garde-corps, tout comme les façades, ont été conçus comme des éléments rapportés de serrurerie, le plus souvent suspendus et dissociés de la structure béton afin de mettre en évidence le caractère « porteur » de la coque d’origine par rapport aux éléments « rapportés ».
Le rideau de façade conçu par Inside Outside
Un rideau de façade de dix mètres de haut, avec la silhouette d’un grand arbre ‘Prunus Lusitanica’ (laurier du Portugal), donne un nouvel élan à la rue du Vertbois. Résultat spectaculaire d’une étroite collaboration entre Inside Outside (Amsterdam) et Moussafir Architectes, le rideau extérieur recouvre la façade de cet immeuble au cœur du Marais.
L’architecture textile est devenue la signature du studio Inside Outside, sa flexibilité initiant souvent la transformation immédiate de l’intérieur et de l’extérieur. Pour ce projet, un rideau d’ombrage a été développé à l’extérieur de la façade en verre et acier. Ce rideau en quatre parties indépendantes se déploie sur les quatre niveaux côté rue. D’une part, son rôle est de filtrer la lumière et les vues toute en rafraîchissant les espaces intérieurs, d’autre part il dialogue avec l’architecture du bâtiment afin de parachever la composition de la façade.
Le rideau a pour spécificités une ondulation dont le mouvement est contrôlable par étage ainsi que des effets d’éclairage sur toute la surface de la maille en PVC grâce à l’intégration discrète de LEDs. Des perforations circulaires définissent le dessin du profil de l’arbre, rendant la maille perméable au vent tout en projetant des tâches ludiques de lumière naturelle vers l’intérieur. Un imprimé gris-bleu uni reconstitue l’image du Prunus Lusitanica sur l’ensemble des cinq étages du bâtiment. Le rideau s’ouvre et se ferme grâce à un système motorisé avec des capteurs intégrés.
Des logements comme des bureaux
A l’image de la façade sur rue tramée sur un pas de 1,36 m et de celle sur jardin de dix mètres sans porteur intermédiaire, la rationalité du système poteau-poutre a permis de passer d’une affectation monofonctionnelle à un programme mixte superposant des logements à des bureaux et à un ERP. « La mise en évidence de la structure nous a incité à ne pas différencier espaces d’habitation et de travail, à concevoir les logements comme des bureaux et les bureaux comme des logements dans une volonté d’intégrer une mixité d’usages à une micro-échelle », souligne Jacques Moussafir.
Principes modernistes et esthétique brutaliste
Au-delà de démontrer la polyvalence d’une structure banalisée, le propos vise à affirmer la pertinence des principes modernistes du bâtiment d’origine (plans libres, grille et façade libre au nord, bandeaux de fenêtres continues au sud) et à mettre en valeur son esthétique brutaliste par la mise en évidence de sa matérialité.
Les fenêtres insérées dans la grille et les précédents habillages en pierre agrafée cachant la structure de la façade laissent place à une superposition de vitrines continues exposant la structure brute de la nouvelle façade. Celle-ci est suspendue par des plats verticaux en acier axés sur les poteaux béton et butonnée sur la tranche des planchers conservés. Elle s’écarte de la grille structurelle et intègre dans l’intervalle des radiateurs en allège sous des assises intérieures ainsi qu’un dispositif de double occultation textile (rideaux en toile enduite) et menuisé (volets en bois) permettant de graduer la lumière et le degré d’intimité.
Côté cour, le mur rideau lisse et sans épaisseur caractéristique du Style International a laissé place à un jeu complexe de volumes déhanchés accrochés aux poutres allèges générant des espaces intermédiaires, sortes de banquettes largement vitrées surplombant le jardin et proposant des angles de vue variés. L’idée est de passer d’une conception diaphane de la façade à une épaisseur habitée dans laquelle on peut se tenir entre intérieur et extérieur, debout, assis ou allongé.