Seize ans après sa fermeture, La Samaritaine est revenue en 2021 sur le devant de la scène parisienne, sous pavillon LVMH. Les Parisiens vont y (re)découvrir la « classe » de son architecture, à commencer par la richesse retrouvée de ses ouvrages métalliques !
Cette « cathédrale du commerce moderne », selon Emile Zola, est le fruit de l’esprit visionnaire d’un petit vendeur de tissus à la sauvette. Homme de goût ayant le sens des affaires, Ernest Cognacq poursuivit la croissance diversifiée de son commerce en saisissant toutes les opportunités foncières jusqu’à investir entre 1870 et 1930, quatre îlots stratégiquement situés entre le Pont Neuf et la rue de Rivoli. Tantôt se contentant de réunir les immeubles, tantôt les restructurant plus ou moins lourdement, voire à les reconstruire, il sut s’attacher le talent de Frantz Jourdain et Henri Sauvage.
Ces deux architectes emblématiques de l’Art Nouveau et de l’Art Déco firent massivement appel à l’acier pour son faible encombrement à portée égale et la rapidité de sa mise en œuvre. Aucun grand magasin parisien ne parvint à faire aussi élégamment l’éloge de ce matériau se mariant si bien au verre et se prêtant à merveille au décor. Son déclin progressif mais inexorable conduisit à son rachat par LVMH en 2001. Faute d’entretien suffisant prolongé, le grand magasin ferme définitivement quatre ans plus tard. Un vaste audit fut alors engagé pour définir un nouvel avenir à ces quatre bâtiments.
La poursuite du palimpseste
Depuis 2009, l’agence japonaise pritzkérisée Sanaa supervise la reconstruction du magasin 4 et la restructuration complète des trois bâtiments mitoyens du 2 – inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques en1990 – traitée ci-après.
Situé au nord, Jourdain Plateau est le plus ancien (1891-1910) et surtout le plus éclectique. Destiné à accueillir quatre niveaux de commerces (R-1/R+2), une crèche et des bureaux organisés autour d’un nouvel atrium, la totalité des planchers d’origine ont été démolis après avoir stabilisé l’ensemble des façades sur une profondeur intérieure de 3 à 5 m via des palées provisoires contreventées verticalement par des croix de Saint-André.
Plusieurs chevalements spectaculaires en infrastructure et renforcements des éléments porteurs conservés ont été nécessaires pour reprendre la nouvelle structure poteau/poutre (rivetés en atelier ou sur place) des six niveaux ceinturant l’atrium couvert par une verrière en dôme inversé. Les façades sur rues ont recouvré leurs décors fleuris originels.
Entièrement consacré au commerce, Jourdain Verrière (1906-1910) retrouve tout le faste de son majestueux escalier central en ferronnerie que douche de la lumière du jour la mythique verrière art nouveau (37 x 20 m). Celle-ci a dû être stabilisée afin de pouvoir démonter les ouvrages périphériques en combles entièrement restructurés.
L’ensemble des planchers métalliques – originellement pavés de dalles de verre – ont été renforcés par des contre-poteaux pour reprendre les charges supplémentaires dues aux réaménagements intérieurs et à la mise en œuvre des escalators sur tous les niveaux en utilisant des techniques de poutres rivetées. Le confort thermique imposa le recours à des doubles vitrages dont un en Electrochrome d’autant plus lourds qu’il lui fallait conserver l’étroit pas initial de 45 cm de large complexifiant leurs joints et couvre-joints. D’où le renforcement de sa charpente.
Métamorphosé en palace sous enseigne Cheval Blanc, le bâtiment Sauvage (1926-1928) conserve la totalité de ses façades en pierre Art Déco. Mais son changement d’affectation a conduit à d’importantes reprises en infrastructure par chevalement et vérinage, au renforcement des attaches principales des planchers pour reprendre les nouvelles charges, au changement des poutres-profils de plancher dans les étages supérieurs pour gagner de la hauteur sous-plafond et à la mise en œuvre de connecteurs sur les poutres pour travailler en ossature mixte. A cela s’ajoute la création de trémies pour les monte-charges, ascenseurs et escalier de la partie centrale.
Afin de conserver leur fine modénature originelle aux 585 châssis extérieurs des bâtiments Jourdain et aux 170 de celui de Sauvage, KDI a retenu les profilés acier ultra fins à haute isolation thermique Unico et Unico XS de Forster avec une structure alvéolaire en inox.
Article issu de la revue Matières (N° 11)
ConstruirAcier, l’association qui valorise l’architecture acier depuis 2008
Un musée, un stade, un centre commercial, une gare, un aéroport, des logements, un pont, un immeuble de bureaux, une maison, un entrepôt, une passerelle, une école… Tout, décidément tout, peut être construit en acier. Et ce n’est incontestablement pas un hasard si ce matériau le plus utilisé dans les pays industrialisés depuis le XIXe siècle a franchi haut la main les étapes de la transition écologique de l’orée du XXIe siècle… Architectes et concepteurs ne s’y trompent pas et misent sur le matériau acier pour conjuguer à l’envi performances techniques, efficacité et sens de l’esthétique.
ConstruirAcier proposent ainsi les Trophées Eiffel, lesquels contribuent à faire connaître des œuvres architecturales variées et significatives, réalisées tout ou partie grâce au matériau acier. Ils sont attribués par un jury indépendant à des œuvres construites en France, conçues par des architectes sans restriction de nationalité.
Ces prix s’inscrivent dans une perspective de promotion de l’architecture métallique et de ses concepteurs, architectes et ingénieurs. Ils ont aussi l’ambition de souligner les savoir-faire des entreprises de construction métallique et de métallerie et toutes les qualités du matériau acier.
En 2020, dix projets ont été récompensés dans les catégories Franchir, Architecture et Ingénierie, Habiter, Travailler, Apprendre, Divertir, Voyager, Innover, Restructuration et International.
ConstruirAcier, c’est aussi la Revue Matières, magazine de référence de l’architecture acier.
En savoir plus : https://www.construiracier.fr