La campagne présidentielle va s’intensifier dans les prochaines semaines. Le sujet du logement n’émergera pas, comme il est à regretter à chaque campagne. Le sujet, peu clivant et technique, n’inspire pas les candidats. Le logement est cependant l’objet de notes, rapports, etc. qui vont ponctuer ce début d’année 2022. Lecture du rapport de Terra Nova, publié vendredi 14 janvier.
Le logement apparaît en 16ème (et dernière) préoccupation dans les attentes des Français d’après un sondage Elabe, la perte de pouvoir d’achat en est la première*. Mais peut-on décorréler pouvoir d’achat et logement, quand celui-ci est le premier poste de dépenses de ménages et que les prix de l’immobilier augmentent plus vite que les revenus ?
Entre janvier et février, divers acteurs vont faire des propositions sur le logement. La FNAIM a évoqué le sujet lors de sa conférence de presse sur les chiffres de l’immobilier, mercredi 12 janvier dernier. Le vendredi suivant, c’était au tour du ‘think tank’, proche du PS, Terra Nova de publier son rapport « Logement : les priorités pour 2022–2027 »**.
Ce dernier rapport propose une analyse et des recommandations sur cinq points : l’action articulée entre l’Etat et les acteurs locaux, l’implication des collectivités dans la lutte contre le mal-logement, la poursuite de la rénovation urbaine, la maîtrise foncière et la rénovation des logements. En 28 pages, le texte propose un renforcement des collectivités dans la politique du logement et un apport plus important des HLM dans toute chaîne d’accueil.
Concernant la production de logement, estimée (espérée plutôt. NdE) à 450 000 par an, les rapporteurs de Terra Nova envisagent d’abandonner cette contingence nationale pour favoriser une meilleure territorialisation et coopération entre communautés sur les besoins de logement. Si ceux-ci ne peuvent être dictés depuis Paris et l’Etat, les collectivités, par leurs documents d’urbanisme et les services compétents dont elles disposent, sont les plus à même de connaître les réalités de leur territoire.
Si l’Etat se fait le garant de la législation et de la bonne péréquation des moyens, la contractualisation, tel les CRTE (Contrat de relance et de transition écologique) semble l’outil pour accompagner les projets territoriaux intégrant la problématique du logement. A la fin du mois de janvier, 845 CRTE devraient être signés. Ceux-ci visent à poser le cadre de contractualisation entre le ministère, les opérateurs de l’Etat (Ademe, Cerema et l’ANCT qui porte les programmes Action Cœur de Ville et Petites Ville de Demain) et les EPCI, afin de mobiliser les crédits d’ingénierie nécessaires aux projets de territoire définis dans le contrat.
Les collectivités ainsi que les HLM devraient également être mobilisées pour lutter contre le sans-abrisme et le mal-logement. Les politiques concernant les populations en grande exclusion ou précarités sont écartelées entre le ministère de l’Intérieur, le ministère du Logement, etc. avec l’intervention des départements et des collectivités, ce qui ne permet pas d’assurer le suivi ou la sortie de grande précarité que cela soit des SDF, des enfants placés, etc. dont les besoins au-delà du logement, commandent également un accompagnement social donc de proximité.
Aussi le ‘think thank’ de proposer de mobiliser les HLM afin d’utiliser leur parc et de construire des logements adaptés aux besoins des plus fragiles à partir d’une politique décentralisée vers les collectivités. Le rapport note tout de même que les HLM sont aussi confrontés à la paupérisation de leurs résidents, ce d’autant plus que si le logement social était auparavant un passage dans le parcours résidentiel des habitants, le parc se sédentarise de plus en plus.
Avec cette proposition, bien que confortant les missions sociales du parc, le risque est bien de faire porter aux HLM des missions sur la grande exclusion dont les autorités sont incapables de saisir.
Par ailleurs, le Terra Nova appelle encore les HLM à se mobiliser pour les copropriétés dégradées. En effet, dans l’effort de rénovation urbain, saluer comme une des grandes réussites, qui a « permis d’engager des travaux d’envergure et de rendre les villes plus cohérentes, solidaires et modernes », la volonté est d’amplifier le mouvement ; que la rénovation urbaine se déporte aussi sur le parc privé avec un rachat par les bailleurs sociaux des copropriétés.
Action, il faudrait ne pas l’oublier, qui est déjà menée par CDC Habitat, Action logement et les EPF en charge du portage foncier. La complémentarité d’action entre l’Anru et l’Anah est d’ores et déjà réalisée sur les périmètres des NPNRU, où il a d’ores et déjà été constaté qu’une fragilité existante dans le parc social est également présente dans le parc privé.
