Le président Emmanuel Macron réélu, il sera temps pour lui de résoudre la question de l’indépendance énergétique du pays avec, comme il l’a promis, l’édification de 14 EPR. Ce n’est pas tant la construction elle-même qui pose problème, Bouygues montrant à Flamanville (Manche) un savoir-faire qui fait l’envie de ses concurrents mondiaux. Non, la vraie difficulté est de savoir où les mettre !
Nonobstant le temps de livraison des ouvrages qui ne coïncide pas exactement avec l’actualité en Ukraine et le fait que Macron Emmanuel prônait exactement le contraire il y a cinq ans, acceptons l’argument : 14 EPR et nous sommes sauvés.
Question : qui veut d’un EPR près de chez soi ? Quand on voit le bazar pour agrandir un aéroport à Nantes (Loire-Atlantique), pour creuser un site d’enfouissement de déchets nucléaires à Bure (Meuse) ou pour construire sept logements sociaux dans le XVIe arrondissement de Paris, trouver un terrain sera une épreuve. Alors quatorze terrains pour quatorze EPR ! Même en offrant une piscine et une patinoire et un musée et un skate-park et des équipements tip top, lesquels accompagnent toujours les pilules d’iode, ce n’est pas gagné.
Heureusement, une solution est toute trouvée. En effet, alors que la campagne présidentielle bat son plein, ils sont nombreux les ralliés de la dernière heure à voler au secours de la victoire. De la gauche ou de la droite, ils arrivent à grandes enjambées. Attendre au moins la fin de la bataille avant de changer de camp serait pourtant la moindre des élégances !
Non, puisque voilà donc des élus de la nation aux convictions tenaces qui abandonnent leurs champions, avant même le premier tour. C’est un peu comme si un joueur de foot changeait d’équipe à la mi-temps et se mettait à marquer des buts pour les adversaires. Si celui-là ne sort pas du terrain sous les sifflets…
En fait, en y pensant, ce sont surtout des championnes qui sont abandonnées en rase campagne électorale. Au PS, ils avaient déjà savonné la planche de Ségolène Royal, avec Anne Hidalgo, ils ont carrément enlevé la planche. Pour Valérie Pécresse, la planche si bien fartée, c’est une première (encore que…). Marine Le Pen depuis longtemps en sait quelque chose, avec encore l’infâme Eric Zemmour qui vient déposer des étrons dans ses bottes, pourtant déjà boueuses.
Vraiment, venir de la gauche et rallier un président dont le ministre de l’Intérieur a fait ses armes à l’extrême-droite, il faut de la colonne vertébrale ! Quant à ceux qui viennent de la droite, mieux vaut reporter le déplacement à Colombey-les-Deux-Eglises pour éviter le mal de tête.
Bref, ces ralliés de la dernière heure seront certainement récompensés d’un hochet, d’une fonction protocolaire, d’une ambassade aux pôles, tout plutôt que de retourner au turbin. Mais le ralliement, comme tout ralliement, surtout de la dernière heure, a un prix. Ce prix d’excellence, vu les maigres troupes que ces ralliés apportent avec eux, est fixé : un EPR chacun ! Byzance question créations d’emplois qualifiés !
Car le président réélu Macron ne va quand même pas mettre un EPR chez ses meilleurs amis, sauf peut-être au Havre chez Edouard Philippe.
Et voilà comment, comme il y eut les Bus Macron avec le succès dont chacun se souvient, Chroniques d’architecture est capable de vous offrir la carte des futurs 14 EPR Macron. Chaque ouvrage sera évidemment contextuel et dessiné par un architecte japonais, allemand, chinois ou anglais, l’architecte local d’exécution devant porter tout le blâme en cas d’erreur. Et, avec Bouygues à la manœuvre, elles ne manqueront pas.
La carte des ralliés et donc la nouvelle carte du président radioactif.
Dans le coin droit, avec l’écusson bleu pâle :
Éric Woerth, député de l’Oise
Christian Estrosi, maire de Nice
Renaud Muselier, président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur
Caroline Cayeux, maire de Beauvais
Hubert Falco, maire de Toulon
Natacha Bouchart, maire de Calais
Christophe Béchu, maire d’Angers
Dans le coin gauche, avec l’écusson rose pâle :
François Rebsamen, maire de Dijon
Elizabeth Guigou, députée de Seine-Saint-Denis (2002 – 2017)
Marisol Touraine, députée d’Indre-et-Loire (1997 – 2012)
Juliette Méadel (ralliée de longue date) Montrouge (Hauts-de-Seine)
Michel Dagbert, sénateur du Pas-de-Calais
Olivier Klein, maire de Clichy-sous-Bois
Nos félicitations aux habitants des villes, circonscriptions et territoires de ces chevaliers et chevalières pleins de courage.
Pour le coup, avec des ouvrages appelés à durer jusqu’au siècle prochain, au moins, cela va être l’occasion pour chacun de ces ralliés d’inscrire son nom dans l’histoire du pays : EPR Hubert Falco ou EPR Marisol Touraine, c’est toujours mieux que EPR N°3 ou réacteur N°6.
Le tout évidemment à condition qu’une bombe poutinienne ne tombe pas sur l’une de nos centrales, ou sur n’importe quelle autre en Europe, l’armée russe ayant déjà, à Tchernobyl notamment, fait la démonstration de l’imprécision de ses tirs.
Auquel cas, il sera toujours temps pour ce président de changer encore d’avis. Car, enfin, qui vraiment souhaite Fukushima à sa porte ?
Christophe Leray