Une situation faubourienne plaçait le projet à un endroit où la toponymie fait se croiser un boulevard (Jules Vernes) et une route (de Paris), semblant révéler un point de basculement entre ville et périphérie. C’est là que Thibaud Babled a inséré le siège de PELNM, des bureaux pour Pôle emploi et 37 logements. Programme mixte ? Visite.
Quartier de la Haluchère, à Nantes, par une belle journée de fin d’été. C’est en longeant l’édifice en tramway que le regard se pose pour la première fois sur le bâtiment conçu par l’agence de Thibaud Babled, architecte et urbaniste, ancrée à Paris mais aussi au Pays Basque.
A deux pas du périphérique, à l’est de la ville, un site anciennement coupé par des réseaux viaires et ferroviaires poursuit sa mue. Face au nouveau hall de la gare Haluchère-Batignolles, entre un agglomérat de pavillons et de halles industrielles, surgit donc un ensemble de verre et d’aluminium.
De quoi faire jaser dans le voisinage : «C’est vous l’architecte de ce bâtiment ? Argh ! Moi, je suis pour les maisons». Pourtant, ici, point de vieilles bâtisses à préserver mais pour l’architecte un ensemble à composer dans le cadre d’un programme mixte inhabituel. En effet, l’immeuble superpose et juxtapose l’un des six pôles de Nantes Métropoles, celui d’Erdre et Loire (PELNM), des bureaux pour Pôle emploi, 37 logements du Groupe CIF et, de surcroît, des cabinets médicaux. Un défi. Livré en 2018, l’ouvrage compte 5 105 m² SDP pour un coût des travaux de 8,5M€.
Révélant le point de basculement du boulevard Jules Verne qui se prolonge en route de Paris, un cube translucide aux faces homogènes constitue la pierre angulaire du projet. Les espaces tertiaires y sont majoritairement contenus. Les bureaux de Pôle emploi occupent les deux premiers niveaux, avant de se poursuivre en arrière de l’ilot dans un pavillon bas au sein du jardin. Dans les étages du cube, les bureaux superposés du PELNM sont organisés en plan selon un principe d’anneaux concentriques.
«La maîtrise d’ouvrage a accepté notre proposition de concevoir l’accueil à l’étage, ce qui nous a permis de façonner autrement la mixité de ce site», précise Thibaud Babled, l’architecte, lors de la visite de presse en septembre 2018. Point fort du projet, l’accueil est contenu dans un atrium central, recouvert d’une verrière, et délimité sur son pourtour par des colonnes de béton préfabriqué. Prismatiques, leurs bases triangulaires et leurs chapiteaux carrés ont de quoi faire rougir Perret.
La banque d’accueil, au-dessus de laquelle gravite une épaisse boîte translucide, est disposée sur les côtés latéraux de cet atrium rectangulaire. En face, la très délicate transparence des escaliers a été temporairement obturée par une vitrophanie reprenant les codes graphiques de Nantes Métropole, à l’initiative des femmes occupant le bâtiment et qui craignaient que l’on observe le dessous de leur jupe. Décidément, cette architecture a de quoi faire rougir.
Autour, une galerie ouverte délimite les espaces de circulation, lesquels mènent vers des bureaux dont la faible profondeur assure un maximum de luminosité. Processus quasi habituel aujourd’hui, les planchers techniques laissent apparent les sous-faces des dalles béton en plafond sur lesquelles sont simplement assujettis les panneaux rayonnants pour le chauffage. Des prémurs isolés en périphérie, alternés à des châssis ouvrants double vitrage toute hauteur, constituent le parement des espaces de travail. De quoi assurer une construction rapide : un étage par semaine, précise l’architecte.
Sur le pourtour extérieur du cube, un balcon filant en simple caillebotis est enchâssé dans la double peau. Espace de médiation entre les bureaux et l’urbain, ce dispositif nuance les rapports à l’extérieur, aussi bien thermiques qu’acoustiques. La seconde peau alterne des panneaux pleins fins, en panneaux pleins d’aluminium anodisé, compris entre deux épines d’aluminium extrudés ; leur ouverture manuelle assurant une part de la ventilation naturelle.
Ces panneaux alternent avec des panneaux vitrés fixes, des verres extra blancs simple vitrage, légèrement inclinés, ménageant ainsi une lame d’air verticale. Pour atteindre les objectifs de consommation inférieure à 50 kWh/m² par an fixé par la maîtrise d’ouvrage, ventelles, clapets, et autres exutoires sont ajoutés, facilitant la circulation de l’air. «Heureusement, la façade a été regroupée en un seul lot, ce qui a évité de nombreuses complications», souligne Thibaud Babled.
Sur le boulevard, en proue, se juxtapose au cube de verre dédié au tertiaire un ensemble de logements en R+6, dont la façade, composée des mêmes verticales, poursuit le dialogue avec son voisin. Privilégiant des logements d’angles, l’opération se poursuit le long d’une venelle piétonne perpendiculaire. D’une échelle plus domestique, les logements traversants, orientés pleins sud, montent jusqu’en R+2, et s’ouvrent en arrière sur un espace jardiné. Chaque logement bénéficie de prolongements extérieurs. Des celliers qui assument aussi la fonction de pare-vues sont utilement disposés sur ces balcons.
Bien que commandés par le Groupe CIF, une coopérative du logement abordable, selon une politique municipale affirmée par Nantes, ces logements en accession ne sont pas si abordables que cela. Ils sont ici vendus à près de 3 100 € du m², là où le groupe, pour d’autres logements ‘abordables’, pratique habituellement des tarifs de l’ordre de 2 500 € du m².
Quoi qu’il en soit, le prix, somme toute habituel en regard de ce qui se pratique à Nantes, n’est qu’un élément de l’esthétique d’un l’ensemble où des volumes subtilement différents se ressemblent pour former un tout.
Amélie Luquain