L’architecte Lionel Dunet est parvenu à inscrire l’extension résolument contemporaine d’une maison individuelle dans le cadre du paysage urbain traditionnel d’un village de Bretagne. Un résultat bluffant où le béton et la pierre donnent le ton d’une harmonie entre l’ancien et le neuf.
Présentation de Lionel Dunet (St Brieuc, 22)
« La maison est située dans un petit village en banlieue de St Brieuc pour une famille ‘reconstituée’. C’est un programme original car il s’agissait de concevoir, en sus d’une extension classique, un atelier de peintre-sculpteur, activité de l’épouse, et un grand garage destiné à offrir un cadre pour la passion pour le karting de l’époux et de leur fils. Mais la vraie originalité est dans la conception ‘inversée’ de l’espace puisque le séjour est dans les combles.
Il y avait au départ une maison traditionnelle à un étage avec un vieux garage et un terrain libre, le tout au bord de la nationale en entrée de bourg, un lieu urbain donc. Surtout la maison avait des combles très intéressants. En faisant ‘basculer’ le séjour, cela nous a permis d’offrir une superbe vue sur la Baie de St Brieuc et sur les villages alentours ainsi que de concevoir une terrasse de 40m² au-dessus de l’atelier. L’idée de cette inversion est venue très tôt, lors de la première visite de la maison, et les maîtres d’ouvrage y ont immédiatement adhéré puisqu’ils y avaient eux-mêmes pensé.
Il s’agit d’un ouvrage qui devait répondre aux trois usages désirés par les clients. La partie neuve est relativement monolithe mais elle occupe les trois fonctions. Du coup, le rez-de-chaussée de l’ancienne maison a été aménagé (dans les anciennes pièces de service) afin d’être dédié aux enfants – deux chambres – qui ne résident pas dans la maison de façon permanente, tandis que l’on trouve dans l’extension d’une part le garage et son atelier et d’autre part l’atelier de sculpture/Hall d’exposition.
Pour ce dernier, il nous fallait résoudre un paradoxe. D’une part, le hall d’exposition est comme son nom l’indique, destiné à être vu de la rue alors que pour l’artiste, quand il y travaille, rien n’est plus déplaisant que ce sentiment d’être en vitrine. C’est ce qui explique la bande vitrée de l’architecture extérieure. Il s’agit bien d’une sorte de vitrine, mais au sens muséographique du terme ; on peut voir les sculptures sans pour autant que l’espace soit constamment ouvert aux regards. C’est le même principe qui guide la conception de la mezzanine dans cet atelier. Un grand carré vitré permet de montrer les grandes sculptures tout en protégeant l’intimité du lieu.
Pour en revenir à la maison proprement dite, le premier étage est consacré aux parents et au fils, trois chambres et un petit salon, tandis que le second étage est celui des pièces de vie, un grand séjour – inondé de lumière avec des fenêtres de toit – et ouvrant sur la grande terrasse. Nous avons prolongé la toiture pour donner une unité à l’ensemble, unité concrétisée par ce séjour qui chevauche les deux entités.
Pour ce qui concerne l’aspect extérieur, comme l’ancienne maison était recouverte d’un enduit très laid, nous avons fait le pari de la pierre existante, redonnant ainsi en quelque sorte ses lettres de noblesse (rires) à l’architecture de Bretagne, pierre et ardoise. C’était aussi le moyen d’intégrer l’architecture contemporaine dans l’ancien. Nous avons trouvé un très bon maçon qui a su trouver une réponse pour mettre en valeur cette maçonnerie ancienne qui s’accorde parfaitement avec le béton brut de l’extension contemporaine. De ce point de vue, ce fut très intéressant de travailler avec les maîtres d’ouvrage tant il est difficile de faire une bonne architecture contre le maître d’ouvrage. En l’occurrence, ils ont adhéré à l’idée que le béton est un matériau vivant et nous en avons donc gardé les petites imperfections.
Le terrain nous a permis de réaliser la partie moderne en double-plan, c’est-à-dire qu’elle est avancée de 90cm par rapport à l’ancien. Ce n’est pas grand-chose mais c’est cela qui nous permet d’accrocher un bow-window à la chambre des parents, qui décalé par rapport à la porte du garage, qui est elle dans l’ancien plan, donne cette impression que les deux entités sont imbriquées l’une dans l’autre et non l’une à côté de l’autre. Ainsi la façade s’inscrit dans la continuité architecturale de la rue. Et comme elle est située à l’entrée du bourg, la maison devient l’amorce de cette urbanisation, l’extension faisant partie de l’ensemble.
De fait, le caractère contemporain de la maison, qui est à quelques pas de la mairie, a été très bien ressenti par les habitants. Je reste persuadé que la matière y est pour beaucoup, l’équivalence de tonalité entre le béton et la pierre, entre l’ancien et le nouveau, est à mon avis le secret de cette intégration réussie. D’ailleurs nous n’avons rencontré aucune difficulté pour obtenir le permis de construire. Au final, c’est presque un projet pédagogique dans le sens où les habitants se sont aperçus que l’architecture contemporaine n’était pas antinomique avec le maintien d’une cohérence architecturale globale ».
Propos recueillis par Christophe Leray
Cet article est paru en première publication sur CyberArchi le 30 mai 2007