Cuisine américaine, un film réalisé par Justine Pluvinage, est une balade architecturale et intime, entre réel et virtuel. Ce film confronte la vision idéaliste de l’architecture et du projet urbanistique à la réalité du bâti, des locataires et du quotidien.
« J’aime pas les gens qui sont heureux tous les jours ».
Le 1er novembre 2013, j’emménage dans un HLM. Ce logement neuf accueille un projet expérimental : le bailleur social souhaite favoriser la vie communautaire entre les habitants, encourager le vivre ensemble et la rencontre de voisinage. Avec une volonté de mixité sociale, ils ont réservé trois appartements à des artistes. J’habite donc l’un d’entre eux.
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Comme je suis d’une timidité maladive, si ça n’avait tenu qu’à moi, il ne serait rien passé, mais rien du tout. Un soir, le 10 novembre 1999 à 20h05, quelqu’un est venu taper à ma porte pour m’emprunter du sel – qui était Nadia – et puis, une fois que je lui ai donné le sel, m’a dit écoute : je n’ai pas l’habitude de dire ça mais je crois que j’ai des sentiments pour toi. […] Et ça fait 15 ans.
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C’est vraiment une animalerie ici : j’ai un chien, un chat et un cochon d’inde. […] Somme toute, ça fait un peu de vie quand même.
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Enfin c’est long, c’est très très long : à qui veux-tu que je parle ? Ma fille est à l’école, toute la semaine, sauf le samedi. Il y a de quoi devenir folle. […] Ma Tv marche du matin au soir. C’est ma compagnie. […] Je fume trop. C’est ma deuxième compagnie : ma cigarette.
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J’aime bien voir les autres et moi ça ne me gêne pas que l’on n’ait pas de rideau, que les gens nous voient. Ce n’est pas ma grande préoccupation. J’aime bien voir les gens chez eux aussi. Quelque part, ça me rassure.
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Aujourd’hui, je peux te dire : oui, je suis heureux. Et puis, demain, peut-être que je te dirais non, pas tant que ça. Euh… moi j’suis… J’ai un p’tit côté sombre comme ça : j’aime bien parfois me lever et me dire j’suis pas heureux. J’aime pas les gens qui sont heureux tous les jours. J’aime pas.
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Il y a 2 choses dont je suis fière. Le logement en fait, il n’y a pas grande expérimentation sauf une idée forte. Il y a cette méga pièce avec la fenêtre panoramique. C’est vrai que quand on ouvre la porte et qu’on est devant ces très grands espaces, j’ai pas l’impression d’être dans un HLM. C’est immense, ouvert.
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Je m’enregistre, en fait. […] Hier, j’ai fait du Johnny, avant-hier, euh… j’sais plus celle-là. (Capri, c’est fini). […] J’passe mon temps… Si j’le fais, c’est parce que j’ai des raisons.
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Vraiment, je trouve que c’est très beau mais, euh… rien n’était prévu pour le travail du gardien.
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J’ai du mal euh… à m’habituer. Moi, ce que j’aime pas trop ici, c’est, comment, les coursives, la fenêtre de chambre qui donne sur la coursive, le mur qui communique avec la cuisine de la dame à-côté. C’est tous des problèmes que j’aime pas trop quoi. Parce qu’on entend les gens parler, donc une chambre à coucher quand on entend les voisins parler : c’est un peu gênant et j’me sens pas, comment… en sécurité.
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C’est la voisine du dessus, c’est Talia. Tu vois, ça, c’est important, des bruits de pas et je trouve ça bien. Il y en a qui ne supporteraient pas mais moi j’aime ça. Savoir qu’il y a des gens en haut, en bas, sur les côtés, je trouve ça bien. C’est pour ça que je ne pourrais pas vivre à la campagne.
Synopsis
« Aux mots des voisins se superposent des bribes de vie quotidienne. Cuisine américaine est une déambulation, une balade, une plongée dans un immeuble, mon HLM. De long en large, le film déroule son mouvement, il prend de la hauteur, appréhende le dédale, se faufile dans le bâti. Il pénètre les appartements, sonde l’architecture au regard de l’humanité qui la vit », explique Justine Pluvinage
Née en 1983 à Roubaix, France, Justine Pluvinage vit et travaille à Lille. Cuisine américaine est une oeuvre produite par Le Fresnoy – Studio national et a été présentée dans le cadre de l’exposition Panorama 17, sous le commissariat de Didier Semin.
Cuisine américaine : le film