La protection du portail de la cathédrale Saint-Maurice d’Angers est un projet atypique, un abri, dont la principale fonction est de retrouver les conditions climatiques qu’apportait la présence d’une ancienne galerie adossée à sa façade occidentale. Présentation.
Cette galerie qui permit une relative conservation du remarquable portail a disparue au XIXe siècle. Afin de retrouver une ambiance climatique favorable, c’est-à-dire plus stable, il est donc demandé de créer, sur son ancienne emprise, une architecture autorisée à adopter une posture contemporaine dans ce contexte spirituel et historique.
Au-delà d’une simple protection du portail, il s’agit de favoriser son exposition à tous, dans des conditions confortables.
Cette opération s’inscrit dans un tissu historique et culturel exceptionnel. Au centre d’un circuit patrimonial, à proximité du fleuve et du Château, son impact dépasse largement celui d’un « objet précieux » en extension d’une cathédrale, pour devenir l’un des points forts d’une promenade urbaine piétonnière dans un site revivifié.
En exprimant avec franchise une modernité respectueuse d’une histoire dans une ville qui s’attache à faire converser les époques, l’influence de cette nouvelle architecture est bien à l’échelle urbaine. Son pouvoir attractif dépendra autant de sa force plastique et de sa force spirituelle que de sa puissance évocatrice et cette prise de conscience a façonné notre proposition.
Le nouvel abri (accueil, vestibule, porche ?) pourrait s’étendre sur la totalité du socle de la cathédrale en s’appropriant les fantômes des voûtes de la galerie disparue. Nous avons rapidement écarté cette hypothèse qui mobiliserait la totalité du bas de la façade au profit d’une extension et détacherait visuellement la cathédrale du sol de son parvis.
En récusant cette possibilité, nous avons privilégié une volumétrie concentrée, d’une ampleur plus modeste, éloignée de l’idée même de galerie. Bâtie sur une emprise mesurée, l’addition offre au premier regard, une apparence étrangère à son environnement. S’affichant comme un signal et une protection, elle désigne au passant l’objet de sa présence.
C’est un paravent, presqu’un auvent, un habit et un abri qui, dans un contexte presque fini, apporte sans ostentation, une incise de modernité. Ce message, prolonge une histoire qui n’est pas que patrimoniale. L’importance accordée à l’entrée autorise un confort d’attente et d’accueil pour des groupes, des rencontres et d’autres activités liturgiques.
Ce projet relève également de préoccupations environnementales et de critères de durabilité qui nous ont orienté vers une sobriété constructive, une texture et une apparence aptes à susciter depuis le parvis, un fort pouvoir attractif. Le choix d’une technique constructive autorisant la réversibilité de l’intervention a également inspiré notre réflexion.
Face à un tel site, les notions de permanence et de temporalité ne sauraient attribuer au projet un langage clairement répertorié. Pour le visiteur distrait, rêvant dans ce tissu remarquable, d’un lieu figé, la reconnaissance d’une époque émergente évoquera l’idée d’un design théâtral fier de se confronter à un lieu sacré sans l’affaiblir ni trahir son identité spirituelle.
Cette greffe prend ainsi l’aspect d’un fragment spirituel et optimiste qui s’adosse à la cathédrale. Si la concordance des temps paraît illusoire, parler de son temps est la seule manière d’être en phase avec les différentes époques ayant contribué à constituer ce lieu.
Le site et ses nombreuses lignes de force – notamment celle des accès au parvis Saint-Maurice par la montée théâtrale depuis le fleuve – sculptent l’enveloppe de l’abri, parfaitement identifiable aux pieds de la cathédrale. Quand le parvis se révèle au fil de la montée, elle s’impose comme un nouveau repère en ce point haut de la ville. Plus que l’intégration, sa posture non invasive recherche l’harmonie avec l’environnement, et sa texture, changeante au gré des heures et des lumières ajoute à cette connivence.
Des plaques en fonte d’aluminium de teinte mordorée organisent une continuité de matière entre les façades et la couverture. Composée à partir d’une trame incertaine de plaques différentes, cette couverture est portée par une structure métallique qui ne repose que sur cinq points porteurs, ce qui réduit l’impact sur les fondations existantes. Des micropieux supporteront une poutraison de faible hauteur destinée à porter la charpente.
L’unité de cette enveloppe s’enrichit de pièces de moucharabié qui participent à la ventilation naturelle en diffusant à l’intérieur une lumière très mesurée. De l’extérieur, ces moucharabiés génèrent une porosité autant thermique que visuelle.
Laissant percevoir les rues en échappées de part et d’autre de la cathédrale, le plan de l’addition s’apparente au dessin d’un entonnoir de 9 mètres de profondeur qui offre aux visiteurs une entrée de plan carrée de 4 X 4 mètres. Dotée d’un double jeu de deux portes – dont l’un axé sur l’entrée historique – la nouvelle entrée se projette de façon presqu’homothétique (11m de haut) sur la façade de la cathédrale.
Un léger débord prolonge en face nord un escalier technique qui aboutit à une galerie technique mobile et repliable destinée à offrir une vue frontale et rapprochée du portail.
Constitué en toiture et en façades de facettes géométriques (triangles et trapèzes), le nouvel abri se décolle du monument avec pour simple contact avec sa façade, un joint creux crée par un portique vitré large de 1 mètre.
Le souci de rendre réversible la présence de l’ouvrage et d’éviter toute engravure dans la façade de pierre (joint comprimé entre les 2), amène à porter en porte-à-faux la verrière de ce portique. En position remontée, la sous-face de la passerelle assure la continuité des caissons de bois habillant les parois intérieures.
La composition de l’enveloppe, avec son épaisseur de 60 centimètres (vêture + étanchéité + isolation thermique + habillage intérieur), est destinée avec une ventilation naturelle à procurer une stabilité et une inertie climatique permettant d’atténuer les amplitudes thermiques.
Les différentes sources maîtrisées de lumière naturelle (portique, faille, moucharabié) et occasionnellement de lumière artificielle participent de cette ambiance méditative et contemplative.
Bernard Desmoulin
Concours d’architecture pour la réalisation d’un ouvrage de protection du portail occidental de la Cathédrale d’Angers. Projet non lauréat.
Pour découvrir les autres projets :
A Angers, l’union sacrée du Maire, de l’Evêque et du Malin ? (Projet Kengo Kuma)
Le projet Rudy Ricciotti
Le projet Philippe Prost
Le projet Pierre-Louis Faloci