Les premiers espaces réaménagés d’ores et déjà livrés, l’agence Search architecture (Thomas Dubuisson, Caroline Barat) et la maîtrise d’oeuvre du musée du Louvre ont dévoilé conjointement le 15 avril 2016 les détails d’une opération qui vise essentiellement, pour la modique somme de 53,5 millions d’euros, à redorer le blason de l’accueil d’un des plus grand musée du monde. Discret, le chantier démarré en 2014 sera terminé début juillet 2016. Visite guidée.
L’opération «Pyramide» est née du constat que l’espace d’entrée des visiteurs, le Hall Napoléon, tenait plus du hall de gare que du parvis muséal. La pyramide, pensée par l’architecte sino-américain Ieoh Ming Pei, constitue la pointe visible du projet du «Grand Louvre». Inauguré en 1989, le nouveau musée avait été conçu en regard des 4,5 millions de visiteurs annuels attendus à l’époque. Vingt-cinq ans plus tard, fort de son succès, Le Louvre voit aujourd’hui passer plus de 30 000 visiteurs par jour, soit plus de deux fois la jauge initiale.
Désormais, un selfie avec Mona-Lisa nécessite beaucoup de patience rien que pour entrer dans l’aire d’accueil, avant une attente interminable devant les petites billetteries, et des centaines de pas perdus dans la cacophonie du hall. Tout ça pour un sourire ! «La réorganisation des accès et de l’accueil sous la pyramide s’imposait», souligne Pauline Prion, chef de projet à la maîtrise d’ouvrage du musée du Louvre.
En 2011 l’agence SEARCH est donc missionnée pour redimensionner les services de l’accueil et améliorer la gestion des flux. «La difficulté de l’opération tient dans le fait que le musée devait impérativement rester ouvert pendant le chantier, impactant le moins possible les visiteurs», explique Thomas Dubuisson. L’opération à tiroirs aura ainsi vu se dérouler une dizaine de petits chantiers à l’intérieur du plus grand, un exploit permis grâce à un phasage extrêmement précis.
«Le chantier du Louvre est sans doute le seul chantier de cette envergure à coller au mieux aux normes GN13*», explique Clément Gibert, l’ingénieur OPC, pendant la visite de presse. Le gros œuvre était réalisé la nuit ou le mardi, jour de fermeture au public, des capteurs sonores ont été installés pour limiter les nuisances acoustiques, ainsi que des parois coupe-feu, limitant l’impact du chantier sur les visiteurs.
Dans un premier temps, il s’agissait de rendre au passage Richelieu sa transparence. Les Algeco de contrôle des entrées qui l’encombraient grossièrement depuis le milieu des années 90 ont été remplacés par d’élégantes structures fines et délicates installées sur les côtés. L’accès par la rue de Rivoli retrouve ainsi toute la perspective de la mise en scène architecturale, vers la pyramide.
Parallèlement, l’entrée par la pyramide a fait l’objet de bien des attentions. Jean-Luc Martinez, président-directeur du musée depuis 2013, rappelle d’ailleurs que «le Louvre est le seul musée du monde dont l’entrée est considérée comme une œuvre d’art. Il s’agit donc de remettre la pyramide dans la logique de la visite». «Sans pourtant toucher ni à la pyramide, ni à l’enveloppe», souligne Thomas Dubuisson. L’accès se fera désormais par deux files de part et d’autre de la porte-centrale. «Le linteau se trouve libéré de l’envahissement de la file d’accès», justifie l’architecte. Le pourtour du balcon est également libéré, «dans l’esprit d’origine du projet de Pei et la pyramide retrouve son rôle de toit rayonnant», ajoute Caroline Barat.
En contrebas, dans le peut-être trop vaste hall Napoléon, la notion d’accueil était à réinventer. Plusieurs interventions ont eu lieu simultanément. Afin de supprimer les files d’attente, SEARCH a camouflé un espace dédié à la billetterie dans ce qui était auparavant l’ancienne librairie du musée. «Cette nouvelle organisation de la gestion des flux sera optimisée en parallèle de l’augmentation de la vente en ligne de billets», relève Pauline Prion. Quant à la librairie, elle trouve maintenant place sur la sobre mais chic mezzanine créée au-dessus de la boutique grâce à des espaces récupérés sur des locaux techniques et de stockage.
La refonte complète de la communication visuelle, afin notamment de permettre aux visiteurs de se repérer plus rapidement, a été confiée au graphiste Philippe Apeloig. Les vastes bannières présenteront dorénavant une galerie de portraits phares, issus des collections, évitant l’écueil du langage. A termes, toute la signalétique du musée sera corrigée. «Non plus placés à hauteur d’homme, les seyants lettrages en bois sombres annonçant la billetterie, les vestiaires, ou les toilettes seront visibles à 2,50m et écrits plus gros, afin d’être plus facilement identifiables depuis le hall», expliquent les architectes.
Au mois de juillet 2016, le «camembert» de Pei aura été remplacé par une projection représentant le musée permettant à tous de mieux se repérer et s’organiser autour des trois pavillons. «La projection racontera la géographie du site et sa morphologie générale», expliquent ses concepteurs. Aujourd’hui sous-dimensionné et peu lisible, le comptoir circulaire sera remplacé par deux banques d’informations, installées dans les deux grands piliers en «trièdres».
L’autre but avoué de l’intervention est d’améliorer les conditions thermiques et acoustiques du hall et d’offrir un meilleur environnement de travail aux 2 300 agents. Dans cette optique, des parois absorbantes doubleront les murs de pierre de Bourgogne autour des banques d’accueil. Le designer Sylvain Dubuisson a conçu pour le musée un mobilier en chêne sombre, instaurant un dialogue avec les aménagements de Pei, sans le singer.
Finalement, SEARCH réalise la prouesse de refondre complètement les espaces d’accueil du musée, sans en déranger la vie quotidienne. En privilégiant des actions minimales coordonnées, l’effet est maximal tandis que le musée dispose à nouveau un parvis intérieur à la hauteur de son standing.
L’inauguration est programmée le 5 juillet 2016, en présence du Président de la République.
Léa Muller
*les normes régissant les règles d’installation et de sécurité sur les chantiers.