En partant du constat que « le prix des logements a été multiplié par 2,3 de 2000 à 2020, alors que le coût de la construction a progressé́ de 60 % et l’indice général des prix a augmenté de 30 % », le rapport attire l’attention sur la question foncière. « Cette croissance des prix du logement a favorisé les ménages propriétaires, qui voient leur patrimoine prendre de la valeur, et entraîné une croissance des inégalités répartie inégalement dans l’espace et selon l’âge. La différence entre prix du logement et coût de construction a été absorbée en partie par d’autres composantes du coût telles que l’amélioration de la qualité, les marges et honoraires mais l’essentiel a bénéficié au poste foncier ».
La grande inégalité face au logement revient au foncier, dont le prix est traité à partir de celui de l’existant. Il serait judicieux de rappeler que le logement neuf ne représente qu’un faible contingent annuel de logement. Par ailleurs, si faire baisser le prix du foncier pour construire dans certaines zones n’est pas possible, c’est peut-être l’aménagement du territoire tout entier qu’il faudrait revoir, non ?
Comment en gardant les mécanismes de marché faire baisser les prix quand des zones sont sous tension ? Il ne reste que la constitution de réserve par les collectivités, la construction via les OFS ou encore l’obligation pour un propriétaire de vendre à un promoteur les terrains déclarés constructibles. Le rapport pointe d’ailleurs le hiatus entre l’objectif de zéro artificialisation nette et les aspirations des Français… mais bon, ceci est un autre sujet.
Dernier point, la rénovation énergétique des logements. Pointant le déséquilibre entre les coûts pour les ménages de la rénovation énergétique et la faible baisse des factures, le rapport encourage à créer des mécanismes de taxation notamment pour les bailleurs, afin d’abonder les aides à la rénovation des ménages. Terra Nova propose ainsi de « combiner une hausse maîtrisée du coût de l’énergie avec des obligations, des accompagnements et une redistribution vers les ménages modestes. Une taxe supplémentaire sur la consommation d’énergie pourrait en effet être redistribuée aux propriétaires les plus modestes, et ce sous forme d’aide au financement des travaux : elle aurait alors un double effet, direct – sur les propriétaires aisés, qui auraient dès lors intérêt à réaliser des travaux – et indirect – sur les plus modestes, qui en auraient ainsi les moyens ».
Pour le parc privé locatif, si l’interdiction de louer paraît une mauvaise idée, risquant de voir disparaître une partie de l’offre, une taxe sur les passoires thermique permettrait d’abonder le fonds d’aides à la rénovation énergétique, il faut juste alors tenir le blocage des loyers de ces passoires…
Le rapport propose donc de renforcer le rôle des collectivités, que le parc social joue un rôle toujours plus social. Très bien mais voilà deux entités mises à mal pendant ce quinquennat : fin de la taxe d’habitation pour les collectivités, baisse des APL pour les HLM, des décisions qui ont généré des pertes importantes pour les deux. Dit autrement, il faut faire porter la politique du logement sur des acteurs affaiblis !
Dans cette note somme toute bien lisse et bien tiède, il n’y a pas de proposition politique d’envergure remettant en cause le modèle du ‘tous propriétaires’, qui pourtant ne permet pas de mobilité et qui contribue à la dégradation du parc. Aucune remise en cause non plus des mécanismes du marché et des promoteurs dans l’augmentation des prix. Rien n’est dit encore sur l’aménagement du territoire qui a concentré en quelques métropoles les emplois et l’activité. Quelques mesures qui ne mangent pas de pain, suivons le marché et tout ira bien ?
Rien n’est dit non plus sur l’attractivité des villes moyennes, constatée par les auteurs, qui est un possible trompe-l’œil comme le pointent Aurélie Delage et Max Rousseau qui parlent d’un risque « d’accaparement foncier par les plus aisés » pour leur résidence secondaire ou abonder la airbnbisation des campagnes***. Rien n’est dit non plus sur la vacance, ni sur la fiscalité immobilière, vieux serpent de mer.
Bref, la note de Terra Nova comporte bien des angles morts et ses propositions ne sont rien que de demander encore plus à ceux qui font déjà beaucoup, et qui, en effet, mériteraient de pouvoir faire mieux. Enfin, la tiédeur des propositions apparaît bien inoffensive face à un marché déconnecté des revenus des Français.
Julie Arnault
* https://elabe.fr/pouvoir-d-achat/
** https://tnova.fr/economie-social/logement-politique-de-la-ville/logement-les-priorites-pour-2022-2027/
*** https://www.nouvelobs.com/societe/20211206.OBS51837/derriere-l-exode-urbain-l-accaparement-foncier.html