Ici, le bruit des hommes et des machines, constant, obsédant, insupportable, plus encore que l’architecture, rythmait le temps et l’espace. «Nous n’allions pas faire un projet autour du bruit. Alors le bruit est devenu son, puis le son est devenu musique», explique Isabel Hérault. Nouvelle phase de livraison de la conversion du site 9-9 bis de la mine d’Oignies (62) en équipement culturel. Communiqué.
La mine de charbon d’Oignies (Pas-de-Calais) a fermé en 1990, laissant toute une population au chômage et une région en désarroi économique. Restent les bâtiments, superbes monuments industriels réalisés au début du XXe siècle. Le projet de reconquête du 9-9 bis est amorcé en 2005 par le concours lancé par la Communauté d’Agglomération d’Hénin-Carvin (14 communes, 125 000 habitants). Le projet d’Hérault Arnod, lauréat du concours, proposait une programmation autour de la musique et du son.
Ce thème a été choisi en mémoire du bruit intense produit par ce lieu industriel lorsqu’il était en activité et qui est depuis retombé dans le silence de l’abandon. La reconversion de l’ensemble des bâtiments de la salle des pendus est la dernière étape de la transformation du site.
Le projet, inscrit dans une démarche de valorisation touristique et culturelle, comprend un schéma directeur général, la redéfinition du paysage et des accès, les reconversions du bâtiment classé des machines* et l’ensemble de la salle des pendus, ainsi que l’édification de nouveaux bâtiments : un immeuble de bureaux en extension d’un atelier existant, et le Métaphone, architecture expérimentale à la fois salle de concert et instrument de musique urbain (livré en 2013).
Les différents éléments du projet ont été construits successivement pendant dix ans, l’ensemble du bâtiment de la salle des pendus étant le dernier livré.
La renaissance de ce site emblématique repose sur la création artistique et le développement économique. Elle s’opère par la combinaison d’architectures contemporaines associées à la revalorisation des bâtiments existants dont l’intégrité est préservée.
Ensemble de la salle des pendus : changement d’usage et dialogue avec l’histoire
L’ensemble des bâtiments rénovés dernièrement était constitué d’un complexe de vestiaires, de douches et de salles techniques accolées à une immense halle. Dans cette dernière étaient installés les «pendus», un système de crochets et de poulies qui permettait de suspendre au plafond les vêtements poussiéreux et humides des mineurs de retour du fond, tout en optimisant leur entreposage (jusqu’à 2 200 mineurs par jour dans les années 50).
La salle des pendus est une nef de 70 mètres de long, dont la première partie a été construite en 1931 et la seconde en 1965. La nef est bordée de part et d’autre de salles de douches collectives, aujourd’hui transformées en bureaux. L’une d’elles a été conservée dans son état d’origine à titre de témoignage.
Les différents corps de bâtiments, construits entre 1928 et 1970, sont de factures diverses, unifiés par les façades en briques percées de grandes fenêtres. Les charpentes métalliques sont assemblées par boulonnage pour les plus anciennes. Les toitures sont soit en tuiles mécaniques, soit en fibre-ciment, parfois surmontées de verrières.
Cet ensemble abrite aujourd’hui les bureaux de l’administration du site, des salles de musique, de danse, de répétition d’orchestre et de séminaires, des studios d’enregistrement et un plateau télé.
Volumes furtifs
L’installation des fonctions contemporaines impliquait une nouvelle partition de l’espace, la création d’une série de petits locaux isolés acoustiquement. Pour préserver l’intégrité du bâti historique, les grands espaces sont «meublés» plutôt que cloisonnés, selon un principe de «boîtes dans la boîte».
Ce dispositif permet de conserver la perception des volumes existants, laissant filer les perspectives des murs et des toitures. Ces ouvrages intégrés sont habillés de plaques d’aluminium poli qui reflètent les structures enveloppantes. Ainsi, les nouveaux volumes semblent absorber les matières de l’enveloppe d’origine. Les plans d’aluminium donnent un effet furtif à ces objets posés dans l’espace, les allègent et réduisent leur effet de masse.
Le dialogue offert par le reflet des textures du temps passé sur ces surfaces contemporaines synthétise les mutations des grands paradigmes sociaux à l’œuvre depuis le siècle dernier.
Parti de restauration
L’intervention sur les ouvrages anciens a été pensée dans le respect de l’existant afin de préserver l’atmosphère du lieu. Les aménagements intérieurs sont conçus selon un principe de réversibilité, envisageant de potentielles mutations futures.
Les éléments d’architecture comme les structures métalliques, les ponts roulants, les pendus et le gril technique de la nef, les murs de briques, etc., sont conservés et mis en valeur. Certains carrelages d’origine en murs et au sol (carreaux de ciment) sont restaurés. La couleur vert d’eau des murs de la nef, couramment utilisée pendant la première moitié du XXe siècle dans les édifices liés à l’industrie et à la santé, a été restaurée.
L’isolation thermique des bâtiments s’imposait pour rendre les locaux habitables et en contrôler les consommations énergétiques. La modélisation thermodynamique a permis d’améliorer les performances de l’enveloppe en trouvant un équilibre entre les surfaces laissées intactes et des parties surisolées. Côté extérieur les façades, restaurées en 2005, ne sont pas modifiées.
Dans la plupart des cas, le côté intérieur des façades n’est pas doublé pour privilégier la conservation des textures d’origine. L’isolation porte donc sur les toitures, entièrement refaites et isolées au-dessus des charpentes pour les laisser apparentes, sur les verrières qui sont reconstruites en double vitrage et sur les fenêtres, doublées d’un châssis intérieur invisible de l’extérieur pour préserver la finesse des structures. La sous-face des toitures est habillée de planches de bois (ajourées, avec matelas acoustique à l’arrière), à l’image des gares du 19e, début 20e, qui allient structures métalliques boulonnées et plafonds de bois.
Sur le site minier 9-9 bis, le programme de cette dernière phase comptait plateaux et studios de montage TV, salles de séminaires, salles de cours et de répétition de musique et de danse, studios d’enregistrement, administration générale du site, aménagements extérieurs. Surface : 3 578 m² SHON ; coût des travaux : 9 M€ HT.
* Depuis juin 2012, les sites miniers du Nord–Pas-de-Calais (Hauts-de-France), dont les fosses 9-9 bis constituent un élément majeur, sont inscrits au Patrimoine mondial de l’UNESCO en tant que «Paysage culturel évolutif vivant».