Rue Guersant à Paris (XVIIe), LBB (Jean-Lou Boisseau) et Atelier Canal (Patrick Rubin), ont livré en mai 2019, sur 2 100 m², la restructuration et nouvel aménagement du 32.Guersant. Les sociétés locataires de l’immeuble et leurs 1 200 collaborateurs bénéficient désormais d’un univers résolument différent de celui des équipements tertiaires. Communiqué.
«La restructuration du 32.Guersant, avec notamment l’aménagement du socle de l’immeuble, qui offre sur près de 2.100 m² lounge, agora, café, restaurant, patio de plein air, … , répond aux nouveaux usages de nos clients et permet une pleine appropriation par tous leurs collaborateurs de la totalité des surfaces de l’immeuble», explique Thibault Ancely, Directeur Exécutif des Investissements et du Développement de Gecina.
Innovation durable, flexibilité, services, confort… Rue Guersant, le grand accueil signale déjà ce bouleversement des pratiques, l’image du hall est proche de celle d’un lobby d’hôtel, les codes visuels sont brouillés, les éclairages inattendus, les miroirs faux fuyants, les mobiliers domestiques…
Les visiteurs et les utilisateurs profitent de ces vastes espaces entre travail, rencontres et détente, grâce aux connectiques dispersées sur un grand paysage cinématographique.
Lumière naturelle, épaisseur des matériaux, calepins de pierre, tapis feutrés, motifs surdimensionnés, tout participe, entre rez-de-chaussée, rez-de-jardin, salles de réunions, salons et paliers d’étages, au ressenti d’un cadre décalé abritant les nouvelles pratiques et usages du travail.
Unité pour une co-conception
Il est assez inhabituel de faire participer deux architectes au même projet. Pourtant c’est ce que décidait Gecina, en 2015, créant un lien entre l’agence LBB architecture et l’atelier Canal architecture, pour restructurer le bâtiment parisien du 32 de la rue Guersant.
Réhabilitation lourde de l’ancien immeuble de bureaux conçue par LBB, aménagements des espaces intérieurs confiés à Canal. Une des raisons de la réussite de l’opération tient au fait que la conception intérieure au projet n’était pas achevée lors de la rencontre des deux architectes. Le permis de construire venait d’être obtenu. L’hésitation de Gecina, sur la commercialisation de son patrimoine immobilier, entrainera une pause conjoncturelle. En conséquence, les dessins du projet seront suspendus sur une période de six mois. Ce délai d’attente favorisera l’adaptation du programme.
La décision de poursuivre entrainera une co-conception largement partagée entre les architectes des deux structures. C’est ainsi qu’il faut apprécier le résultat obtenu. Pas de conflit, peu de revendication, quelques chicanes bien naturelles et un subtil équilibre des compromis, maitrisé par le directeur de projet de Gecina qui, malgré la complexité d’un chantier en corps d’états séparés et la présence de deux concepteurs, usera de son habilité pour conduire l’opération à son but.Fin 2018, satisfaction des locataires, avec retours très positifs dès leur installation sur le site.
La caricature de l’architecte et du décorateur, produisant deux projets antinomiques, était dépassée. À l’issue de cette expérience, la fluidité perceptible par les visiteurs du 32.Guersant se dirigeant depuis le lounge vers l’agora, passant du café au restaurant, puis au patio de plein air, confirme le récit partagé entre les deux auteurs du projet de la transformation.
Autonomie des composants intérieurs
Le parti-pris consistant à ne pas assujettir les aménagements intérieurs à l’enveloppe architecturale d’un espace donné, par exemple un immeuble de bureaux, est une technique éprouvée qui a existé de tout temps. La perte de nombreux savoir-faire, la recomposition des allotissements de travaux, les usages devenus habitudes ont progressivement gommé l’excellence et l’indépendance de ce qui était communément nommé «lot décoration» conduit par un décorateur-ensemblier.
Bien que le design soit indissociable de l’architecture et au service des usagers, la course aux délais et les nouveaux enjeux économiques ont fini par appauvrir puis formater cette spécificité de l’architecture intérieure. Cependant, c’est cette part de visuels et d’usages qui est offerte à l’appréciation des utilisateurs qui, in fine, travaillent, échangent et vivent dans les ambiances qui leurs sont offertes.
L’histoire de l’architecture, classique et contemporaine, offre, jusqu’au XXe siècle, de nombreuses références sur l’unité de la pensée entre architecture et intérieur : Wright, Aalto, Kahn, Mackintosh, Loos, Scarpa…
Par l’objet de sa commande, certes plus modeste, le projet de la rue Guersant, présentait l’occasion de revisiter ces questions liées aux usages intérieurs. Aussi fallait-il inscrire l’exercice dans le calendrier d’un projet global dont le design n’était pas la seule priorité.
La proposition de déconnecter, grâce à la confiance du maître d’ouvrage, les dessins et les productions des deux chantiers, le lourd et le léger, garantissait la sauvegarde du projet original. La complicité entretenue par les deux architectes concepteurs assurera également la complémentarité des deux sujets.
Artifice des composants
La déclinaison du vocabulaire employé pour les aménagements des espaces partagés ne s’apparente pas aux codes attendus qui fabriquent habituellement l’univers d’un immeuble tertiaire.
Appliqués, juxtaposés ou superposés, un certain nombre d’artifices masquent les structures bâties de l’immeuble effaçant, par exemple, la présence d’un obstacle ou d’une descente de charge. Ces leurres scénographiques jouent avec la vérité de matériaux bien visibles, bétons coffrés, pierres de Vals, charpente en acier… prestations mises en œuvre à l’occasion du premier chantier, le lourd, pour établir un contraste avec les éléments artificiels, le léger, à la fin des installations du second chantier.
La conception des familles de composants est en soi un projet. Écrans acoustiques, tôles cintrées, gorges lumineuses, miroirs trompeurs… constituent ces masques intérieurs nommés composants. Autonomes, manipulables, assemblables, livrés avec finitions, les composants mobiles sont rapidement installés sur site par des compagnons formés à ces modes d’intervention.
Photographie : Jean-François Mollière ; Patrick Rubin ; Hugo Dessis
Design graphique : studio trois tiers