A Lyon comme dans beaucoup de villes françaises, plusieurs fois par an, des pluies de sable viennent jaunir voitures et mobilier urbain. Parfois, au petit matin, un ciel surréaliste jaune orangé enveloppe complètement la ville et donne comme une impression de fin du monde. Chronique-photos du photographe Thierry Allard.
Il faut une conjonction de plusieurs facteurs météorologiques pour que cela se produise, des vents du sud amenant une masse très importante de sable saharien, une couverture nuageuse assez basse et masquant en partie la lumière du soleil. Le phénomène est aussi visible parfois même la nuit, du fait de la puissance des éclairages publics.
En 2021, un jour de grasse matinée, je découvre tardivement ce phénomène mais me décide quand même à aller faire quelques photos au plus près de chez moi avant que cet immense filtre de couleur naturel ne disparaisse du ciel.
Je me rends du côté de la Soie, un quartier de Vaulx-en-Velin jouxtant Villeurbanne dans la banlieue lyonnaise.
La Soie est un quartier, anciennement industriel, qui fait l’objet d’une transformation complète depuis une vingtaine d’années et accueille un centre commercial et une tripotée de nouveaux immeubles d’habitation et de bureaux que j’ai eu l’occasion de photographier très souvent.
Mais dans cette ambiance pré-apocalyptique, je me précipite pour photographier de préférence ce qui constitue les véritables racines du quartier, soit les bâtiments industriels plus ou moins nobles, d’architectures, de styles et d’époques très différentes.
Le premier bâtiment qui se présente sur ma route est un entrepôt des TCL, la régie de bus lyonnaise, avec son architecture métallique qui n’attire pas beaucoup l’attention habituellement mais dont la peinture jaune vient aujourd’hui résonner avec la couleur du ciel.
Je traverse ensuite un parking récent à l’architecture surélevée, à grands enjambements de béton.
Je laisse mon appareil photo faire comme il peut sa « balance des blancs ». Il s’accroche ici peut-être à la seule vraie couleur blanche grâce à une enseigne lumineuse située au sommet d’une grue.
J’accède ensuite à un jardin complètement désert dans lequel le sable saharien ne pourra certainement pas venir ternir le revêtement du sol en terre battue. Lʼancien château dʼeau repeint en rouge trouve, en ce jour jauni, comme un écrin pour le mettre en valeur.
Tout près d’un jardin d’enfants, trône une usine emblématique de l’histoire lyonnaise : l’usine Tase avec son environnement de cité ouvrière. Ici fut fabriquée de la « soie artificielle » jusqu’au moment où cette dénomination ne soit interdite en 1934 et remplacée par le terme de « rayonne ».
L’usine est inscrite aux Monuments Historiques et classée au patrimoine du XXe siècle. Elle a été restaurée il y a une dizaine d’années et a déjà accueilli des expositions artistiques comme la Biennale d’Art Contemporain de Lyon.
Entourée depuis plusieurs années par des chantiers, elle côtoie de plus en plus de constructions nouvelles, dont certaines attendent encore leurs premiers habitants.
La couleur jaune reste mon fil rouge. Je continue ma promenade aux confins du quartier de la Soie jusqu’à l’usine hydroélectrique de Cusset à Villeurbanne.
Réalisée entièrement en béton en 1899, elle est recouverte d’un parement en pierre. La décoration des façades avait été confiée, à l’époque, à un célèbre architecte, Grand Prix de Rome, Joseph Albert Tournaire.
Tout autour de l’usine hydroélectrique, d’anciens entrepôts, d’architecture beaucoup plus rustique, sont probablement voués à des destructions futures.
Quand la lumière du jour devient plus intense et que le ciel commence à blanchir de toute part, je laisse derrière moi le béton jauni de ces constructions industrielles et je me promets de me réveiller un peu plus tôt la prochaine fois, afin de ne pas manquer le prochain épisode de Sahara mieux demain.
Thierry Allard
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